Peut-on parler de sociétés en avance et de sociétés en retard?
Publié le 31/01/2020
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Adopter ce point de vue, c'est pourtant s'opposer au respect des différences et à l'égalité naturelle des hommes. Mais c'est surtout être victime de l'illusion que sa propre société peut être reconnue supérieure par une norme objective. C'est ainsi oublier que chaque société crée ses propres valeurs aux yeux desquelles elle sera toujours la plus avancée.
«
Plus largement, lorsque l'on songe à tous les pays qu'il est convenu d'appeler
«sous-développés ))1 le signe du retard pour ces sociétés est leur dépendance à l'égard
des pays avancés: elles ont besoin des découvertes qui s'effectuent dans ces sociétés
pour espérer combler leur retard.
À l'inverse, les sociétés développées se caractérisent
par une constante recherche de nouveauté.
Elles sont créatrices, alors que les sociétés
en retard sont seulement reproductrices ou imitatives.
Et l'Europe occidentale apparaît
à nombre de penseurs, à l'instar de Hegel, comme un modèle pour les autres socié
tés humaines.
On voit donc que le présupposé majeur d'une telle position est qu'il y
aurait une supériorité de certaines sociétés et de certains hommes sur d'autres.
En somme, on aboutit à affirmer avec Aristote, dans la Politique, qu'il existe des
hommes naturellement supérieurs à d'autres.
Les sociétés en retard seraient consti
tuées de nouveaux barbares, éest-à-dire d'hommes moins qu'hommes.
On aperçoit
aisément le caractère moralement contestable d'une telle thèse.
Rendons justice à
Aristote, il indique lui-même qu'une infériorité sociale ou économique n'est pas néces
sairement Je symptôme d'une infériorité naturelle mais peut être le fruit du hasard.
Toutefois, on peut contester l'idée même d'une hiérarchie des hommes et des
sociétés qu'ils constituent Suivons par exemple le livre 1 de Du Contrat social de
Rousseau dans son analyse de l'esclavage et de l'oppression politique.
La domi
nation de certaines sociétés, qu'elle soit violente, lorsqu'il s'agit de colonisation et
d'asservissement généralisé, ou qu'elle soit apparemment plus douce, lorsqu'il s'agit
d'une sorte de « leadership )), est contraire à l'essence même de l'homme.
Ce der
nier est en effet libre par nature.
Et la domination de certains hommes ou de
certaines sociétés ne paraît évidente et naturelle que parce qu'elle s'appuie sur une
longue histoire et sur la force souveraine de l'habitude.
La thèse selon laquelle il y aurait des sociétés en avance et des sociétés en
retard nous apparaît comme inacceptable d'abord du point de vue de ses consé
quences.
Les sociétés« en avance>> peuvent en effet se prévaloir de cette avance pour
dominer les autres sociétés.
Elles auraient en effet le devoir d'aider les autres socié
tés à les rattraper.
Cette conception est contestable également du point de vue des principes, car
elle nie l'égalité des hommes et le droit à la différence, ce que contestent les philo
sophes comme Montaigne (Essais, livre 1, « Des cannibales ))) qui ne croient pas à
la supériorité d'une civilisation par rapport à une autre et qui s'ingénient à trouver
des supériorités chez les « sauvages >>.
Toutefois, les objections simplement éthiques opposées à cette thèse ne sont
elles pas insuffisantes? Le partisan de la hiérarchie des sociétés peut aisément
répondre qu'il a de l'homme une tout autre idée et qu'il a des valeurs morales dif
férentes.
Pour lui, aider les sociétés archaïques à combler leur retard est plus moral
que de les laisser telles qu'elles sont, en arguant de l'égalité naturelle entre les
hommes..
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