PLATON et Anaxagore
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


«
proprement platonicienne qui s'y esquisse.
a) L'expérience universelle dont nous parlions, c'est celle que tout un chacun peut faire : les choses naissent,périssent, existent.
Autrement dit : il y a de l'être et du changement, un mouvement de génération et decorruption (d'où la question de l'immortalité de l'âme) — et connaître leurs causes, c'est précisément leproblème de la physique (on voit qu'à l'origine la philosophie ne s'en distingue pas).
Savoir, c'est pouvoir expliquer le comment, mais peut-être surtout comprendre le pourquoi de l'action ou de la passion de chaque chose.
Le philosophe (physicien), c'est l'homme du sens, une notion que le texte incite à définir : de quoi s'agit-il, sinon de concevoir chaque chose par sa disposition (sa place et sa destination — seule façon de la fixer, donc de la saisir, en son « mouvement ») dans un ordre qui lui confère sa perfection, à concevoir lui- même comme un universel où s'unissent (ou s'unifient?) les particularités, ce qui exige un logos — un langage qui soit intégralement raison, c'est-à-dire présence constamment active du lien de l'universel et du particulier.
Si les choses ne sont intelligibles que par leur(s) cause(s), seul un Esprit cause de tout peut rendre la causalité elle-même intelligible : c'est en poussant à ses dernières conséquences cette pensée d'Anaxagore, en la radicalisant, que Platon inaugure son propresystème philosophique.
Seul un esprit (en grec : un noûs, une intelligence capable de choisir et projeter en toute sagesse) peut vouloir l'ordre, et produire le principe à même de tout ordonner, à savoir : le principe du meilleur.
Ainsi s'annonce ce qui prendra, par la suite, de La République aux Lois, en se purifiant de ses aspects « psychologiques », la forme rigoureuse de l'idée du Bien.
Au fond — n'est- ce pas ce que Platon nous invite à méditer : une chose se comprend-elle vraiment tant qu'elle n'est pas justifiée? Qu'est-ce qui « est cause réellement » de quelque chose, sinon sa raison d'être ?Qu'est-ce qui rend raison d'une existence, d'une action, d'une passion, sinon sa fin ? Et qu'est-ce qui justifie toute fin, sinon le Bien ? En tout état de cause, la moindre des choses dès lors, pour un philosophe, c'est de ne pas confondre l'ordre de la cause et la nécessité de la condition (ce sans quoi la cause ne serait jamaiscause) — en l'occurrence, toute la machinerie du corps, si ironiquement démontée par Socrate, sans laquelle, assurément, il nesaurait y avoir d'action, mais qui ne saurait en fournir le sens.
On mesure mieux, désormais, l'importance de ce texte (que Leibniz par exemple reproduira tout au long d'un chapitrede son Discours de Métaphysique).
Pour commencer, il nous fournit, au principe d'une histoire de la rationalité philosophique, un bon exemple de ce qu'est l'action du philosophe : elle consiste bien à conduire la pensée desténèbres à la clarté, en pratiquant, dans la critique de toutes les confusions, la distinction des concepts.
Cela étant, le gain théorique que constitue, à la fin du texte, l'opposition de la cause et de la condition s'inscrit dans uneproblématique plus large, dont Platon contribue à définir les termes : impossible de s'interroger sur la causalité sanss'interroger sur la finalité (surtout s'il s'agit de penser l'action); impossible de ne pas opposer la téléologie(l'intelligence des fins) et le mécanisme (l'intelligence des effets), sans que celle-là exclue pour autant la nécessitéde celui-ci (et pour des siècles de philosophie, concevoir la Nature, ce sera tenter de concevoir leur juste rapport);impossible, enfin, de ne pas pressentir, sous la mention de l'Esprit Cause de Tout, une possible définition de Dieu, et de ne pas se poser la question, par-delà la distinction de la philosophie et de la physique, du lien de la philosophie etde la théologie.
Mais comment ne pas souligner, pour conclure, que l'histoire de la philosophie se présente ici commeun authentique conflit entre deux points de vue antagoniques, qu'Anaxagore paraît contenir en puissance : celui dutenant des causes idéales (porté par sa logique vers le ciel de la théologie), celui du tenant des causes matérielles(ancré, à l'évidence, dans le champ de la physique).
Avant qu'ils ne se nomment l'idéaliste et le matérialiste, Platon lui-même les mettra en scène, dans Le Sophiste, par l'affrontement en un combat de géants (une « gigantomachie ») des Amis des Formes et des Fils de la Terre..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Platon et Anaxagore
- « Dans tout il y a une part de tout » ANAXAGORE
- « L’oeil est le miroir de l’âme » PLATON
- « Le corps est le tombeau de l’âme » PLATON Cratyle
- Présocratiques à Platon