Peut-on se fier à l'évidence ?
Publié le 16/01/2005
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Aussi, pour Leibniz qui juge l'évidence intuitive toujours sujette à caution, le raisonnement en forme fournit l'instrument du vrai, car il dépasse le psychologique pour s'élever au logique, au nécessaire.
A l'immédiateté de l'intuition il oppose les étapes nécessaires de la démonstration, conçue comme chaîne où l'on substitue aux définis les définitions, et selon unordre d'implication logique dont le syllogisme fournit un des modèles.
« Tous les hommes sont mortels.
Or, Socrate est un homme.
Donc Socrate est mortel. »S'il est évident que Socrate est un homme, cette évidence, pour être communiquée et fondée, requiert l'appel, non à une intuition, mais à la formalisation des relations d'implication logique entre des idées qui ne sauraient être considérées comme des absolus, mais comme les résultats de définitions ou de démonstration.L'académie des sciences se moque de Pasteur comme les vieux chimistes s'étaient moqués de Lavoisier .
Les vérités les plus fécondes, bien loin de s'imposer tout d'abord comme des évidences, sont proposées l'étonnement & le scandale.
Le sentiment d'évidence, de certitude est une donnée purement subjective, purement psychologique qui ne peut pas fournir unfondement objectif à la vérité.
« L'appel aux idées n'est pas toujours sans danger, et beaucoup d'auteurs abusent du prestige de ce terme pour donner du poids à certaines de leurs imaginations ; car nous ne possédons pas l'idée d'une chose du fait que nous avons conscience d'y penser, comme je l'aimontré plus haut par l'exemple de la plus grande des vitesses.
Je vois aussi que de nos jours les hommes n'abusent pas moins de ceprincipe si souvent vanté : « tout ce que je conçois clairement et distinctement d'une chose est vrai et peut être affirmé de cette chose ».
Carsouvent les hommes, jugeant à la légère, trouvent clair et distinct ce qui est obscur et confus.
Cet axiome est donc inutile si l'on n'y ajoutepas les CRITÈRES du clair et du distinct [...] , et si la vérité des idées n'est pas préalablement établies.
D'ailleurs, les règles de la LOGIQUEVULGAIRE, desquelles se servent aussi les géomètres, constituent des critères nullement méprisables de la vérité des assertions, à savoir qu'ilne faut rien admettre o certain qui n'ait été prouvé par une expérience exacte ou une démonstration solide.
Or une démonstration est solidelorsqu'elle respecte la forme prescrite par la logique ; non cependant qu'il soit toujours besoin de syllogismes disposés selon l'ordre classique[...] mais il faut du moins que la conclusion soit obtenue en vertu de la forme.
D'une telle argumentation conçue en bonne et due forme, toutcalcul fait selon les règles fournit un bon exemple.
Ainsi, il ne faut omettre aucune prémisse nécessaire, et toutes les prémisses doivent oubien être démontrées préalablement, ou bien n'être admises que comme hypothèses, et dans ce cas la conclusion aussi n'estqu'hypothétique.
Ceux qui suivront ces règles avec soin se garderont facilement des idées trompeuses.
» Leibniz.
L'évidence est un critère de vérité insuffisant, parce que subjectif.
Il repose sur une inspection de l'esprit (la conscience que nous avons de penser à quelque chose).
Il manque donc à la règle cartésienne des idées claires et distinctes un critère objectif, qui nous permette de savoir à quoi reconnaître le clair et le distinct, autrement que par l'attentionque nous y portons. L'évidence peut être trompeuse.
Où trouver alors les critères objectifs du clair et du distinct, et donc de la certitude ? Dans les règles de la logique, c'est-à-dire dans le respect de la forme logique du raisonnement, dont la non-contradiction est la principe le plus universel.
Le syllogisme des Anciens en fournit l'exemple.
Les mathématiques aussi, maisLeibniz retient d'elles moins, comme Descartes , la clarté des intuitions que la rigueur du formalisme. Le calcul, manipulation réglée de signes, telle que la conclusion est nécessaire et immanquable, devient la règle suprême de la vérité : règle machinale, mais par conséquent plus sûre et plus objective que l'appel à l'évidence. On peut qualifier la conception cartésienne d'intuitionnisme et lui opposer le formalisme de Leibniz .
Conclusion: Toutefois, et aussi loin que l'on pousse ce travail de réduction des éléments par application du principe d'identité, n'est-il pas inévitable de parvenir à un terme pour lequel on jugera que l'évidence intrinsèque du rapport ou du défini est, en fin de compte, et au moins pour nous, plus claire que la démonstration que l'on pourrait en tenter ? Et quel que soit par ailleursle degré de formalisation des règles, ne faut-il pas toujours juger qu'elles sont correctement appliquées ? Ainsi force nous est de constater que le débat entre intuitionnisme et formalisme ne saurait se clore au bénéfice unique de l'un des deux termes, ce qui est probablement le signe qu'ilsconstituent non pas deux éléments strictement antithétiques, mais plutôt deux pôles irréductibles de la connaissance humaine.
Ce que Descartes affirme, contre les critiques du formalisme, « tout critérium qu'on voudra substituer à l'évidence ramènera à l'évidence ».
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