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Platon: Étant fils de Poros et de Penia, l'Amour en a reçu...

Publié le 30/04/2005

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platon
Étant fils de Poros et de Pénia, l'Amour en a reçu certains caractères en partage. D'abord, il est toujours pauvre, et, loin d'être délicat et beau comme on se l'imagine généralement, il est dur, sec, sans souliers, sans domicile, sans avoir jamais d'autre lit que la terre, sans couverture, il dort en plein air, près des portes et dans les rues ; il tient de sa mère, et l'indigence est son éternelle compagne. D'un autre côté, suivant le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles, amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier, magicien et sophiste. Il n'est par nature ni immortel ni mortel ; mais, dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie, tant qu'il est dans l'abondance ; tantôt il meurt, puis renaît, grâce au naturel qu'il tient de son père. Ce qu'il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu'il n'est jamais ni dans l'indigence ni dans l'opulence. Platon

• Quelle est l'idée générale du texte ? L'Amour est fait de contrastes solidaires : il est contradictoire et instable, car il est le produit et le fruit de Pauvreté et d'Expédient. Il y a donc, dans l'Amour, une dualité fondamentale de nature.    • Le problème posé par ces lignes est celui de savoir si le désir amoureux est bien, comme le suggère le texte, défini par le manque, la vacuité, le besoin de quelque chose qu'il ne possèderait pas. Et, en effet, Platon nous dit ici que l'Amour, toujours pauvre, est en quête de quelque chose. Cela signifie que le désir amoureux est cerné «en creux«, et non point par sa positivité. Peut-on définir ainsi l'amour par le manque ? Tel est bien le problème qui se pose à nous.

platon

« a, en lui, un dénuement et une privation essentiels.

Il se définit par le manque et l'indigence.

Non seulement ontrouve en lui une indigence fondamentale, mais il n'est ni beau ni délicat.

Il y a ici une allusion à un autre discoursqui a été tenu précédemment, celui d'Agathon.

L'Amour, avait dit Agathon plus haut, est le plus beau et le meilleur !Il est le plus jeune des dieux...

Il n'est pas seulement jeune, il est, en outre, fort délicat.

Ce n'est pas sur la terrequ'il chemine : il réside, nous disait Agathon, dans ce qu'il y a au monde de plus tendre ; il n'est proche que desâmes où il y a de la tendresse.

Il serait ainsi lié, en tous points, au «délicat».

«Étant donc en contact constant, despieds comme de tout l'être, avec ce qui entre les choses les plus tendres est ce qu'il y a de plus tendre, l'Amour estnécessairement d'une délicatesse sans pareille» (LE BANQUET, 195 e).

Ainsi, l'Amour apparaissait-il, avec Agathon,d'une grâce incomparable.

Il ne vient se poser que sur un terrain riche en fleurs.

En somme, avec cet orateur,l'Amour possédait tout et avait tout !Bien loin de ce portrait stéréotypé, Socrate et Diotime développent une autre image : l'Amour est indigent, il nepossède ni la Beauté, c'est-à-dire l'harmonie générale des parties, l'organisation harmonieuse, ni la délicatesse,c'est-à-dire une certaine finesse et un raffinement (ceci, c'est la figuration d'Agathon, mais aussi du vulgaire).

Ensomme, c'est un pauvre diable qui va sans souliers ; un va-nu-pieds, sans domicile ; il n'a même pas de gîte, dedomicile fixe.

Tout le texte nous suggère une pauvreté, mais aussi une «itinérance» de l'Amour, un aspect voyageur,peu installé, une sorte d'élan et de mouvement perpétuel, un dynamisme.

Cet aspect dynamique sera encore plusaccentué dans la seconde partie.Enfin, il dort à la belle étoile ou dans les chemins : décidément, il n'y a rien d'"installé» en lui ; on a souvent notéque le portrait qui nous est présenté ici est très proche de celui qu'Aristophane fait de Socrate dans les Nuées.Comme le philosophe, l'Amour n'a rien à voir avec celui qui est «installé» confortablement.

L'Amour nous fait penserà ce Diogène qui méprisait les richesses et les conventions sociales : il marchait, en toute saison, pieds nus etdormait sous les portiques des temples.

Son logis habituel était un tonneau ! En vérité, l'Amour mais aussi lephilosophe, vont pieds nus.

