physiocrates français, il ne reconnaît pas dans l'agriculture la source de toute richesse.
Publié le 21/10/2012
Extrait du document
«
Il pense comme les Anciens et perçoit
dijà comme les Modernes.
Dès l'Essai sur 1 'origine du langage
( 1 771), il montre que les « sens naturels » suffisent pour exprimer les passions et
susciter les émotions, mais que leur usage
doit être intentionnellement réglé par la
réflexion pour que naisse une véritable
parole.
En parlant, l'homme manifeste son essence double.
La nature le détermine
et la raison le libère.
Mais, comme le montrent les Idées sur la philosophie
de 1 'histoire de 1 'humanité ( 1 784), loin de se laisser réduire à une faculté
théorique, cette raison exprime et groupe
toutes les activités humaines, des croyances religieuses à la poésie primitive.
Elle est erifin cette semence d'histoire, qui assigne
à la nature humaine l'humanité comme but.
Dans Calligone ( 1 8oo), Herder critique
la théorie kantienne du beau.
Il ne voit
que chimères dans le plaisir désintéressé
et dans la sensation sans concept.
L'art implique en effet une activité intellectuelle
qui exerce à la fois les fonctions de la
raison théorique et du jugement de goût :
la poésie primitive, c'est la science des peuples enfants.
De plus, les beaux-arts ne se détachent jamais complètement des nécessités pratiques de la vie humaine,
et l'architecte ne distingue pas l'utilité de l'élégance.
Le goût fait donc notre
éducation morale en instruisant notre
intelligence.
De la sorte, Herder efface les distinctions que Kant avait établies
entre les facultés de connaître, de vouloir
et de juger.
Apparemment, il revient à la
conception des « Lumières » et confond,
dans l'idée qu'il se fait de l'éducation,
intelligence, moralité et sentiment.
Mais sous ces confusions et ces retours, on peut entrevoir un nouveau style philoso phique, sensible à l'unité de nos facultés, à l'expérience active que nous en faisons, en un mot, à la raison conçue comme le foyer singulier de l'existence humaine.
JULES VUILLEMIN
JACOBI Frédéric-Henri
(1743·1819) Bel homme, séduisant, brillant causeur, il eût fait un excellent diplomate, mais
pour être philosophe il lui manquait
quelque chose.
Ainsi le revoit Gœthe
dans ses souvenirs lorsqu'il évoque le temps où Jacobi l'initiait à la philosophie de Spinoza, quelques années avant de révéler celle-ci dans ses Lettres à Men delssohn (1 785) à une Allemagne qu'allait
profondément remuer la fameuse « que relle de l'athéisme », au temps où lui-même l'encourageait à publier Alwill etWoldemar (1775-1777), deux romans
philosophiques par lettres, dans le style de la Nouvelle Héloïse, réactions
passionnées contre la plate « philosophie des lumières », importante contribution
au « Sturm und Drang » naissant.
Le vieux Lessing lui confie son admiration
pour le vstème spinoziste.
Herder,
Hamann, sont ses alliés contre « la
clique berlinoise de la philosophie popu laire »; il sollicite l'alliance philoso phique de Kant avant de soulever contre son idéalisme des objections dont les
philosophes post-kantiens reconnaîtront tout
l'intérêt : Fichte proclame qu'en
tout état
de cause « rien ne l'empêchera de le regarder comme un des premiers
hommes de son temps, comme un des rares chaînons de la vraie tradition philo sophique »; Schelling même, quelques
années après une très âpre polémique, verra en lui « la personnalité la plus instruc tive peut-être de toute l'histoire de la
philosophie moderne »; Hegel, enfin, qu'il soutienne que Jacobi a posé les
problèmes dont Kant a cherché la solu tion ou qu'il en fasse le type du philosophe du « savoir immédiat » et le situe sur
le chemin qui mène à sa propre philoso phie.
Comment expliquer le contraste
frappant entre l'importance considérable que prend cette pensée dans le mouve ment des idées et l'oubli où est tombée une œuvre philosophique qui n'a guère connu que l'étrange fortune de devenir,
au début du xiX• siècle, la doctrine offi cielle d'enseignement dans l'Autriche de Metternich? Certes, Jacobi n'a rien du philosophe de profession : autodidacte,
n'ayant jamais connu cet enseignement
théologique et cette scolastique woljienne
dont l'empreinte marque
encore les vstèmes kantiens, il s'est librement épanoui à Genève à la lecture de Pascal, Fénelon,
Rousseau en particulier et sa philosophie
s'expose le plus souvent sous la forme
de lettres ou de dialogues manifestant un évident souci littéraire.
