Peut-on penser par soi-même?
Publié le 09/04/2005
Extrait du document
Analyse du sujet :
- La forme de notre sujet est une question fermée : il s'agira d'y répondre par « oui « ou « non « en conclusion, au terme de l'argumentation qui fait l'objet du corps de la dissertation. L'argumentation est toujours la défense d'une thèse, c'est-à-dire, une prise de position par rapport à un problème qu'il s'agit de mettre au jour dans l'introduction. Pour faire surgir le problème qui sommeille dans le sujet, il convient d'analyser les termes qui composent celui-ci :
- Nous relevons trois termes essentiels qui composent le sujet : « faut-il «, qui se rapporte à la notion de devoir, d'obligation, « vouloir «, qui se rapporte à la notion de volonté, et « penser par soi-même «. C'est sur ce troisième terme qu'il faudra d'abord concentrer notre attention.
- « penser par soi-même « semble indiquer une autonomie de la pensée. Il faudra se demander jusqu'à quel point elle est possible.
- La volonté s'articule toujours avec deux termes : l'objet sur lequel elle porte (nous voulons toujours quelque chose), et le motif qui fait se porter la volonté sur son objet (nous voulons quelque chose pour une raison particulière).
- Notre sujet nous demande si il faut vouloir penser par soi-même, autrement dit, si il existe un motif qui serait en même temps un devoir qui justifierait que l'on dirige notre volonté vers l'autonomie de la pensée. Si nous trouvons un motif, il faudra alors se demander s'il peut être élevé au rang de devoir, c'est-à-dire d'un motif inconditionné, qui s'impose à nous. Un simple motif ne s'impose en effet pas directement : il entre en concurrence avec d'autres motifs qui nous invitent à diriger autrement notre volonté. Préférer tel ou tel motif résulte donc d'une délibération, alors qu'on ne délibère pas sur un devoir puisqu'il s'impose.
Problématisation :
Rappelons que la problématique est l'ensemble des problèmes qui gisent sous le sujet, hiérarchisés en vue de leur résolution dans le corps de la dissertation. Pour qu'il faille vouloir penser par soi-même, il faut déjà que ça soit possible. Le premier problème que nous devons résoudre pour pouvoir répondre à la question du sujet peut donc se formuler sous la forme de la question suivante :
- Dans quelle mesure peut-on penser par soi-même ?
Répondre à cette première question limitera déjà le champ de la pensée autonome. Il faudra alors trouver un motif qui nous fera vouloir penser par nous-même, puis nous demander s'il est aussi un devoir. D'où les questions :
- Y a-t-il des raisons de vouloir penser par soi-même ?
- Ces raisons, s'il y en a, sont-elles des devoirs ?
«
Référence : Descartes, méditations métaphysiques, (seconde méditation)
« Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir lemoindre doute? N'y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, quime met en l'esprit ces pensées ? Cela n'est pas nécessaire; car peut-être queje suis capable de les produire de moi-même.
Moi donc à tout le moins nesuis-je pas quelque chose ? Mais j'ai déjà nié que j'eusse aucun sens ni aucuncorps.
J'hésite néanmoins, car que s'ensuit-il de là ? Suis-je tellementdépendant du corps et des sens, que je ne puisse être sans eux ? Mais je mesuis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucunciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pasaussi persuadé que je n'étais point ? Non certes, j'étais sans doute, si je mesuis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose.
Mais il y a un je nesais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrieà me tromper toujours.
Il n'y a donc point de doute que je suis, s'il metrompe; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait jamais faire que jene sois rien, tant que je penserai être quelque chose.
De sorte qu'après yavoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses enfin il fautconclure, et tenir pour constant que cette proposition: Je suis, j'existe , est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçoisen mon esprit.
»
Lorsque nous nous pensons penser, nous nous assurons de ce dont rien d'autre (rien d'extérieur à notre pensée, pasmême notre corps) ne peut nous assurer, à savoir, que nous existons.
Il semble que la thèse cartésienne réponde àla fois aux deux premières questions que nous nous étions posées : elle démontre la possibilité d'une penséeabsolument autonome, radicalement « par elle-même », et nous fournit le plus valable des motifs pour vouloir penserpar soi-même : l'assurance de notre existence.
Trois objections surviennent cependant : premièrement, il suffit de pratiquer cette pensée autonome une fois pours'assurer définitivement de son existence.
Le motif ne vaut donc qu'une fois.
Deuxièmement, ce motif, en particuliers'il ne vaut qu'une fois, ne pourra pas être élevé au rang de devoir.
Troisièmement, même s'il était un motif valable,il nous enjoindrait à rester toujours enfermé en nous-même, ce qui reviendrait au plus profond solipsisme.
L'autonomie de la pensée ne peut pas équivaloir à un cloisonnement de celle-ci sur elle-même : l'ouverture aumonde reste nécessaire.
Il convient donc de repenser le statut du « par soi-même » en y intégrant l'ouverture aumonde.
Une autonomie qui se déploie néanmoins dans le monde revient à une absence de contrainte qui entraveraitl'autonomie : en d'autres termes cette autonomie s'appelle liberté .
II – Y a-t-il des raisons de vouloir penser librement ?
Nous avons redéfini l'autonomie de la pensée en terme de liberté.
Il faut maintenant trouver un motif valable pourpréférer cette pensée libre à d'autres.
Ici surgit un nouveau problème : le vouloir à un motif qui le détermine à seporter sur un objet, qui est ici la pensée libre.
Or le vouloir appartient lui-même à la pensée (il en est une modalité).Comment peut-il être à la fois déterminé par un motif et relever de la pensée libre ? Ce qui est libre n'est précisément déterminé que par soi-même : il semble qu'il y ait contradiction entre l'objet et le motif du vouloir.
La seule solution serait que la volonté se détermine sans motif, autrement dit, qu'elle soit autonome.
C'est ce quedémontre Kant :
Référence : Kant, Critique de la raison pratique (Analytique, scolie II du § 7)
« Le fait que nous venons d'indiquer est incontestable.
Il suffit d'analyser le jugement que les hommes portent sur laconformité de leurs actions à la loi ; et l'on trouvera toujours que, quoi que puisse objecter l'inclination, leur raisoncependant, incorruptible et contrainte par elle-même, confronte chaque fois la maxime de la volonté dans uneaction avec la volonté pure, c'est-à-dire avec elle-même en tant qu'elle se considère pratique a priori .
»
Kant nous présente un fait : chaque fois que nous agissons, nous jugeons notre action.
Autrement dit, nous savonstoujours si elle est bonne ou non.
Ce jugement est la comparaison de notre action avec ce que nous commande laraison, à savoir, l'impératif catégorique formulé au § 7 du même ouvrage : « Agis de telle sorte que la maxime de tavolonté puisse en même temps toujours valoir comme principe d'une législation universelle.
» L'impératif catégoriqueauquel nous comparons toujours de fait notre action est proclamé par notre raison comme un devoir, une obligation« Agis [...] ! » L'existence de ce devoir en nous nous démontre chaque fois que nous sommes libre de déterminernotre volonté.
La volonté autonome dirige donc chaque fois librement l'action..
»
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