Peut-on rendre compte des choses par les mots ?
Publié le 22/12/2005
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L’homme entre en contact avec le monde de deux manières différentes : tout d'abord il l’observe, le perçoit par le truchement de ces cinq sens, puis, il rend ce qu’il a vu par le truchement de moyen de communication ; le plus connu étant la parole. Mais alors, peut-on rendre compte des choses par les mots. En effet la question se pose, car les choses et les mots n’appartiennent pas au même monde : les choses font parties du monde matériel concret, tandis que les mots sont de la famille des choses abstraites. Comment donc rendre le matériel par l’immatériel ? Par ailleurs, la description orale, que l’on donne du monde, correspond-t-elle exactement à notre perception ? L’on peut, ici, émettre un doute, car nous avons parfois le sentiment de ne pas réussir à faire passer nos impressions sur le monde à autrui.
I. Les mots rendent nécessairement compte des choses.
II. Les limites des mots.
III. Le pouvoir illimité des mots.
«
introduction
a) Un constat : « Les mots manquent pour le dire », disons-nous souvent.
Nous avons fréquemment le sentimentd'une « distance » entre ce que nous voulons dire et ce que nous pouvons dire avec les mots dont nous disposons.b) Le problème : Nous pouvons donc nous demander s'il est possible de rendre compte des choses avec les mots, enentendant par « choses » à la fois les phénomènes qui nous sont extérieurs et ceux qui nous sont intérieurs, et ennous rappelant que « rendre compte » signifie aussi bien informer qu'expliquer.
Le problème se pose donc de savoir sile langage est adéquat à l'expression de la pensée et à la compréhension du réel.
1 le langage, condition de la pensée
a) Dimension symbolique du langageCe qui caractérise le langage humain, c'est sa dimension symbolique.
Parce que son langage est symbolique, l'hommene se limite pas, comme l'animal, à signaler de manière stéréotypée quelque chose à ses congénères, mais il peutleur parler et se parler de n'importe quelle chose.
Par le langage l'homme peut représenter à autrui et se représentern'importe quel objet ou situation dans le monde.
En d'autres termes, grâce à cet appareil symbolique que constituele langage, l'homme peut rompre avec l'adaptation immédiate au monde actuel définie par les signaux sensoriels etse retirer de ce monde, le mettre à distance pour le penser.
b) Le langage, condition de réalisation de la penséeAinsi comme l'observe Benveniste : « La forme linguistique est non seulement la condition de transmissibilité, maisd'abord la condition de réalisation de la pensée » (Problèmes de linguistique générale, P.
64).
Penser c'est « manierles signes de la langue », qui est « une structure informée de signification » (ici., p.
74).
C'est pourquoi lescatégories de pensées sont dictées par la langue (Benveniste montre que les catégories aristotéliciennes, parexemple, sont des catégories linguistiques propres au grec), tout comme les concepts par lesquels on approche leréel (par exemple le concept de temps diffère selon les cultures en fonction des temps verbaux).
2 une pensée ineffable ?
a) Pensée pure et mysticisme• Selon Bergson, il existe au-delà du langage une pensée pure, qui est la pensée intuitive, « vision directe de l'esprit».• Semblablement, pour les mystiques le langage est fondamentalement inapte à exprimer le divin et l'expériencequ'en peut faire l'homme (cf.
la théologie négative du pseudo-Denys l'Aréopagite et des néo-platoniciens, ainsi queles relations d'extases de sainte Thérèse d'Avila, saint Jean de la Croix, etc.).
b) Sentiment et sensationLe langage est inapte à traduire toutes les nuances des sensations (il ne saurait en plus faire partager la sensationelle-même ; cf.
Leibniz : « Nous ne saurions connaître le goût de l'ananas par la relation de nos voyageurs ») et dela vie affective (émotions, sentiments).
Cf.
Bergson « nous échouons à traduire entièrement ce que notre âmeressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage ».
Problème du je-ne-sais-quoi (cf.
V.
Jankélévitch).
c) Mais n'est-ce pas le langage qui actualise l'inexprimable ?• Le langage implique et fonde l'expérience de la séparation ontologique des individus.
Par le langage « l'hommeplonge dans son intériorité monadique et exprime un moi qui se déploie vers l'altérité » (J.
Brun Les Conquêtes del'homme et la séparation ontologique, p.
243).• L'inexprimable ne recouvre-t-il pas la tentative de faire partager à autrui, en tant que vécu, et grâce au langage,l'expression subjective de cette séparation, c'est-à-dire d'annihiler cette séparation, ce qui est impossible puisquec'est par le langage que cette séparation se révèle ? Ainsi « parler c'est discerner l'intransférable » (id.).
3 langage et connaissance
a) Le langage, organisation du mondeDès lors que le langage est la condition de la pensée, ne jouera-t-il pas un rôle fondamental dans la constitutionmême de ce réel que la pensée prend pour objet ? Cf.
la remarque de Cassirer citée dans les éléments d'explicationdu sujet-texte, n° 47, p.
105.
La dénomination apparaît comme un facteur de discrimination perceptive et « l'unitédu nom sert de cristallisation pour la multiplicité des représentations» (Cassirer)..
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