Philosophie et violence d'É. WEIL
Publié le 05/01/2020
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Disciple de Kant et aussi de Hegel, Eric Weil s'interroge sur l'attitude du philosophe, confronté au XXe siècle à la violence, violence radicalement extérieure à la philosophie comme discours rationnel, mais à laquelle le philosophe lui-même n 'échappe pas.
La philosophie est le parler d’un individu concret, mais d’un individu concret qui, dans une situation concrète, s’est décidé à comprendre, non seulement sa situation, mais encore sa compréhension de sa situation. C’est moi qui sais que je ne suis pas libre dans ce monde que je sais être monde de la violence, et de la peine, et de la faim, et de la persécution, et de la mort violente, mais qui veux penser ce monde et moi dans ce monde en fonction du sens qu’il possède, et qui, ainsi, veux réaliser le sens du monde par le discours, la raison, l’action raisonnable. C’est moi qui, ici et maintenant, veux posséder un discours qui ne me permette pas seulement d’agir, mais qui me permette encore de comprendre ce qu’est agir et quel est le sens de toute action ; c’est moi qui me sais fini et qui veux pourtant comprendre le fini à partir de l’infini, moi-même à partir de l’universel.
Éric Weil, Logique de la philosophie (1956), coll. « Problèmes et controverses », Vrin, 1974.

«
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Le philosophe est capable de comprendre la· violence
dans un discours raisonnable et cohérent Mais cette supé
riorité n'apparaît qu'à ses propres yeux et l'homme violent
n'a que faire de comprendre la philosophie (« des mots l
des mots ! »).
Pour lui, le discours n'a d'intérêt que s'il
peut être mis au service de son action violente, par
exemple dans la propagande.
Quelle peut donc être l'atti
tude du philosophe qui participe, qu'il le veuille ou non, au
monde de la violence ? Il ne suffit pas de justifier finale
ment la violence, comme le font les hégéliens, en recon
naissant en elle l'énergie de l'histoire.
Il ne suffit pas non
plus, comme les existentialistes, de faire appel au libre
arbitre individuel dans une « situation concrète ».
Cette
situation concrète, Éric Weil, qui a souffert lui-même de
persécution, la décrit ici en quelques mots sobres et forts,
mais il maintient l'exigence rationnelle et ne renonce pas à
se comprendre soi-même à partir de l'universel (formule
finale).
Éric Weil souligne les deux expressions «je veux
penser» et« je veux réaliser ll, inséparables pour celui qui
agit en philosophe, c'est-à-dire qui a choisi le discours
(cohérent).
la raison, l'action raisonnable.
Un tel choix sup
pose qu'il ne se contente pas d'une rationalité partielle,
technique, réduite à l'efficacité de l'action.
Le discours phi
losophique ne se limite donc pas à la compréhension de la
situation qui permette à !'individu de « s'engager » (selon
un mot mis à la mode par Sartre), mais il implique la com
préhension redoublée, réfléchie, de cette compréhension
même par un individu qui n'est vraiment homme que par
sa participation à l'universel..
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