Peut-être bien l'Amour est-il philosophe...A la fin de cette première grande partie, Socrate nous rappelle la cause de cette itinérance : l'Amour possède, eneffet, la nature de sa mère Pénia («il tient de sa mère») et c'est pour cette raison qu'il partage à jamais la vie del'indigence, de la plus grande pauvreté et du dénuement.

Si l'Amour est dénuement, son ascendance maternelle enest responsable. C.

Seconde grande partie : «D'un autre côté...

sophiste.»Dans cette seconde grande partie, ce qui se manifeste, tout de suite, au lecteur est l'opposition à la première.«D'un autre côté», nous dit le texte ; en revanche, il tient de son père, comprenons-nous : ainsi nous savons quece qui va être examiné maintenant, c'est l'ascendance paternelle, qui introduit à un autre ensemble decaractéristiques et de qualités.Que doit donc Éros à cette ascendance paternelle ? Il est toujours en piste, c'est-à-dire ici en quête et à larecherche, de ce qui est beau, de ce qui révèle l'harmonie des formes, et de ce qui est bon, c'est-à-dire conformeau bien.

N'oublions d'ailleurs pas que, chez les Grecs, le beau et le bon sont rigoureusement indissociables : ilsformaient ce que l'on nommait la «kalokagathie», c'est-à-dire l'unité de l'idéal moral et de la beauté.

Au fond, c'estla fusion de la beauté et du bien que recherche Éros ; d'autre part, il est brave, courageux, il va de l'avant et c'estun chasseur hors ligne, sans cesse en train de tramer quelque ruse : tout nous suggère une inlassable activité, uncôté inventif et industrieux, une mobilité fondamentale qui apparaissent très nettement : pauvre, mais pleind'énergie et de ressources, ainsi se présente Éros.

Enfin, nous dit Socrate, il est «amateur de science» : celasignifie qu'il est passionné de savoir, de connaissance, d'invention ; ce qu'il veut, ce à quoi il tend, c'est à laconnaissance.

Nous le pressentons : l'Amour se rapproche de la philosophie, car la philosophie, c'est précisément lapassion du savoir.Platon nous le dit d'ailleurs immédiatement : l'Amour emploie à philosopher toute sa vie : «il passe sa vie àphilosopher».

Or philosopher, c'est, littéralement, aimer la connaissance, le savoir, la sagesse.

Donc l'Amour estacharné à philosopher, et non point, comme le voulait Agathon, savant, à proprement parler.

Agathon faisait d'Érosun «connaissant», Socrate y voit un mouvement vers la connaissance.

Nous sommes bien loin de l'édifice élevé parAgathon à la gloire de l'Amour.

Éros est un désir, un manque, un mixte en quelque sorte.Enfin, c'est un sorcier, un magicien, il produit comme par magie des effets extraordinaires ; il réalise des suitesd'incantations : c'est une sorte de thaumaturge, un faiseur de miracles, qui tire du néant quelque chose qui est.

Ensomme c'est un créateur d'illusions, de merveilles.

Magie et sorcellerie le caractérisent.

Nous y voilà ; c'est unsophiste ! N'oublions pas ce qu'étaient lessophistes, chez les Grecs : des maîtres de rhétorique et de philosophie qui allaient de ville en ville (eux aussi étaientdes itinérants, des voyageurs inlassables).

Ils enseignaient l'art de parler en public et les moyens de défendre, pardes raisonnements captieux, n'importe quelle thèse.

Ainsi, ils donnaient l'être à ce qui n'en détient point.

Ils étaientdes créateurs d'illusions.

Platon est ici ironique.

D'ailleurs, il a souvent dénoncé les sophistes comme des rhéteurs demauvaise foi.

Néanmoins, les sophistes possédaient bel et bien une sorte de puissance thaumaturgique, liée audiscours et au langage, et c'est ce que Platon veut, sans doute, faire ressortir ici.Ainsi, tel est l'Amour : un inventeur, riche en procédés magiques.

S'il est indigent et malpropre, il y a, néanmoins, uninfatigable élan en lui ; il est riche en formules d'incantations de toutes sortes.Mais nous n'avons jusqu'ici examiné l'Amour que statiquement, du point de vue de son ascendance maternelle etpaternelle.

Passons à la synthèse dynamique. D.

Troisième grande partie : «Il n'est...

opulence.»Maintenant, Socrate et Diotime vont passer des déterminations statiques au point de vue dynamique etsynthétique.

C'est dans son devenir que l'Amour va être examiné, dans la façon dont il développe sa «nature», sonessence, sa manière d'être.

Or celle-ci est contradictoire, comme va nous le montrer le texte.. »

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