PEUT-ON SE PASSER DE PRINCIPES ?
Publié le 10/07/2016
Extrait du document
“Tel (homme) est poussé par le besoin à faire un emprunt d’argent. Il sait parfaitement qu’il ne pourra pas le rendre, mais il n’ignore pas non plus qu’on ne lui prêtera rien s’il ne promet formellement d’acquitter sa dette à une époque bien déterminée. L’envie le prend de faire cette promesse; mais il a encore assez de conscience pour se demander s’il n’est pas défendu, et s’il n’est pas contraire au devoir de se tirer d’affaire par un pareil moyen. Supposons cependant qu’il prenne ce parti; la maxime de son action s’exprimerait ainsi : quand je me crois à court d’argent, j’en emprunte, et je promets de le rendre, bien que je sache très bien que je ne le ferai jamais. Ce principe de l’amour de soi ou de l’utilité personnelle peut se concilier peut-être avec mon bien-être futur; mais pour le moment la question est de savoir s’il est juste. Je transforme donc l’existence de l’amour de soi en loi universelle, et je pose la question suivante : qu’arriverait-il si ma maxime devenait loi universelle ? Je vois tout aussitôt qu’elle ne pourrait jamais valoir comme loi universelle de la nature et s’accorder avec elle-même, mais que nécessairement elle se contredirait. Admettre en effet comme loi universelle que tout homme qui se croit dans le besoin puisse promettre ce qui lui vient en tête, avec l’intention de ne pas tenir sa promesse, ce serait rendre les promesses incompatibles avec l’objet qu’on se propose d’atteindre, étant donné que personne ne croirait plus à ce qu’on lui promet, et que l’on rirait de ces déclarations, comme de vaines feintes”.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (deuxième section).
PREMIER MOMENT : CONTENU EXPLICITE DE L’ENONCE
Un tel énoncé exige d’abord que nous tentions d’amener la question sur un chemin clairement orienté afin de ne pas errer çà et là parmi les “idées toutes faites” et les représentations anodines au sujet des principes en général. Car il s’agit explicitement de mesurer jusqu’à quel point il est possible en fait et en droit de se passer de principes.
DEUXIEME MOMENT : CONTENU IMPLICITE DE L’ENONCE
Premier présupposé : on présuppose à la base qu’on ne peut se passer des principes. C’est qu’on estime à l’image du sens commun que sans principes on ne peut ni réfléchir ni agir.
«
Deuxième présupposé: on demande s'il est possible de se passer des principes.
C'est qu'on estime implicitement qu'il y a intérêt à le faire.
Troisième présupposé : on sous-entend la possibilité de rompre la nécéssité des
principes.
C'est
qu'on estime qu'en fait cette possibilité est devenue une réalité.
TROISIEME MOMENT : CONTENU ELUDE DE LA QUESTION
On a souvent tendance à oublier que :
-le principe n'est souvent qu'une opinion toute faite, un préjugé rigide et ridi
cule, tyrannique et arbitraire qui nous fait éprouver l'inadéquation qui demeure
entre l'action et
le principe dont elle procède.
-L'essentiel pour bien conduire sa vie est dans l'action et non dans les discours.
QUATRIEME MOMENT : CONTENU FONDAMENTAL DE
L'ENONCE
Le présupposé de base consiste à affirmer la nécessité des principes.
Le bien
fondé de ce présupposé de base est exprimé dans ces divers points de vue :
Sur le plan théorique :
a- Principes logiques : "les principes généreux entrent dans nos pensées, dont
ils font
l'âme et la liaison.
Ils y sont nécessaires comme les muscles et les tendons
le sont pour marcher, quoiqu'on n'y pense point" (Leibniz).
b-Principes constitutifs: "les principes et les éléments d'une chose sont ce qui
la fait être, les causes
ou les fondements de son existence" (LaFaye).
c-Principes méthodologiques : "il faut commencer par la recherche de ces pre
mières causes, c'est-à-dire des principes ; et que ces principes doivent avoir deux
conditions
:l'une, qu'ils soient si clairs et si évidents que l'esprit humain ne puisse
douter de leur vérité, lorsqu'il s'applique avec attention à
les considérer ; l'autre,
que ce soit
d'eux que dépende la connaissance des autres choses ...
" (Descartes).
d-Principes régulateurs : ou principes rationnels.
"Il y a deux grands principes de nos raisonnements : l'un est le principe de la
contradiction, qui porte que sur deux propositions contradictoires l'une est vraie,
l'autre fausse; l'autre principe est celui de la raison déterminante
:c'est que jamais
rien n'arrive, sans qu'il y ait une cause
ou du moins une raison déterminante"
(Leibniz).
Sur le plan pratique :
Le principe est une règle de conduite, nécessaire pour diriger l'activité, orienter
la conduite et servir de norme aux jugements pratiques.
"Il y a cette différence entre la nature d'un gouvernement et son principe, que
sa nature est
ce qui le fait être tel; et son principe, ce qui le fait agir"
(Montesquieu)..
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