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Peut-on penser l'Etat comme un organisme ?

Publié le 21/12/2005

Extrait du document

  Chacune ayant pour but de limiter les autres.  Il se forme ainsi une liaison entre les pouvoirs, qui définit une unité organique. Le jeu des comparaisons a pour intérêt de chercher la configuration dans laquelle le fonctionnement du corps social correspond dans l'État, au meilleur régime. Le corps humain agit d'autant mieux qu'il y a une parfaite coordination entre les facultés qui interviennent dans la réalisation de son mouvement. Il s'agit d'obtenir le même résultat, en ce qui concerne le corps politique. L'image de l'organisme avait pour effet de diluer le pouvoir, répandu dans chacune des cellules. Parler de corps social signifie au contraire qu'il existe une localisation et éventuellement un partage de l'autorité. C'est ce à quoi nous assistons dans un État.  Le pouvoir commande à la société comme un organe commande au corps d'agir.  Dans un organisme, le mouvement n'a pas d'origine précise, aucune cellule n'en est davantage la cause qu'une autre.

L'État se confond avec les membres qui le forment.  Il résulte d'une association entre des personnes. Mais dans la mesure où elles font partie de l'État, celui-ci a une réalité transcendante aux éléments qui le constituent. L'État n'existerait que par les hommes, mais pour aussitôt acquérir une indépendance à leur égard.

Ambiguïté de l'État donc, dont l'unité semble dépasser la simple somme de ses parties. Cette sommaire caractérisation de l'Etat correspond rigoureusement au concept de totalité.

Si maintenant nous entreprenons de comprendre la nature d'une telle réalité, sa complexité est telle, que rien ne nous interdit de raisonner sur des modèles analogiques. Or, de totalités, nous n'en connaissons que de deux sortes: les totalités organiques ou fabriquées. Ainsi on peut se demander si l'État ressemble davantage à un être vivant ou à une montre.

L'intérêt de recourir à un modèle explicatif est double.  D'une part, il s'agit de fournir une analyse approfondie du fonctionnement et de la structure de l'État.  L'enquête est alors de nature descriptive. Elle a pour but d'améliorer la compréhension d'un objet d'étude, par l'intermédiaire d'une comparaison. L'on se demande alors si l'intelligibilité de ce qu'est un État est rendue plus claire par le rapprochement établi avec un organisme.  D'autre part, il est manifeste que le choix d'un modèle se veut normatif. Quel type d'État impose que l'on doive le penser comme un organisme?  Quelle figure de l'État se profile selon qu'on le compare à un organisme ou à une machine?

Le choix des images et des métaphores n'est donc pas indifférent.  Notre question suppose implicitement que si l'État pouvait être pensé par analogie avec un organisme, c'est sous cette forme qu'il atteindrait son entière perfection. Mais si l'État est comme un organisme, n'y a-t-il pas une contradiction à vouloir en changer la structure?  Un organisme est par définition autonome; il faudrait donc laisser l'État à lui-même, et faire confiance à la nature. Tant que l'on s'exprime avec le souci de bien marquer le jeu des métaphores, l'objection n'a pas vraiment de poids, car l'État, étant comme un organisme, n'en est précisé ment pas un. Mais du sens figuré au sens propre, il n'y a qu'un pas, que certains auteurs n'ont pas craint de franchir.  Et l'on fait alors de l'État un organisme simplement plus grand que d'ordinaire.

L'analogie de l'organisme vaut du fonctionnement de l'État, mais aussi et surtout de son origine, qui révèle son fondement. Il faut choisir dès lors entre organisme et organisation. Si l'État est une organisation, il résulte de la volonté des hommes.  S'il se développe à la manière d'un organisme, on ne peut qu'assister en spectateur à l'évolution des choses.

Derrière le choix d'une image, s'annonce plus gravement la nécessité de faire un choix de société.

 

« 2.

Si l'on se place désormais au plan de l'État politique, mais toujours pour en examiner le fonctionnement, on remarquera que l'analogie se déplace sensiblement de l'image de l'organisme, à l'image plus précise du corps vivant,doté d'organes et non plus simplement de cellules. Chez Rousseau par exemple (« Du contrat social », livre III, chap.

11), la puissance législative est assimilée au coeur de l'État, c'est dire qu'elle en estla vie.

La puissance exécutive est, elle, comparée au cerveau, ce qui indiquequ'il donne le mouvement.

