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Peut-on penser l'écoulement du temps ?

Publié le 18/01/2004

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temps
On pourrait aussi envisager la manière dont les artistes traitent de ce sujet (voir par exemple les poèmes de Baudelaire sur la vieillesse et la mort) et concevoir une pensée de l'écoulement du temps par le biais de l'art. Dans tous les cas, il s'agit de confronter les capacités de la pensée avec la nature fluide du temps, pour définir leur rapport, qui à première vue semble difficile, mais qui semblent pouvoir s'établir par des moyens détournés.   Le temps semble pouvoir se comprendre de deux manières : d'une part, le temps des horloges est ce que nous contrôlons par la mesure, il est donc homogène et divisible mathématiquement. D'autre part, le temps correspond à une durée, subjective, qui peut nous sembler, psychologiquement, plus ou moins longue selon la manière dont nous l'occupons. La question de savoir si nous pouvons penser l'écoulement du temps prend sens par rapport à ces deux manières de nous rapporter à sa réalité : si l'on pense le temps comme une série de moments homogènes mesurables, saisit-on encore la réalité de son écoulement ? Si nous nous rapportons au temps comme pure durée, celle-ci peut-elle être pensée, n'est-elle pas seulement un vécu psychologique qui résiste à la pensée ? Le temps n'est-il pas alors ce dont l'écoulement est condamné à toujours nous échapper ? Si nous pouvons toutefois penser cet écoulement, est-ce directement dans la saisie de sa durée, ou par l'intermédiaire d'une mesure ? Nous verrons dans un premier temps que nous ne pouvons penser l'écoulement du temps, car notre pensée ne peut saisir ce qui change perpétuellement, avant de soutenir que nous pouvons penser le temps en le mesurant à partir du mouvement. On pourra alors se demander si l'échec de la pensée à saisir l'écoulement même du temps n'appelle pas une nouvelle méthode pour saisir la durée telle que nous la vivons.

Le temps semble pouvoir se comprendre de deux manières : d’une part, le temps des horloges est ce que nous contrôlons par la mesure, il est donc homogène et divisible mathématiquement. D’autre part, le temps correspond à une durée, subjective, qui peut nous sembler, psychologiquement, plus ou moins longue selon la manière dont nous l’occupons. La question de savoir si nous pouvons penser l’écoulement du temps prend sens par rapport à ces deux manières de nous rapporter à sa réalité : si l’on pense le temps comme une série de moments homogènes mesurables, saisit-on encore la réalité de son écoulement ? Si nous nous rapportons au temps comme pure durée, celle-ci peut-elle être pensée, n’est-elle pas seulement un vécu psychologique qui résiste à la pensée ? Le temps n’est-il pas alors ce dont l’écoulement est condamné à toujours nous échapper ? Si nous pouvons toutefois penser cet écoulement, est-ce directement dans la saisie de sa durée, ou par l’intermédiaire d’une mesure ? Nous verrons dans un premier temps que nous ne pouvons penser l’écoulement du temps, car notre pensée ne peut saisir ce qui change perpétuellement, avant de soutenir que nous pouvons penser le temps en le mesurant à partir du mouvement. On pourra alors se demander si l’échec de la pensée à saisir l’écoulement même du temps n’appelle pas une nouvelle méthode pour saisir la durée telle que nous la vivons.

temps

« Pour Platon, le temps caractérise le monde sensible, par opposition à l'éternité immuable.

Comme le monde sensible est une copie imparfaite dumonde intelligible, le temps est une copie de la vraie réalité qu'est l'éternité.Le temps est le lieu du mouvant, du changeant, sur lesquels notre pensée n'apas de prise.

En effet, penser une chose signifie, dans la perspectiveplatonicienne, la rapporter à son essence intelligible, par l'intermédiaire dulangage, qui permet de désigner les choses de manière stable.

Or, le tempssensible, par son écoulement, ne peut entrer dans une pensée stable,puisqu'il est par définition ce qui change perpétuellement et ce par quoi leschoses sensibles changent : de même que nous rapportons les choses, pourles penser, à leurs essences éternelles intelligibles, nous devons penser letemps à partir de son modèle parfait, c'est-à-dire l'éternité.

