Pierre Paul Rubens
Publié le 26/02/2010
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Après la mort du vieux Bruegel, la fumée des bûchers de l'Inquisition, la puanteur des cadavres amoncelés par la Furie espagnole planent encore sur les villes et les campagnes flamandes. A l'aube du XVIIe siècle, les Pays-Bas méridionaux ne sont échappés à l'hérésie qu'au prix de leur ruine totale. Durant le règne des archiducs Albert et Isabelle, vassaux de la cour de Madrid, la situation paraissait désespérée. La trêve de Douze Ans, conclue en 1609, ne fut guère qu'une paix armée. Elle affirma enfin l'indépendance des provinces septentrionales, réunies sous la République batave. Le Nord protestant fut séparé du Sud catholique. Et quoiqu'à partir de ce moment la Flandre connaîtra une paix relative, sa force économique est brisée. A Anvers, le silence règne parmi les ruines et sur l'Escaut abandonné. Mais, malgré les troubles politiques et la détresse économique, elle est toujours le théâtre d'une splendide floraison culturelle et artistique. Celle-ci reste toutefois soumise à la domination de l'Église catholique triomphante, qui marque de son empreinte toutes les manifestations de la vie sociale et intellectuelle. L'art baroque est l'illustration de la Contre-Réforme, et de cet art baroque, l'oeuvre de Rubens est le sublime apogée. Dans les courants artistiques du XVIe siècle, l'on peut discerner les premiers symptômes de ce que sera l'art du XVIIe : un art qui, même dans les sujets religieux, sera surtout humaniste, d'une conception libre et large et, au point de vue technique, tendant vers une forme de plus en plus synthétique.
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tourbillonner, ondoyer les formes dans un mouvement giratoire.
Ainsi l'Érection de la Croix (1609) est une explosion de forces collectives.
Lentement la lourde croix, chargée ducorps robuste du Christ, monte comme une flamme tourbillonnante.
Ensemble de tension dramatique, ouragan deviolence brutale, où éclatent des cris de colère et d'horreur, où se tordent des corps dans le paroxysme de la haine,de la cruauté, de la douleur.
Mais la Descente de Croix (1611) est une lamentation funèbre.
Le corps lumineux du Christ glisse lentement vers lesol.
La composition en courbe oblique a, en quelque sorte, le son alangui d'une complainte, d'un chant d'orgue aurythme sévère.
Les clartés fuligineuses s'élèvent au milieu de la sourdine des ombres profondes.
Jamais auparavantle drame chrétien n'avait été évoqué avec une telle puissance.
A partir de 1614 Rubens pratique sur une vaste échelle la méthode de la division du travail.
Il s'entoure de nombreuxélèves et de collaborateurs.
Il les réunit dans un grand atelier, où le maître leur dorme un dessin, une esquisse, qu'ilsdevront reporter sur le grand panneau.
Et chacun d'eux s'y attaque selon sa spécialité, l'un le paysage, l'autre lesanimaux, un autre encore les fleurs et les fruits, les armures.
Ensuite le maître s'approchera, pour retoucher etdonner à l'œuvre sa vigueur et sa vie.
C'est la période du style le plus idéaliste, à la facture plus libre, au coloris chaud et lumineux.
Il idéalise, tout aussibien que les Antiques et les Italiens, la forme humaine.
Aux marbres grecs et romains, dont il s'inspire fréquemment,il infuse le sang chaud de la vie, il les recrée.
Ainsi, de la Vénus accroupie du Vatican, il fera la Vénus frileuse qui ala tendre douceur de la chair illuminée d'une vibration vivante.
Et les chefs-d'œuvre se succèdent.
Ce sont lesmythologies, les Silènes ivres, gonflés de vin, rouges et ventrus, les bacchantes rieuses et voluptueuses, la rondefolle des aegipans, des faunes et des ménades, symboles des instincts, de la vitalité débordante.
Et ce sont aussiles grands tableaux religieux : les Miracle de saint Ignace et de saint François-Xavier, théâtres pompeux et sonores,où la foule houleuse se presse dans une fantasmagorie de couleurs et de lumières violentes.
La somptuosité deRubens appuie la grandiloquence des prédicateurs.
Les fanfares de couleurs alternent avec la musique des orgues etavec le chant grégorien, s'harmonisent avec le marbre des statues, avec l'or des autels et des chasubles.
