Peut-on parler à bon droit d'une Histoire sans Culture ?
Publié le 16/12/2009
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Histoire et Culture sont donc des notions complexes, dont les définitions sont étroitement liées. Voyons comment toutes deux s’opposent à une nature animale, en quoi l’Histoire est indissociable de l’expérience collective, et pourquoi elle est nécessairement anthropocentrique.
L’Histoire est une discipline humaine : les animaux n’ont pas d’Histoire, car elle supposerait une conscience du passé comme héritage, ou tout du moins comme témoignage. Dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau décrit l'homme primitif, vivant à l’état de nature (antérieur à l'institution de la société). Cet état, présenté comme une fiction utopique, constitue un stade de bonheur et d'équilibre. Mais n’ayant ni langage, ni collectivité, ni raison libre, l’homme sauvage a les mêmes aptitudes qu’un animal. Rousseau précise qu’il ne peut pas avoir d’Histoire : l’état de nature est dit « extra-historique «. Le bon sauvage est dispersé et vit dans le monde de l’immédiateté ; la notion de sauvegarde du passé lui est inconnue. Les animaux ont bien un passé effectif, mais pas la capacité de le rassembler en une mémoire collective. C’est donc la différence spécifique de l’homme : sa perfectibilité, qui est à l’origine de l’Histoire. Et nous le savons, cette différence n’est visible que dans un contexte culturel, puisqu’elle sommeille à l’état de nature. C’est donc bien avec la naissance de la culture qu’est annoncée celle de l’Histoire : des développements liés par la même volonté de collectivité, essence véritable du zoon politikon (animal social) défini par Aristote.

«
également le pendant de cette individualité : « à l'humanité en général » induit le caractère universel de l'Histoire ; chaque société
d'hommes possède une Histoire, cette faculté commune au genre humain.
L'essence de l'Histoire et de la culture sont donc très
proches : toutes deux sont à la fois une caractéristique universelle du genre humain et sont relatives à chaque peuple ; elles
constituent la majeur partie de leur identité originale tout en les incorporant au « club fermé » des hommes, pour reprendre
l'expression de Vercors, dans Les animaux dénaturés .
L'homme cultivé est donc l'épicentre de l'Histoire, puisqu'il est son créateur et son objet d'étude.
Cette dernière commence
par ailleurs avec l'invention de l'écriture, l'ère précédente est appelée préhistoire, signe manifeste d'un « avant » et d'un « après »
le processus d'humanisation.
En effet, dès que l'homme a assez développé sa raison pour pouvoir retranscrire sa mémoire, soit
dès qu'il échappe à l'hominisation, le travail de l'historien prend toute son ampleur.
Car la discipline historique se fonde sur l'étude
de documents avant tout, comme l'explique Hérodote : elle a pour base le témoignage humain sous toutes ses formes.
Déjà, les
dessins préhistoriques étaient le reflet des sociétés premières, reflet bien évidemment choisi : on peignait la chasse glorieuse bien
plus que la vie quotidienne.
L'Histoire telle que nous la connaissons est donc nécessairement anthropocentrique, c'est pourquoi la
culture parait être contingente.
« L'Histoire n'est que l'effort désespéré des hommes pour donner corps aux plus clairvoyants de leurs rêves », écrit Camus dans
Actuelles .
L'Histoire et la culture naissent donc avec la société, elles sont les attributs individuels et universels de chaque peuple,
garantissant leur identité propre.
Sans culture l'homme n'a pas d'Histoire, nous l'avons démontré, mais si ce fait est avéré, l'inverse
est-il si évident ?
La culture façonne l'Histoire, jusqu'à l'absorber dans son champ d'action ; à l'instar du schéma de logique à priori évident que
nous avions exposé en introduction :
Objet de l'Histoire
Ere pré humaine Hominisation Humanisation _____________ I_________ II______________ I--------------------> Culture et Histoire
En réalité nous avions confondu « Histoire » et « Objet d'étude » de cette dernière.
Le concept d'Histoire a une limite (une
naissance) dans le temps, contrairement à son objet qui s'étend à toute période qui fut.
Nous verrons comment l'historien, qui
n'est par définition jamais neutre, influe sur son récit ; puis si l'Histoire a un sens sans la culture au pluriel ; enfin nous discuterons
du danger ethnocentrique, indice d'une conception universaliste de la culture.
Le travail de l'historien est logiquement capital dans l'élaboration de l'Histoire : ce sont les hommes qui façonnent leur passé.
Ricœur écrit dans Histoire et vérité : « L'historien va aux hommes du passé avec son expérience humaine propre.
Le moment où
la subjectivité de l'historien prend un relief saisissant c'est celui où, par delà toute chronologie critique, l'historien fait surgir les
valeurs de vie des hommes d'autrefois ».
La neutralité parfaite est impossible pour l'historien, qui reste malgré ses efforts, un
homme de son temps, c'est-à-dire un homme éduqué par une culture spécifique.
Les rédacteurs même de l'Histoire sont toujours
les représentants d'un modèle culturel.
Il nous faut lire l'Histoire comme on lirait un roman à focalisation interne, autrement dit,
avec un point de vue limité et sous le joug de codes de conscience établis (dont l'historien est paradoxalement inconscient).
Une
Histoire naturelle écrite par un homme est donc absolument inenvisageable : l'éducation, qui annonce l'entrée d'un individu dans la
société, le transforme du même coup en un animal dénaturé incapable de vivre hors de sa culture.
Le pas franchi par l'homme
cultivé est irréversible, comme le souligne Rousseau.
Si l'historien est toujours le produit d'une société donnée, nous devons dès lors envisager l'Histoire comme un compromis.
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