Ceci revient àdire que nous ne pouvons penser l'écoulement du temps, puisque cetécoulement est précisément ce que la notion d'éternité ne contient pas, etprécisément ce qui échappe à toute pensée qui a besoin de rapporter sesobjets à une réalité stable et non changeante. 2° Nous pouvons penser l'écoulement du temps par la mesure Aristote, comme Platon, fait du temps une caractéristique du monde sensible, qui est d'une nature moins parfaite que l'éternité qui définit le divin.Cependant, Aristote s'oppose à Platon en affirmant que nous pouvons penserl'écoulement du temps, car celui-ci n'existe pas réellement dans le monde comme la matière, mais prend sa réalitédans notre esprit par la mesure.

Nous pouvons ainsi penser le changement qui caractérise l'écoulement du tempscomme « le nombre du mouvement selon l'antérieur et le postérieur » : ceci signifie que notre pensée saisit le tempsen le mesurant par le mouvement.

Dans le mouvement, qui produit lui aussi un changement, nous distinguons unavant, un après, et un intervalle entre les deux.

De même, dans le temps, nous distinguons un passé et un futur quisont comme des parties du temps, où les événements sont contenus comme dans un lieu et qui forment desrepères.

L'écoulement du temps peut ainsi être pensé comme un temps mesuré par notre esprit, divisible etmathématisé.

Cependant, doit-on penser que cette manière de nous rapporter au temps nous permet vraiment denous rapporter à son écoulement, dans la mesure où nous pensons le temps à partir de l'espace, alors même quel'espace n'a pas d'écoulement ? Si le temps est une réalité de notre esprit, ne faut-il pas penser justement qu'il fautabandonner le modèle spatial, qui renvoie à la réalité externe, pour pouvoir saisir sa durée ? 3° L'écoulement du temps renvoie à la durée vécue, non au temps spatialisé Bergson critique la conception aristotélicienne, selon laquelle la seule manière de penser l'écoulement du temps consiste à en faire un phénomènespatial, où les événements sont juxtaposés les uns à côté des autres : cecirevient à perdre ce qui fait la réalité de l'écoulement du temps, sa durée.Bergson oppose ainsi le temps mesuré, tel que nous nous y rapportons par nosconcepts mathématiques, et par notre action, qui ont besoin de dégager desinstants dans l'écoulement du temps et de se représenter ces instants dans unesuccession, à la durée telle qu'elle est vécue par notre esprit.

Cette durée n'estpas une juxtaposition d'événements, elle mêle tous les éléments de notre vieintérieure, et est en perpétuelle évolution.

Cette durée ne peut être pensée parnos concepts, car ceux-ci sont stables et ne peuvent saisir cette intrication deschoses dans le devenir.

Bergson est sur ce point d'accord avec Platon, maisrenverse sa perspective : l'impossibilité de penser la durée avec nos conceptsne signifie pas que nous devons renoncer à cette durée, mais au contraire quenous devons la saisir par un autre mode, car elle est la réalité même du temps.Nous devons la saisir par une intuition, qui ne consiste pas à faire du temps unlieu où les événements mesurés arrivent, mais à se rapporter directement etimmédiatement à notre vécu psychologique de la durée, pour saisir l'écoulementdu temps comme le devenir qui est créateur de nos états psychologiques eux-mêmes.Selon Bergson, la durée est la réalité même : c'est-à-dire la durée pensée et concrètement vécue, le temps de la conscience intime, et non la durée mesurée comme une distance d'un point àun autre.

Afin de saisir cette durée, le philosophe doit se réconcilier avec ce qu'il vit concrètement et faire prévaloirla perception des choses sur leur conceptualisation.Comment appréhender cette durée qui semble toute intime ? Il convient d'opérer une conversion, de nous défairedes habitudes de pensées qui réduisent le réel à une ombre de lui-même, en ne faisant que le mesurer et le diviserpar pur intérêt.

Si nous n'avons de la durée que cette perception réduite, cela signifie que, pour nous, la durée estd'abord ce qui nous sépare de quelque chose ou, si l'on veut, un moyen terme entre un début et une fin.

Ce moyenterme n'est donc pas perçu pour lui-même, mais en vue d'autre chose, et la réduction de la durée à de l'espacesignale d'abord une conception utilitaire du monde, bien loin du désintéressement qui devrait être celui duphilosophe.

Si nous voulons saisir ou contempler la durée en son absoluité, ou du moins nous en rapprocher, il nousfaut nous défaire de notre obsession pour l'action.. »

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