Peut-on vaincre le temps ?
Publié le 23/03/2015
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Dissertations 45
angoissante, mais accomplissante? Faut-il vivre dans un présent fugitif pour en
saisir la qualité, hédoniste, esthétique, morale ou bien faut-il en reconnaître la
vanité pour s'orienter vers l'éternité ?
Ne faut-il pas au contraire rétablir une
continuité entre les dimensions temporelles pour rendre une cohérence et
un sens
existentiel à notre durée ?
I - Oublier le temps ?
a) Oublier le temps.
« Le temps est l'irréversibilité et il n'y a que le temps qui
soit irréversible
», dit Jankélévitch.
La disparition et la destruction de la vie sont
inséparables d'une temporalité vécue.
Le temps nous dépossède de notre avoir,
incarnant ainsi la finitude et la mort.
« Le monde est si inquiet qu'on ne pense
jamais à la vie présente et à l'instant
où l'on vit: mais à celui où l'on vivra.
De
sorte qu'on est toujours en état de vivre à l'avenir et jamais de vivre
maintenant'
».
Chez Pascal, le divertissement est une attitude de fuite visant à
oublier notre condition limitée
au moyen d'une agitation incessante.
A travers lui,
c'est non seulement le présent qui se dilue dans
un mouvement vers le futur, mais
c'est la conscience même de notre temporalité qui disparaît.
Visant à l'étour
dissement et à l'éparpillement, le divertissement est une fuite
du moi réel dans
une fausse conception
du moi.
Nous nous mouvons pour saisir notre être et nous
nous mouvons pour le fuir : paradoxe existentiel qui a sa source dans la structure
temporelle
de la conscience qui est le mouvement : là où l'homme agité croit se
retrouver, voire se former,
il ne rencontrera que de la vitesse et du tourbillon.
Il
se créé des urgences dont le but est l'oubli du réel.
Sa condition véritable serait
connaissable dans l'arrêt et dans la réflexion, mais la conscience est incapable
de
supporter un tel face à face avec elle-même.
La perspective pascalienne,
soucieuse de ramener la conscience vers Dieu, ne voit dans le temps qu'une
dilution spirituelle, l'éloignant de la grâce et d'un rapport authentique à Dieu.
Loin de pouvoir plénifier l'instant présent, l'homme du divertissement y
rencontre l'abîme et le désespoir.
« Le présent n'est jamais notre fin : le passé et
le présent sont nos moyens.
Seul l'avenir est notre fin2 ».
b) L'imagination combleuse, pour reprendre l'expression de Simone Weil,
s'égare donc dans une dimension ontologique inconsistante, celle de l'appro
priation, de l'acquisition et de la conquête, empêchant la conscience d'être
heureuse3.
« Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas
savoir demeurer en repos, dans une chambre
», dit encore Pascal.
L'inaptitude au
bonheur s'enracine dans sa poursuite.
Le divertissement fuit la condition humaine
1.
Pascal, Pensées, « Divertissement», § 165-171, Robert Laffont, Moralistes du XVIIe siècle, 1992.
2.
Pascal, Pensées, 173, op.
cit.
3.
Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce, Pion, 1988..
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- Le temps est invention. Bergson