Mais surtout
elle offre un caractère assez insolite pour
inquiéter tout le monde à défaut de satis faire personne : non contente de proclamer
inlassablement la supériorité de la croyance sur toute forme de savoir, elle
s'affirme dès l'origine légitimation du présupposé et non point recherche ingénue de la vérité; mon cas, avoue-t-il avec clairvoyance, est commun à tous ceux
pour qui leur philosophie est en même temps leur religion, qui ne cherchent pas
la vérité en général, pure chimère, mais une vérité déterminée qui satisfasse
l'esprit et le cœur.
« Se déclarer contre tout vstème, là est le trait caractéristique de sa doctrine », dit Schleiermocher :
toute philosophie démonstrative, œuvre d'entendement, n'enchaîne que des raisons
formelles sans jamais pouvoir atteindre
aucune existence, de Dieu, du monde, de la liberté ni des valeurs, existences qui
nous sont cependant révélées dans la
parfaite certitude que, sans intuition ni concept, nous procure une croyance qui n'a rien d'une connaissance, œuvre d'une raison définie à nouveaux frais comme infaillible instinct de l'absolu,
faculté de présupposer le vrai qui sembl1 tenir à la fois du cœur pascalien et de la
réminiscence platonicienne.
Le spinozisme,
déduction rigoureuse de conclusions qui
contredisent aux croyances les plus cer taines que la raison nous révèle et qui
sont de ce fait disqualifiées : un Dieu
sans visage absorbé en même temps que l'homme destitué de sa liberté dans le
mécanisme aveugle de la nature, est, aux yeux de Jacobi, la preuve irréfutable que l'homme dès qu'il pense l'univers ne fait que le parler et que notre enten dement ne porte pas au-delà de ses propres productions.
Pourtant rares furent ceux de ses contemporains qui consen tirent à imiter le « salto mortale » hors de l'intelligible qu'il leur proposait pour
rentrer dans le vrai, plus nombreux
ceux que la révélation du spinozisme allait
amener à faire du panthéisme une des sources du renouvellement romantique.
Il est vrai que le propre de la croyance étant de s'éprouver et non de se prouver, le dogmatisme est naturel à la philosophie
qui la prône : de là l'irritation qu 'exprime
Kant à lui voir prendre ce « ton nou veau » mais aussi la féconde inquiétude de Fichte devant ce réalisme qui l'aide
à se convaincre que son idéalisme spécu latif n'est pas encore parvenu à accorder l'action et la parole ; de là enfin tout
l'intérêt que Hegel porte à cette philo sophie qui, à difaut d'y parvenir vrai ment, prétend au moins « dévoiler et
manifester l'existence ».
Exemple étrange
d'une pensée qui n'aura pesé dans
l'histoire
que dans la mesure où son contenu lui interdisait de s'imposer.
GUILLERMIT
MAIMON Salomon (1753-18oo)
Sa vie est celle d'un Juif errant.
Il naquit en Lituanie.
Les communautés
juives tantôt l'accueillent et tantôt
l'accablent.
On le voit ici rabbin de première classe, là mendiant et vagabond.
Sa légèreté lui aliène ses protecteurs.
Il parcourt le nord de l'Europe dans les
situations les plus diverses qu'il peint
dans ses Mémoires, et meurt en 1 8oo en Silésie.
Son écriture est subtile et morcelée comme sa vie.
Malgré ses défauts, ce style
s'accorde avec un projet unique chez les
sectateurs de Kant : « Pour eux, dit
Maimon, l'important c'est le système, la nécessité et l'universalité absolues.
Pour moi, c'est la vérité, même si elle
doit
être exposée d'une façon moins vstématique, nécessaire et générale.
)) Ses ouvrages principaux sont l'Essai de philosophie transcendantale (1790) et les Recherches cr1t1ques sur 1 'esprit humain ou la faculté
suprême de connaître et de vouloir
(1797).
Il y a dans cette philosophie un paradoxe
nécessaire : la méthode de Maimon accepte les éléments du kantisme, mais,
négligeant la philosophie morale, elle
rapporte l'entendement humain
à un
entendement créateur et infini et ressuscite
dans la philosophie transcendantale même
l'opposition
du dogmatisme et du scepti cisme, de Leibniz et de Hume.
Toute la
méthode de la « différence » tient dans
l'analogie du calcul infinitésimal.
« Les
différentielles des objets sont les nou mènes; les objets qui en naissent sont
les phénomènes.
La différentielle de tout
objet est par rapport à l'intuition = o, dx = o, dy = o, etc.; mais leurs rapports ne sont pas = o et peuvent être donnés de façon déterminée dans les intuitions qu'ils produisent.
Ces noumènes sont les
idées de la raison, qui servent de prin cipes pour expliquer la genèse des objets
selon les lois déterminées de l'entende ment.
» Les lois de la nature nous sont données dans l'expérience et nous ne pouvons pas
les déduire.
Nous ne possédons pas la
méthode différentielle qui nous permettrait
de les connaître à l'état naissant, dans
393.
»
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