Pierre Bayle, Pensées diverses sur la Comète
Publié le 17/04/2009
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L'homme soucieux de découvrir le vrai s'interroge nécessairement sur les conditions de la réussite de son entreprise. Chez les grecs, d'ailleurs, la question du vrai se confondait avec la question de l'accès au vrai. Pierre Bayle réfléchit à la connaissance et nous met en garde contre le danger d'adhérer sans vérification aux dires du plus grand nombre. Si la tradition doit faire l'objet d'une vigilance intellectuelle, la figure même du savant, paradoxalement, ne doit pas non plus nous mettre à l'abri du soupçon. Sachons ainsi considérer la véritable cause de l'autorité d'une opinion et voyons comment l'expérience et l'exercice du doute mis en valeur dans ce texte sont des aides précieuses pour aller de l' avant. Replaçons le texte dans son contexte. « Les pensées diverses sur la comète « sont un traité contre la superstition, un plaidoyer contre les présages. Le prétexte à l'origine de cette réflexion est le passage en 1680 d'une comète. Des études spécialisées, destinées à faire comprendre ce que sont les phénomènes : passage de comètes, éclipses..:, tendent à l'époque de notre philosophe, à affirmer l'incrédulité, le rationalisme. Il s'agit de répondre à l'opinion communément répandue, et non fondée, de voir là le signe de malheurs à venir, un avertissement divin. Que la crédulité soit l'affaire de gens non avertis, ignorants, cela peut se concevoir. Ce qui est plus alarmant, c'est que des hommes, dits de science, et des personnages importants de la cité, cautionnent la superstition lui donnant plus de force.
«
l'habitude, de la paresse, de l'influence et de la conformité nous laissons de côté la voix de l'examen qui nousprotège du reclassement des idées toutes faîtes.
Faire taire les préjugés de la foule voilà ce qui eût été plus facile siles hommes dits d'étude avaient tous eu pour exigence celle de la critique rationnelle nous dit Pierre Bayle.
Aucontraire la tradition s'est renforcée forte de la caution de prétendus hommes de science dont le titre apparaîtcomme gage d'un savoir solide rendant de ce fait plus difficile encore la lutte contre la superstition.Considérons alors ce qu'est véritablement la science , formulons en les exigences et voyons en premier lieu ce quedoit être le savant.
Etre homme d'étude ce n'est pas se reposer sur un titre mais avoir le souci d'une véritable connaissance.
Les «règles pour la direction de l'esprit », « le discours de la méthode », autant de titres d'ouvrages de philosophes, iciDescartes, qui nous montrent qu'il faut nous donner les moyens du vrai.
La valeur des propos sera proportionnelle àla qualité du travail d'étude du savant et son exigence doit être celle de savoir pleinement.
C'est dire qu'il faut alorss'engager soi-même dans la connaissance, faire de sa raison le véritable support des affirmations et de son travail lacondition d'un progrès.
S'en remettre avec passivité à l'autorité d'un autre c'est tout d'abord ne pas se donner lebonheur d'exister mais c'est aussi prendre le risque de conforter des erreurs et d'entraver la marche vers le vrai.Quand bien même d'ailleurs les autres seraient dans le vrai nous ne serions pas savants pour autant que nous nousen remettrions à leurs propos.
Dans la règle 3 pour la direction de l'esprit Descartes dit « quand bien même d'ailleurstous seraient d'accord entre eux, leur doctrine ne suffirait cependant .
car jamais, par exemple, nous nedeviendrons Mathématiciens, même en retenant par coeur toutes les démonstrations des autres, si notre espritn'est pas capable à son tour de résoudre toute espèce de problème ; et nous ne serons jamais philosophes, si nousavons lu tous les raisonnements de Platon et d'Aristote et qu'il nous est impossible de porter un jugement ferme surune question donnée ».Le pouvoir de penser ne se délègue pas.
Tout d'abord parce que la connaissance nécessite de la prudence maissurtout parce que nous ne pouvons penser par procuration.
La pensée refuse l'extériorité.Il y a de surcroît de la distance entre croire et savoir.L'ignorant dont nous parle l'auteur croit sans souci d'analyse, donne à son adhésion l'imperfection de ce qui est reçurésiste manifestant par là note servitude et notre confiance aveugle et surtout intéressée.
Un acte de foi ne suffitpas pour la connaissance et si l'autre nous est nécessaire ce n'est qu'en tant qu'il témoigne- l'auteur parle dutémoignage d'un homme - d'un sens du monde qui lui appartient.
Etre témoin affirme Gusdorf c'est « parler pour soncompte, le témoin ne se croit pas titulaire de la vérité en soi mais attestateur d'un sens du monde qui s'efforce derencontrer le sens d'autrui ».
Nous nous enrichissons de cette rencontre .
Elle nous aide à y voir clair mais ellen'entame en rien notre exigence d'être actif et responsable de nos dires.
Ce que l'autre nous apporte sachons lejuger à la lumière de notre intelligence.
Nous demandons pour qu'il puisse être génois que ce savoir prenne la formede la certitude c'est-à-dire de ce qui résiste au doute tant le travail qui a permis de l'élaborer a été solide.
Cela ne signifie pas que nous ne puissions jamais adhérer à ce que dit le nombre.
Un vrai savoir peut être connu deshommes et doit faire l'unanimité.
Mais plus nous remontons à sa source plus le degré de certitude grandit puisquenous remontons de ce fait à celui qui avec soin examine.
Les connaissances de la multitude garderont ainsi toujoursla qualité de simples probabilités.
L'intelligence se doit de douter par défiance et par prudence.
Ce qui se dit nousparaîtra avoir quelques marques de solidité d'autant que certains, séparément - donnant ainsi plus de force à leurdécouverte - l'auront étudié avec soin, l'esprit libre de la coutume, et pourront ainsi attester de la véracité despropos tenus par des arguments et des preuves.
Il faut redoubler de précautions.
Le savoir est affaire de « grandeintelligence », de pertinence et de travail.
Notre confiance ne peut aller qu'à celui qui expérimente l'étude et ladifficulté, se met à leur épreuve se donnant du temps pour cela et non à ceux qui se contentant de prêter l'oreilletransforment ce qui est laborieux en quelque chose de facilement acquis.
L'homme éprouve dans une recherchevéritable la solitude.
Descartes disait de lui : "comme un homme qui marche seul et dans les ténèbres » (Discours dela méthode), La multitude se contente d'acquiescer, d'opiner, ne rencontrant aucun obstacle, se réconfortant d'uneappartenance au groupe sécurisante.
Nous ne pouvons donner du poids à ce que nous affirmons que si nous avons su nous mettre en retirait et pratiquerl'exercice du doute.
Un doute tout d'abord révélateur d'une pensée en marche qui s'étonne et cherche àcomprendre.
Un doute enfin discipline qui atteste que l'homme ne se contentera pas de peu.
Celui-qui-réfléchitgagne la liberté de l'intelligence.
Celui qui s'y refuse ne s'affirmera pas en tant qu'esprit restant membre du troupeauqui le porte et dont il est inséparable..
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