Peut-on parler d'une connaissance métaphysique ?
Publié le 05/11/2009
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Beaucoup de philosophes ont nié la valeur de la métaphysique : tous les sceptiques par exemple, et tous les « psychologistes « c'est-à-dire ceux qui ramènent les problèmes de métaphysique aux problèmes de psychologie personnelle des métaphysiciens eux-mêmes. La possibilité même de la métaphysique et son utilité ont été niées par deux grands philosophes classiques : Emmanuel Kant (1724-1804) et Auguste Comte (1798-1857). Nous leur ajouterons, pour citer une thèse moderne, Lee Whorf (« Linguistique et anthropologie «, 1969).
1 — Kant (« Critique de la Raison pure «, 1781 ; « Prolégomènes à toute métaphysique future voulant se présenter comme science «, 1783) a consacré sa métaphysique à la critique de la métaphysique. Pour lui, la raison est « faite « pour mettre de l'ordre dans les phénomènes de la nature, elle leur impose ses exigences de relation, modalité, quantité et qualité comme la fonction sensibilité leur impose l'espace et le temps. Pour la raison humaine et par la raison humaine, la nature a donc une structure, un ordre et des lois. On ne sait pas et on ne peut savoir ce qu'elle est en elle-même. Le monde des phénomènes, c'est-à-dire la nature, est un monde humain, rien, qu'humain ; la raison s'y reconnaît parce que c'est elle qui le rend rationnel. Mais lorsque la raison cherche à dépasser le plan des phénomènes, c'est-à-dire lorsqu'elle s'engage dans la métaphysique pour essayer de comprendre la réalité-en-soi, l'être, dont les phénomènes ne sont que les apparences-pour-l'homme, elle transporte illégitimement dans cette recherche ses exigences constitutives, ses « catégories a priori «et elle aboutit forcément aux « antinomies de la raison pure « c'est-à-dire à des propositions contradictoires et également rationnelles concernant l'existence du monde, de l'âme ou de Dieu. Dans ce domaine, la raison prouve n'importe quoi, parce qu'elle est employée en dehors de sa fonction normale et unique, qui est de rationaliser l'expérience.
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mentalité », et à ce titre relevant de l'anthropologie.Notre langue, notre mode de pensée, notre culture occidentale servent de support évident, dit cet auteur, à lamétaphysique telle que nous la développons depuis la culture gréco-romaine, marquée par la croyance en la valeursupérieure de la Raison.Prenons pour exemple, dit Lee Whorf, la métaphysique du peuple Hopi où deux principes cosmiques gouvernent la vieet le monde : le « manifesté » et le « manifestant » ; le « manifesté » est tout ce qui tombe sous la perceptionsensible dans le présent, le « manifestant » englobe le futur et le « cœur » de toute chose comme de tout être,force tendant à se manifester malgré toute une série d'obstacles, et qui est à la fois de l'ordre du désir, del'intention et de l'esprit, le tout doté d'une puissance magique.Il est évident, dans ces conditions, que le rapport de l'Homme au Monde, objet de la métaphysique, est l'expressiondernière et fondamentale de toute l'existence culturelle, marquée aussi bien par l'art, le langage, les rites religieux.Si (autre exemple) le mot « mort » et le verbe « mourir » n'existent pas dans le langage des Canaques (de Nouvelle-Calédonie), c'est que pour ce peuple, la mort est un état particulier de l'être, et signifie seulement l'intégration à unaspect non-visible de la Société des vivants.En réponse à Lee Whorf, nous remarquerons d'abord l'ancienneté de cet argument en apparence moderne :Protagoras disait « l'Homme est la mesure de toutes choses », et Montaigne (comme Pascal) remarquait que «Vérité en deçà des Pyrénées est erreur au-delà et inversement ».
A ces arguments qui ont été ceux de tous lessceptiques, s'ajoutent chez les Modernes la tendance à rabaisser la Raison occidentale et à valoriser les formes depensée non-rationnelles.Il est important de noter aussi la confusion systématique et intentionnelle opérée par l'auteur entre Métaphysique etReligion.
Pour lui, il n'y a pas de métaphysique, il n'y a que des religions, aussi variées que les formes socio-culturelles dont elles sont une des expressions (au même titre que la langue, l'habillement, la cuisine, l'art local).Dans la même orientation de pensée, s'il était logique avec lui-même, il n'y a pas de science universelle parce qu'iln'y a que des pratiques magiques différentes selon les cultures, ou alors il est obligé (ce qu'il dit d'ailleurs page 9 deson ouvrage et dans une parenthèse) de considérer la métaphysique de la science moderne comme quelque chosede « complètement différent », sans nous dire pourquoi.En assimilant linguistique, anthropologie et métaphysique, Lee Whorf « oublie » que la métaphysique est un effort decompréhension rationnelle de ce qui est (et de toutes les expressions de ce qui est), radicalement différent descroyances et religions (qui, elles, ne se situent pas au niveau de la réflexion), marquée, à son principe, par le soucide dépasser les thématisations individuelles de l'Univers vécu (les conceptions plus ou moins « complexées » del'existence), et de dépasser aussi l'ethnocentrisme.La métaphysique n'est pas un langage comme les autres (elle crée d'ailleurs son langage, tout comme la science) ;elle est décentration (ni égocentrisme ni ethnocentrisme) pour saisir (ou plus exactement tenter de saisir) lasignification dernière de l'Être et des êtres.
C'est pourquoi elle est rationnelle, car la Raison est notre seul moyenuniversel de connaissance.
Même si cette visée est entachée de facteurs frénateurs ou distordants venus desindividualités ou des façons culturelles de penser, elle est, en tant que visée, transcendante par rapport à cesvariables.Lee Whorf admettrait lui-même que sa conception vise la vérité sur l'Être, et n'est pas le simple produit de sonhostilité personnelle contre Platon ou contre Descartes..
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