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Peut-on se fier à notre sentiment de liberté ?

Publié le 23/03/2009

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  • ANALYSE DU SUJET

L'énoncé tel qu'il est libellé peut se prêter — semble-t-il —à deux interprétations « (nullement contradictoires, bien au contraire). On peut se demander si le sentiment d'être libre n'est qu'une illusion de liberté en ce sens que « éprouvant« le sentiment d'être « libre « nous croyons l'être. On peut se demander aussi si ce sentiment d'être « libre « ne contribue pas à nous faire chercher ce que peut être la liberté là où elle ne peut être et — nous leurrant — nous détourne de la recherche et de l'exercice de « la liberté « possible. Il ne faudrait alors pas de fier mais se méfier de cette liberté du sentiment. ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Le sentiment de liberté (voir Descartes, Maine de Biran, Bergson). • Il ne faut pas en toute rigueur confondre sentiment de la liberté avec expérience de la liberté. Le sentiment de la liberté ne prouve rien car aucun sentiment ne prouve jamais rien (si ce n'est qu'on éprouve ce sentiment) : En outre ce sentiment de liberté peut être expliqué par l'ignorance des causes produisant nécessairement l'acte dont nous croyons être l'auteur (cf. Spinoza). Enfin l'expérience de la liberté exigerait une analyse régressive qui découvrirait à l'intérieur de la conscience le fait de la liberté (c'est ce que, par exemple, Maine de Biran a tenté de faire). Mais une telle analyse n'arrive justement qu'à dévoiler des motifs et des modèles dont on ne peut dire qu'ils soient sans cause, même quand on ignore celle-ci. • Ce sentiment de liberté renvoie à une « conception « de la liberté comme « indéterminée « dont on peut mettre en doute non seulement l'existence, mais la valeur. • Peut-on cependant « prouver « que cette liberté n'existe pas ? • Ne vaut-il pas mieux s'interroger sur sa valeur, et, en ce sens, sur son caractère illusoire (par rapport à une ou des conceptions de la liberté qui seraient appréhendées selon une valorisation supérieure) ? INDICATIONS DE LECTURE

• Principes de Descartes (Boivin), § 37-38-39. • Essais sur les fondements de la psychologie de Maine de Biran (P.U.F.), IV : Des idées de liberté et de nécessité. • Essai sur les données immédiates de la conscience de Henri Bergson (P.U.F.), notamment pages 124-132 et 176-178. • Éthique de Spinoza. • La Religion dans les limites de la simple raison de Kant (Vrin), pages 73-74. • Principes de la Philosophie du Droit de Hegel. • L'Idéologie allemande de Marx (Éditions sociales).  

A. Le sentiment intérieur de la liberté    Nous avons tous le sentiment intérieur de notre liberté. Pour Descartes, la « liberté de notre volonté « se connaît immédiatement, « sans preuves « par « la seule expérience que nous en avons«...

B. Critique du libre arbitre    Une liberté se déterminant indifféremment dans un sens ou dans un autre se traduit par des actes gratuits...

C. Nécessité d'une rationalisation du sentiment d'être libre.

Se fier aveuglément au sentiment de notre liberté peut se révéler dangereux et illusoire....

« B.

Critique du libre arbitre Une liberté se déterminant indifféremment dans un sens ou dans un autre se traduit par des actes gratuits.

Un actegratuit est un acte commis sans raison, un acte qui n'a pas plus de raisons d'avoir été commis que de ne pas l'avoirété, un acte non motivé, non déterminé.

Dans le Prométhée mal enchaîné, A.

Gide écrit : «j'ai longtemps pensé quec'était là ce qui distinguait l'homme des animaux : une action gratuite...

Un acte qui n'est motivé par rien...

L'actedésintéressé; né de soi; l'acte aussi sans but; donc sans maître, l'acte libre; l'Acte autochtone.

»Ainsi dans Les caves du Vatican, on voit le personnage Lafcadio accomplir un acte « sans raison ni profit », unmeurtre immotivé, celui d'Amédée Fleurissoire, rencontré dans un train.

Mais, en fait, cet acte a pour but de prouverà Lafcadio sa liberté.

Il n'est donc pas gratuit puisqu'il est déterminé par le désir d'accomplir un acte gratuit.

Enoutre, qui peut juger de la gratuité d'un acte sinon celui qui le commet ? Or celui-ci, même s'il a le sentimentintérieur d'agir gratuitement, peut ignorer les véritables déterminations insensibles ou inconscientes de son acte.C'est dans ce sens que Leibniz, dans ses Essais de Théodicée', affirme que la liberté d'indifférence est une purefiction.

Le cas de l'âne de Buridan, dit-il, est une fiction « qui ne saurait avoir lieu dans l'univers, dans l'ordre de lanature ».

Il y aura toujours bien des choses « dans l'âne et hors de l'âne, quoiqu'elles ne nous paraissent pas, qui ledétermineront à aller d'un côté plutôt que de l'autre ».

Il en est de même pour l'homme qui, quoique libre, ce quel'âne n'est pas, ne saurait se trouver dans le « cas d'un parfait équilibre entre deux partis ».

Et seul un ange ou Dieupourrait toujours rendre raison du parti que l'homme a pris, « en assignant une cause ou une raison inclinante qui l'aporté véritablement à le prendre ».

Cette raison est souvent inconcevable à nous-même parce que « l'enchaînementdes causes liées les unes avec les autres va loin ».Ainsi — pour Leibniz — quoique l'homme se décide à faire, quel que soit le choix auquel il s'arrête, c'est toujours en lui la raison la plus forte qui l'y détermine.

Or cette raison a une cause etcette cause a nécessairement à son tour une autre cause et ainsi de suite.Cette chaîne sans fin des causes est ce qui nous met souvent dansl'ignorance de la raison de nos actes.Une liberté se déterminant sans raison est donc une absurdité.

Aussi absurdeest une liberté s'affirmant par le choix de l'erreur ou du mal puisqu'elle le faitpour cette raison que c'est un bien de témoigner ainsi de sa puissance.

Il y adonc une raison pour se déterminer contre la raison, de sorte que le choix esttoujours déterminé.

Il faut donc s'en tenir au principe de raison suffisante quiveut que « rien n'est sans raison».Et s'il est vrai que nous ne sommes pas toujours conscients des véritablesdéterminations de nos actes, l'affirmation de la liberté à partir du sentimentintérieur que nous en avons se révèle illusoire.Pour Spinoza, le libre arbitre est en effet une illusion : « Les hommes...

setrompent en ce qu'ils peuvent être libres; et cette opinion consisteuniquement pour eux à être conscients de leurs actions, et ignorants descauses par lesquelles ils sont déterminés.

L'idée de leur liberté c'est doncqu'ils ne connaissent aucune cause à leurs actions.

» LA LIBERTÉ ET L'ILLUSION"Les hommes se croient libres parcequ'ils ont conscience de leurs volitionset de leur appétit, et qu'ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui lesdisposent à désirer et à vouloir, parce qu'ils les ignorent." Spinoza, Éthique, I,Appendice, 1677. L'homme se croit libre parce qu'il est conscient de ses désirs mais le plussouvent il est incapable de justifier rationnellement ses actes.

De ce fait, saliberté est illusoire.

Cependant, cela ne signifie pas que l'être humain estabsolument déterminé.

Pour Spinoza, il ne s'agit pas d'imposer une rationalitétriomphante mais de démontrer que la liberté telle qu'elle est conçuehabituellement est un sentiment et non une connaissance, tout en suggérantque seule la conscience de la passion peut conduire le sujet vers uneauthentique liberté.. »

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