Peut-on reprocher à l'art d'être inutile ?
Publié le 03/01/2005
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Analyse du sujet : L'art est une forme de travail humain dont l'enjeu pratique et utilitaire n'est pas le principal. Est-ce un défaut que l'art devrait corriger, par exemple en se mettant au service d'une morale ou d'une éthique, ou bien une activité dénuée de tout intérêt matériel peut-elle aussi être constitutive de l'être de l'homme ? Conseils pratiques : Commencez par bien conceptualiser la notion d'utilité et son ambivalence. Interrogez-vous également sur la force de l'expression peut-on : dans certains cas (art totalitaire en URSS ou jdanovisme), elle est plutôt interprétée comme doit-on.
«
chose»! Et là, on repérera les diverses fonctions que l'on attribuera à l'art: psychologiques, historiques etculturelles, sinon politiques, religieuses ou...
philosophiques !
• Une deuxième phase signalerait que si on est en mesure, comme on vient de le voir, de reprocher à l'art soninutilité, cela signifie-t-il que pour autant on en ait la légitimité, le droit?En effet, ici, n'est-ce pas reprocher à une certaine réalité, d'être...
ce qu'elle est ? Cela a-t-il un sens? Faire à l'artce reproche, c'est lui reprocher d'être de l'art et...
pas de la technique, par exemple ! Autrement dit, c'est luireprocher de ne pas être par essence, de l'ordre du moyen, de l'intermédiaire, de l'instrument.
au service d'une fin etselon le critère d'efficacité.
(à bien montrer par une petite étude comparative).
• La troisième phase, développant tant les thèmes de la création que de la contemplation esthétiques, montreraitque l'art «rend visible l'invisible» selon le beau mot de Paul Klee (un bon paragraphe expliquerait le sens de ce propossur l'art).
Le beau est ce qui nous apparaît dans sa plus grande vérité : ce qui est beau, ce n'est pas une reproduction serviled'un objet réel, mais la chose en sa plus grande perfection.
L'apparence est ce qui révèle la vérité de la chosereprésentée : l'artiste qui joue sur les apparences n'est pas l'illusionniste ou le faussaire (comme le voulait Platon),mais celui qui se sert des apparences pour nous montrer l'objet beau dans sa plus grande vérité.
L'art ne reproduitpas le visible, il rend visible selon le mot de Paul Klee.
L'artiste n'est pas une sorte de copiste du réel, se contentant de représenter le monde.
De ce point de vue, nouspouvons jouer sur le verbe " représenter " qui signifie littéralement " présenter deux fois ".
Il ne s'agit pas en effetde se limiter à une imitation du monde.
Si l'art n'était qu'imitation de la nature, il serait alors une activité oiseuse etsuperflue comme le dit Hegel dans l'Esthétique (il ajoute d'ailleurs que l'imitation parfaite de la nature est impossible; l'artiste étant alors semblable à un " ver faisant des efforts pour égaler un éléphant ").
Quelle est alors la valeur dutravail de l'artiste ? C'est une sorte de révélation de ce que nos yeux ne voient pas, ne veulent pas voir ou nevoient plus.
C'est un rapport au réel différent mais peut-être plus authentique et plus parlant.
C'est ce que veut dire" rendre visible " ou " créer le visible ".
Ainsi, l'art fait que nous ne sommes plus dans un rapport utilitaire au mondeet aux choses.
Un rapport utilitaire aux choses qui nous entourent nous conduit à ne saisir le monde que sous uncertain aspect.
L'art nous révèle le monde autrement, nous le dévoile autrement.
C'est dans une telle perspectiveque Heidegger, philosophe allemand du XXème siècle, assimilera l'art à la vérité.
Il ne faut pas alors entendre lanotion de vérité dans son sens logico-mathématique, le terme de vérité renvoie à son sens premier de dévoilement,alèthéia en grec.
Ce n'est donc pas ainsi à partir de la question du beau que le problème de l'art peut être saisi :une œuvre d'art n'est pas nécessairement belle ; ce n'est pas non plus sa fidélité à ce qu'elle représente ou saperfection dans la représentation qui fait une œuvre d'art.
L'œuvre d'art serait ce qui dévoile, ce qui convertit ettransforme notre regard sur le monde en nous le donnant à voir autrement que dans notre rapport quotidien.
Quiprendrait le temps de regarder un fruit par exemple ? Notre préoccupation est de le manger et, comme tel, il estlittéralement invisible, il se dérobe à toute valeur esthétique.
Or, dans la nature morte, nous prenons le temps decontempler ces mêmes choses qui nous laissent indifférents hors de l'œuvre et l'invisible se fait visible, il donne àvoir ce que nos préoccupations immédiatement pratiques nous masquent.
L'apparence nous fait accéder à une vérité supérieure à celle de la science objective.
Aristote dira: « De ce qui aété dit il résulte clairement que le rôle du poète est de dire non pas ce qui a réellement eu lieu mais ce à quoi onpeut s'attendre, ce qui peut se produire conformément à la vraisemblance ou à la nécessité.
En effet, la différenceentre l'historien et le poète ne vient pas du fait que l'un s'exprime en vers ou l'autre en prose (on pourrait mettrel'oeuvre d'Hérodote en vers, et elle n'en serait pas moins de l'histoire en vers qu'en prose); mais elle vient de ce faitque l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce à quoi l'on peut s'attendre.
Voilà pourquoi la poésie est une chose plusphilosophique et plus noble que l'histoire: la poésie dit, plutôt le général, l'histoire le particulier.
Le général, c'esttelle ou telle chose qu'il arrive à tel ou tel de dire ou de faire, conformément à la vraisemblance ou à la nécessité :c'est le but visé par la poésie, même si par la suite elle attribue des noms aux personnages.
Le particulier, c'est cequ'a fait Alcibiade, ou ce qui lui est arrivé.
» ARISTOTE in « Poétique » (1451 b)..
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