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Philosopher est-ce s'exiler ? (ou des relations entre la philosophie et le monde)

Publié le 22/02/2012

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[La philosophie n'est pas ce savoir abstrait, théorique. Elle nous offre des réponses concrètes à des problèmes concrets: Qu'est-ce qu'un acte libre ? Comment dois-je me comporter avec autrui ? On le voit la philosophie n'est pas une ratiocination vide de sens et d'effectivité.]
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« représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent […] comme l'émanation directe deleur comportement matériel ». Là gît le fond du désaccord avec Feuerbach : si celui-ci affirme bien la nécessité de faire commencer la philosophie avec et dans la « non-philosophie », dans la vie réelle, il réduit celle-ci à l'existence individuelle d'un homme pensé de manière abstraite, coupé des rapports sociaux (et par suite restreint à sa dimension sensible). L'opération critique effectuée ici par Marx consiste à redéfinir la réalité humaine.

Il s'agit de rejeter la thèse de l'existence d'une nature humaine et de lui substituer l'analyse d'une réalité sociale complexe et structurée, où leshommes édifient historiquement leur individualité en « produisant leurs conditions d'existence ». Il s'agit donc de récuser une vue abstraite et éloignée du réel pour s'attacher à ce que sont les hommes concrets etleur évolution historique. La sixième thèse énonce que « L'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu pris à part, dans sa réalité, c'est l'ensemble des rapports sociaux. » Il ne s'agit aucunement, contrairement à ce que maintes lectures hâtives ou prévenues affirment, de réduire l'individu aux rapports sociaux, mais d'affirmer que l'essence humaine n'apas la forme du sujet pensé par la psychologie. Autrement dit, que la clé de la compréhension de la personnalité concrète ne se trouve pas dans la conscienceindividuelle.

Mais, à l'inverse, celle-ci ne se détermine singulièrement que dans le cadre de rapports sociaux qui luipréexistent et qui constituent de ce fait ses « présuppositions réelles », base de sa formation effective et point de départ de son intelligence véritable. On ne peut donc pas comprendre l'individu en l'isolant de la société dans laquelle il s'insère, travaille, etc.

Il faut aucontraire, pour saisir l'individu dans sa singularité, ne pas prendre pour base les illusions qu'il peut se faire sur lui-même, en ce sens qu'il est victime des préjugés de son temps et que « les idées dominantes sont les idées de la classe dominante ». Par suite, l'activité individuelle est essentiellement, constitutivement, sociale et ne peut en aucun cas être réduite àl'ensemble des perceptions sensibles de l'individu isolé et des représentations qui en dérivent : « La véritable richesse des individus réside dans la richesse de leurs rapports réels .

» Par suite encore, les formes de conscience, que Marx désigne du terme d'idéologie, n'ont pas d'autonomie mais bien une spécificité.

Car, si « ce n'est pas la conscience qui détermine la vie mais la vie qui détermine la conscience », il reste à expliquer historiquement l'apparente séparation et opposition entre la réalité matérielle et les représentationsque l'on s'en fait. Le problème n'est donc pas tant de récuser une philosophie qui s'invente un monde séparé et dédaigne les hommesréels, que de mettre au jour les conditions de possibilité d'une telle méprise, que de dégager les prémissesmatérielles d'une telle conclusion.

La réponse proposée dans « L'idéologie allemande » est la notion de division du travail, plus précisément la division entre travail intellectuel et travail manuel.

Celle-ci permet aux « penseurs » d'oublier ou de méconnaître les conditions réelles de leur propre activité.

Il s tendent à justifier ce qui est, et àentraver le processus d'une véritable transformation du monde, tout en croyant à l'autonomie de leur pensée.L'idéologie, monde à l'envers, « camera obscura », est donc le résultat d'un processus historique. Il s'agit donc de partir, véritablement cette fois, du « monde réel », et de fonder la science de l'histoire : « Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ilssont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes enchair & en os ; non, on part des hommes dans leurs activités réelles, c'est à partir de leur processus de vie réel quel'on représente aussi le développement des reflets ou des échos idéologiques de ce processus vital. » C'est de cette nouvelle position du rapport de la théorie à la pratique que découle la question du statut de laphilosophie.

Celle-ci a-t-elle une pérennité par-delà la figure historiquement désuète de son autonomie proclamée ?Survit-elle à la mise à jour de ses fondements véritables ? Et si c'est le cas, peut-on lui accorder une indépendancerelative, une efficace propre, ou faut-il, au contraire, l'assujettir aux besoins d'une pratique qui lui imposerait sesexigences et la convoquerait selon son bon plaisir ? Marx nie que la philosophie puisse être une alternative autre qu'illusoire au monde de l'aliénation matérielle.

Elle n'est qu'un faux remède à des maux biens réels.

Prisonnière de sa méconnaissance de la réalité de l'histoire socialehumaine, la pensée de Feuerbach persiste à faire de la réflexion philosophique un refuge cotre la réalité effective. C'est contre cette conception du monde qui inclut une conception de la philosophie que Marx affirme l'unité de la théorie et de la pratique. Plus qu'un nouveau statut, Marx assignera progressivement une nouvelle tâche à l'activité théorique et à la nature proprement philosophique de l'élaboration des catégories les plus universelles concernant le rapport de la pensée àl'Etre. En affirmant que l'interprétation du monde est insuffisante, fausse, en raison même de son caractère partiel, Marx. »

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