De 1622 à 1628 environ, l'art de Rubens devient de plus en plus subjectif, c'est-à-dire qu'il peint avec le mêmeenthousiasme ému les scènes mythologiques et les sujets religieux, les portraits et les paysages, en mettant partoutl'accent sur le côté sensuel, sur la beauté des formes et des couleurs, sur la grâce des attitudes, sur le mouvement,sur la vie.
Car chez Rubens, comme chez tous les grands peintres, ce n'est jamais le sujet qui importe, mais bien lafaçon dont il l'interprète.
On l'a répété et c'est exact : le XVe siècle, de Van Eyck à Memling, fut spiritualiste ; leXVIe, époque d'Erasme et de Bruegel, fut celui de l'intellectualisme ; le XVIIe, siècle de Rubens, fut celui dusensualisme.
Mais Rubens fut-il exclusivement le peintre des instincts sensuels ? Son œuvre fut-elle uniquement unpoème épique et dionysiaque ? Delacroix parle avec raison de "ses sublimes idées", de sa profondeur de sentiment.Dans la Dernière Communion de saint François, cette composition presque sévère au coloris sobre, il exprime uneémotion grave et profonde, un sentiment religieux aussi austère que celui des plus fervents primitifs.
Et cettegrisaille au jus doré est un exemple de cette prodigieuse technique rubénienne, qui fait un usage savant de quelquestons fluides, légers frottis rehaussés de quelques notes claires.
Pendant cette période fertile, l'activité de l'atelier devient énorme.
C'est le moment où il exécute avec ses élèves etcollaborateurs les vingt et un panneaux, glorification de Marie de Médicis.
Et les pauvres épisodes de la vie banalede "la grosse banquière" lui donnent les thèmes d'une série d'allégories, panégyrique d'une grandeur impressionnante.Et en treize jours il achève cette éblouissante Adoration des Rois Mages, panneau de plus de quatre mètres surtrois, traitée comme une esquisse et qui justifie cette exclamation de Delacroix : "Gloire à cet Homère de lapeinture, à ce père de la chaleur et de l'enthousiasme !"
Au milieu de son triomphe, en 1626, le malheur le frappe : Isabelle Brant lui est ravie par la peste.
Il cherche undérivatif à sa douleur.
L'archiduc Albert, sentant sa mort prochaine, avait conseillé à la gouvernante Isabelled'utiliser "le grand Anversois comme agent diplomatique et de prendre ses avis toujours en considération." Rubensfut également grand diplomate.
Il s'acquitta de ses missions avec patience et ténacité, avec courage et habileté,dans le seul but d'apaiser les rivalités, de déjouer les intrigues, de favoriser la paix.
Il fut anobli, comblé d'honneurs.Mais la diplomatie lui apporte aussi l'humiliation de la part des envieux.
Et enfin il écrit à son ami Gevartius : "Jepréférerais rentrer chez moi et y rester pour le reste de mes jours".
En 1630 il a 53 ans il épouse une jeune fille de 16 ans, la plantureuse Hélène Fourment, "l'Hélène anversoise plusbelle que la Grecque" écrit Gevartius.
A vrai dire, elle ne fut ni sympathique, ni intelligente.
On peut se demander sicette voluptueuse bourgeoise avait vraiment compris la grandeur de son époux, même si elle avait aimé son art.
Ellen'avait pour elle que sa lumineuse beauté charnelle.
Mais par là elle fut l'incarnation même de l'idéal de Rubens.
Dèsson mariage, elle apparaît dans presque tous ses tableaux : elle est Amphitrite et Andromède, Didon et Eve, ViergeMarie et fille de Leucippe, Madeleine et Vénus, Suzanne et sainte Cécile.
Il fait d'elle de nombreux portraits, commemariée dans ses beaux atours, comme jeune mère avec ses enfants.
C'est la période la plus glorieuse.
Son coloris gagne encore en richesse, sa touche devient encore plus savoureuseet plus coulante, sa composition plus audacieuse.
Les travaux d'atelier deviennent plus rares dès 1635, l'année où ilacquiert le beau domaine du Steen à Elewijt.
A mesure qu'approche la fin, on sent vibrer dans son œuvre unepoésie, une aspiration vers la paix..
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