Hobbes , dans les premières lignes du « Léviathan », procède à des analogies comparables, mais en entrant dans un luxe de détails.

On apprend ce qui tient lieu dans l'État, des articulations,des nerfs, de la mémoire, de la volonté, de la raison, etc. Enfin chez Montesquieu , la théorie de la séparation des pouvoirs peut être interprétée également comme le fruit d'un travail de comparaison entre lecorps humain et le corps social.

Montesquieu nous fait comprendre sans doute le mieux la fonction de cette métaphore, car en réalité il y a moinscomme cela a été noté, une séparation des pouvoirs - entre le législatif,l'exécutif et le judiciaire - qu'une combinaison de puissances(« Montesquieu, La politique et l'histoire », Althusser ).

Chacune ayant pour but de limiter les autres.

Il se forme ainsi une liaison entre les pouvoirs,qui définit une unité organique. Le jeu des comparaisons a pour intérêt de chercher la configuration danslaquelle le fonctionnement du corps social correspond dans l'État, au meilleurrégime.

Le corps humain agit d'autant mieux qu'il y a une parfaite coordinationentre les facultés qui interviennent dans la réalisation de son mouvement. Il s'agit d'obtenir le même résultat, en ce qui concerne le corps politique. L'image de l'organisme avait pour effet de diluer le pouvoir, répandu dans chacune des cellules.

Parler de corpssocial signifie au contraire qu'il existe une localisation et éventuellement un partage de l'autorité.

C'est ce à quoinous assistons dans un État.

Le pouvoir commande à la société comme un organe commande au corps d'agir.

Dansun organisme, le mouvement n'a pas d'origine précise, aucune cellule n'en est davantage la cause qu'une autre.

L'organisme agit de lui-même.

Au lieu que, dans le corps, on peut assigner à un organe propre la fonction demotricité.

Dans un État, il existe des, organes vitaux.

Si le coeur s'arrête, le corps social se décompose et secorrompt. Mais le plus remarquable tient au fait que ce qui commande, commande de l'intérieur.

Coeur ou cerveau, il y a là desorganes distincts, pourvus de fonctions spécifiques, qui commandent au corps, tout en étant des parties de cecorps.

Au sein d'un État, émerge une autorité qui se distingue du fonctionnement social mais qui ne lui est pas pourautant extérieure. 3.

Le paradigme du corps social rend sensibles le fonctionnement et la structure d'un État républicain.

Aucontraire, il sera plus éclairant de représenter un État despotique par une simple machine.

Kant suggère à ce propos, comme symbole, le moulin à bras dont le procédé évoque la situation d'un État dirigé par « une volonté singulière absolue » (« Critique de la faculté de juger », § 59). Le paradigme mécanique de la machine attire notre attention sur l'existence d'un ressort qui serait comme le lieud'origine du mouvement, et à partir duquel il se communiquerait aux autres constituants.

Le despote de la sorte setient en dehors de l'État.

Il n'a plus rien de comparable avec le coeur qui prodigue la vie depuis le centre du corpssocial. Montesquieu ne cesse dans sa description du gouvernement despotique (« De l'esprit des lois », livre 111, chap. 10) de faire appel à des images physiques ou mécaniques.

La volonté du prince doit avoir son effet infailliblement,tous les intermédiaires sont niés.

Le despote se démultiplie et atteint pour ainsi dire directement, les parties les pluséloignées.

Il n'y a pas de délibération, pas de dialogue, le temps se réduit au seul instant de la décision qui setransmet d'une façon quasi mécanique, comme un mouvement qui se propage immédiatement d'un élément à sesmultiples extrémités. De même la crainte, qui est le principe du gouvernement despotique (livre III, chap.

11), c'est-à-dire ce qui le faitagir, doit être pensée comme ce qui réduit la conscience à une nécessité mécanique.

La crainte est à la consciencece que le choc est à la physique. Bref, un État despotique ne ressemble guère à un être vivant, mais plutôt à une machine bien construite, qui tiresa force motrice de la volonté arbitraire d'un agent extérieur. Le fait est alors que l'on ne voit plus vraiment la ligne de partage entre une explication organique et mécanique.Dans les deux cas, nous assistons à un effacement du politique comme tel.

En effet, si la société fonctionne commeun organisme, il n'y a pas besoin d'un pouvoir politique, puisque les individus, d'eux-mêmes, pris dans le tourbillon. »

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