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Phénoménologie de la perception: Merleau-Ponty. Commentaire

Publié le 22/03/2015

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perception
Mais comment puis-je avoir l'expérience du monde comme d'un individu existant en acte, puisqu'aucune des vues perspectives que j'en prends ne l'épuise, que les horizons sont toujours ouverts, et que d'autre part aucun savoir, même scientifique, ne nous donne la formule invariable d'une facies totius universi ? Comment aucune chose peut-elle jamais se présenter à nous pour de bon puisque la synthèse n'en est jamais achevée, et que je peux toujours m'attendre à la voir éclater et passer au rang de simple illusion ? Pourtant, il y a quelque chose et non pas rien. Il y a du déterminé, au moins dans un certain degré de relativité. Même si finalement je ne sais pas cette pierre absolument, même si la connaissance en ce qui la concerne va de proche en proche à l'infini et ne s'achève jamais, encore est-il que la pierre perçue est là, que je la reconnais, que je l'ai nommée et que nous nous entendons sur un certain nombre d'énonciations à son sujet. Ainsi il semble que nous soyons conduits à une contradiction : la croyance à la chose et au monde ne peut signifier que la présomption d'une synthèse achevée, — et cependant cet achèvement est rendu impossible par la nature même des perspectives à relier, puisque chacune d'elles renvoie indéfiniment par ses horizons à d'autres perspectives. Il y a, en effet, contradiction, tant que nous opérons dans l'être, mais la contradiction cesse, ou plutôt elle se généralise, elle se relie aux conditions dernières de notre expérience, elle se confond avec la possibilité de vivre et de penser, si nous opérons dans le temps, et si nous réussissons à comprendre le temps comme la mesure de l'être. La synthèse d'horizons est essentiellement temporelle, c'est-à-dire qu'elle n'est pas assujettie au temps, elle ne le subit pas, elle n'a pas à le surmonter, mais elle se confond avec le mouvement même par lequel le temps passe. Par mon champ perceptif avec ses horizons spatiaux, je suis présent à mon entourage, je coexiste avec tous les autres paysages qui s'étendent au-delà, et toutes ces perspectives forment ensemble une seule vague temporelle, un seul instant du monde ; par mon champ perceptif avec ses horizons temporels, je suis présent à mon présent, à tout le passé qui l'a précédé et à un avenir.
Phénoménologie de la perception, © Gallimard, 1945, pp. 381-382.
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« Textes commentés 45 A la suite de Husserl, Merleau-Ponty décrit la perception comme une «donation par esquisses ».

Cela signifie que la chose se donne à travers des aspects sensibles qui la présentent comme telle, mais de manière toujours incomplète : ces aspects comportent un horizon, c'est-à-dire annoncent d'autres esquisses, laissent ouvert le cours de l'explicitation perceptive.

Mais une difficulté se présente : comment puis-je affirmer que ces aspects sont esquisses de cette chose, c'est-à-dire que la chose est effectivement présente, alors même que je n'en ai pas « fait le tour», c'est-à-dire que le cours infini des esquisses qui la constitue est non seulement inachevé mais inachevable ? Comment puis-je saisir un aspect à la fois comme présent et comme aspect de la chose, ce qui suppose que je l'aie déjà dépassé ? Deux types de réponses sont possibles.

Je peux m'en tenir à notre ontologie spontanée et situer la question au sein du monde objectif.

Elle s'avère alors insoluble.

En effet, si la chose est vraiment la synthèse de tous ses aspects sensibles, l'idée d'une appréhension d'un aspect comme aspect de cette chose est contradictoire : je ne peux à la fois être situé au présent de cette apparition sensible et le transcender au profit d'une synthèse de l'ensemble des esquisses.

L'autre réponse consiste à prendre au sérieux l'expérience perceptive ainsi décrite et y voir une invitation à remettre en question nos préjugés ontologiques.

Dans l'être, il est clair que je ne peux à la fois avoir une expérience partielle de la chose et la posséder comme totalité des aspects.

En revanche, le temps a ceci de propre que le présent ne se donne comme tel, c'est-à-dire comme temporel, qu'en étant son propre passage, c'est-à-dire toujours déjà dépassé vers un avenir.

Dans le temps, il n'y a pas d'alternative entre le présent et son dépassement vers des présentations futures puisque l'être du présent est de se transcender vers l'avenir.

Dès lors, dans la mesure où je ne suis au présent qu'en le dépassant, la présence de l'aspect ne contredit plus l'explicitation de l'horizon, la donation par esquisses ne fait plus alternative avec la présence de l'objet en personne.

La synthèse perceptive doit être comprise comme une synthèse temporelle, le temps comme « la mesure de l'être ».. »

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