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Peut-on parler d'un langage animal?

Publié le 11/03/2005

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• Si l'on décrit le langage en terme de comportement, ne peut-on pas admettre qu'il existe un langage animal ? Tout comportement peut en effet être défini comme la réaction (R) d'un être vivant à une stimulation externe (S). Or dans le comportement linguistique, la stimulation (S) perçue par un individu donne lieu à une réaction linguistique (R) qui constitue pour l'auditeur une stimulation linguistique (S) laquelle entraîne le comportement réactionnel (R). Le langage apparaît donc en ce sens comme ce qui « permet à un individu d'accomplir une réaction (R) quand un autre individu éprouve une stimulation (S) ». (Langage de Bloomfield, page 28.) En ce sens, on peut dire qu'il existe des langages animaux (Cf. Vie et moeurs des abeilles de K. von Frisch, Albin Michel).
Les abeilles, insectes sociaux, échangent des informations. De nombreux animaux dans la nature utilisent aussi des langages complexes qui leur permettent de communiquer. Mais, en aucune façon les signaux qu'échangent les animaux ne sont un véritable langage. Il n'y a ni dialogue ni créativité. Ils répondent simplement à un instinct nécessaire à leur survie.

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« Cette thèse n'a rien que de très traditionnel.

Elle remonte au moins à Aristote , qui au livre I de ses « Politiques », immédiatement après avoir signalé que « l'homme est par nature un vivant politique », relève que « seul entre les vivants, l'homme a un langage » (ce dernier terme étant censé traduire le grec « logos »). Ces deux définition de l'homme sont naturellement indissociables.

La possession du langage par l'homme se marque en effet à ceci, tout d'abord,qu'il s'adresse à ses semblables, au milieu desquels il vit, et peut aussi voirson comportement modifié par leurs paroles.

Parler c'est « parler-à » (un autre que moi).

Avoir le langage, c'est aussi pouvoir être affecté par la parolede l'autre.

Cette manière proprement humaine de vivre que détermine lapossession du langage serait donc impossible en dehors de la Cité. En même temps, l'existence politique, qui suppose la délibération en commun et la persuasion réciproque, la parole adressée en une languepartagée, n'est à la portée que du vivant parlant.

Certes, des bêtes peuventtrouver le moyen de signaler par des sons leurs sensations douloureuses ouagréables.

Mais, souligne Aristote , seuls les hommes, ces vivants qui contrairement aux autres se tiennent droit, regardent devant eux et émettentleur voix vers le devant, sont en mesure de se manifester mutuellement« l'avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste ».

Ce qui est proprement user de langage. On pourrait être tenté d'objecter à Aristote , d'une part qu'il est douteux que tous les hommes soient comme il le prétend « doués de langage » : le « logos » ne fait-il pas défaut aux sourds-muets de naissance, aux fous ? Et d'autre part que d'autres êtres vivants que l'homme, peut être, communiquent par le moyen de signes. Commençons par la première objection.

« Pas de langage sans voix », écrit Benvéniste .

Pourtant nous pouvons parler par gestes ; Descartes avait déjà observé que « les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix », de telle sorte qu'ils parviennent non seulement à communiquer entre eux, mais encore à se faire comprendre de « ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur langue » (« Discours de la méthode », V). Ne pourrait-on en revanche refuser le logos aux fous, comme si « perdre la raison » revenait aussi à être arraché à sa langue ? « Je suis vacant par stupéfaction de ma langue », s'écrie ainsi Arthaud , qui évoque la souffrance psychisme en toute connaissance de cause.

Et d'ailleurs : « quitte ta langue, ma langue, merde, qui est-ce qui parle, où es-tu ? Outre, outre , Esprit, Esprit, langues de feu, feu, feu, mange ta langue, vieux chien [...]j'arrache ma langue ».

Le fou serait-il hors-langue ? Mais c'est en poème que le clame Artaud .

Et sa « langue de feu » nous affecte sans doute plus profondément que bien des discours « sensés ».

En conséquence, comme le soulignait déjà Descartes , on peut considérer que le fou a part au logos.

Si désarticulé qu'il puisse être , et « bien qu'il ne suive pas la raison », le discours de la folie reste un discours.

D'apparence incohérente, il « ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent », conservant donc un rapport à la réalité, tant des objets auxquels il a trait que de la situation de communication dans laquelle il s'inscrit.

On peut donc conclure provisoirement sur cepoint que le langage est en l'humanité, tout comme la raison peut-être, un instrument universel.

Instrument voué,en l'occurrence, à la manifestation de la vie de conscience ; au service, donc, du témoignage, et qui ne fait défautni à l'imbécile ni au fou : « c'est une chose bien remarquable , résumait Descartes , qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter mêmes les insensés qu'ils ne soient capables d'arranger ensemble diversesparoles, et d'en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées ». Au contraire, souligne aussitôt, et par contraste, le « Discours de la méthode », « il n'y a point d'autre animal » qui fasse de même.

Le philosophe exclut donc fermement la possibilité que des bêtes aient accès au langage.

Certes, note-t-il, on peut bien dresser un perroquet ou une pie à crier « bonjour » à l'arrivée de son propriétaire.

Néanmoins, cela ne prouverait pas que le volatile témoigne véritablement par là qu'il souhaite le bonjourà l'arrivant.

Habituée à ce qu'on la récompense de quelques friandises lorsqu'elle « dit » bonjour, la bête ne proférera ces sons, comme par un réflexe conditionné, que dans l'espoir de manger bientôt.

Elle ne souhaite pas le bonjourmais signale sa faim.

Il n'est donc pas vrai que les bêtes parlent, puisqu'il ne s'en est jamais trouvé une qui usât designes pour exprimer autre chose que sa joie ou sa douleur, son espérance ou sa crainte.

Les prétendues parolesdes bêtes n'en sont pas, puisqu'elles n'ont de rapport qu'à leurs passions.

De ce fait elles ne témoignent pas que lesbêtes pensent, encore moins qu'elles pensent ce qu'elles disent.

Exprimer ce que l'on ressent n'est pas encoreparler, le langage supposant la pensée outre le sentiment.

« On ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels qui témoignent les passions ».

Or les sons proférés par les bêtes entrent tous dans cette dernière catégorie, pour autant qu'on n'ait « point encore observé » qu'aucun animal nous ait marqué par la voix ou les mouvements de son corps « quelque chose qui pût se rapporter à la pure pensée plutôt qu'à un mouvement naturel ».. »

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