Peut-on obéir à aucune loi ?
Publié le 10/03/2005
Extrait du document
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"La liberté naturelle de l'homme, c'est de ne reconnaître sur terre aucun pouvoir qui lui soit supérieur, de n'êtreassujetti à la volonté ou à l'autorité législative de personne, et de n'avoir pour règle que la seule loi naturelle.
Laliberté de l'homme en société, c'est de n'être soumis qu'au seul pouvoir législatif, établi d'un commun accord dansl'État, et de ne reconnaître aucune autorité ni aucune loi en dehors de celles que crée ce pouvoir, conformément àla mission qui lui est confiée (...).
Chaque fois qu'un certain nombre d'hommes, s'unissant pour former une société,renoncent, chacun pour son compte, à leur pouvoir de faire exécuter la loi naturelle et le cèdent à la collectivité,alors et alors seulement naît une société politique ou civile (...).
La grande fin pour laquelle les hommes entrent ensociété, c'est de jouir de leurs biens dans la paix et la sécurité.
Or, établir des lois dans cette société constitue lemeilleur moyen pour réaliser cette fin.
Par suite, dans tous les États, la première et fondamentale loi positive estcelle qui établit le pouvoir législatif.
Ce pouvoir législatif constitue non seulement le pouvoir suprême de l'État, mais ilreste sacré et immuable entre les mains de ceux à qui la communauté l'a une fois remis (...).
Dès que cesse la loi, latyrannie commence, s'il y a transgression au détriment d'autrui.
Dès lors, tout personnage au pouvoir qui abuse del'autorité concédée par la loi cesse par là même d'être un magistrat.
Et puisqu'il agit sans autorité, on peut luirésister comme à tout homme qui empiète par la force sur les droits d'un autre.", John Locke, Deux Essais sur le pouvoir civil , 1690.
Que ce soit chez Locke, ou chez Rousseau, la loi se comprend comme la nécessité de combattre un état naturel où chacun empiète sur les prérogatives de chacun du fait que personne n'est assujetti à unprocessus régulateur.
La loi, avant d'être obéissance, est donc comprise comme un principe d'harmonisation quipréserve les intérêts individuels et limite la liberté entendue comme l'expression sauvage de l'instinct.
On oppose communément la liberté à la loi.
Se soumettre à la loi, ce serait ne pas ou ne plus être libre.
Mais n'obéirà aucune loi, serait-ce être libre ? Mais il faut s'entendre sur le terme liberté et sur le terme loi..Il y a un premier sens du mot libre qui est négatif : être libre c'est ne pas être empêché de faire ce qu'on a envie defaire.
On emploie le terme libre dans ce sens à propos des choses comme à propos des hommes : retirer d'un cheminles arbres qui font obstruction, c'est libérer le passage, ne pas retenir un oiseau dans sa cage, c'est le laisser librede s'envoler, ne pas empêcher quelqu'un de s'étendre sur le gazon d'un jardin public, c'est le laisser libre de le faire.Toute loi comporte des interdictions.
Dès lors toute loi réfrène la liberté, prise en ce sens négatif.
C'est le seul sensque Hobbes donne au mot liberté.
Selon Hobbes, dans l'état de nature, chacun est empêché à tout moment, dansses mouvements et ses entreprises, par autrui qui est virtuellement son ennemi.
Mais les lois d'un Etat - institué envue justement de mettre fin à cet état de guerre qu'est l'état de nature - empêchent les individus de se nuire lesuns aux autres.L'autre sens du mot liberté n'est réservé qu'à l'homme, et caractérise ce que Kant appelle l'autonomie : obéir, à la loidont on est, en tant qu'être raisonnable, l'auteur, ou encore, obéir à sa propre raison.
Obéir à sa raison, c'est êtrepleinement responsable de sa conduite.
Etre libre, c'est s'obliger soi-même à une conduite raisonnable, s'interdirecertains débordements, en un mot c'est obéir à la loi qu'on s'est prescrite.La loi peut s'entendre ici dans un sens moral, comme dans un sens politique.
Autrement dit, les obligationsauxquelles on se soumet volontairement et librement (alors qu'on subit bon gré malgré une contrainte) sont morales,ou bien civiques.
C'est dans ce sens-ci d'obligation civique que Rousseau l'entend d'abord.
Rousseau dans le ContratSocial jette les bases d'un Etat dont les lois constituent des obligations et non des contraintes : car c'est le peuplesouverain, plus exactement la volonté générale (selon la règle de la majorité) qui décide des lois.
Ainsi chacund'entre nous, en tant que citoyen, est libre parce qu'il se soumet aux lois dont il est l'auteur, en tant que membrede la volonté générale.
Troisième partie : Alors, quelle loi ?
On comprend donc que n'obéir à aucune loi est difficile à l'échelle collective, il vaut donc mieux réfléchir à quellesorte de loi : « L'impulsion du seul appétit est esclave, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.
»,Rousseau.
D'ailleurs, la loi n'est pas seulement système institutionnel, elle est aussi la norme à laquelle on soumetnotre action dès l'instant que l'on établit pour soi un plan de bataille ou d'action.
Toute existence qui n'est pas puresomnolence obéit à des règles, des principes de conduite, des exigences morales.
On convient donc d'interpréter autrement le sens du verbe « obéir » ; ce n'est pas tant la loi qui fait problème quel'association négative induite par le verbe : « Dans l'état même de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous.
Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; ilobéit aux lois mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. », ROUSSEAU (Jean-Jacques), Lettres écrites de la montagne.
On doit donc opérer une distinction entre obéir et servir, l'idée n'est pas celle d'un esclavage ou d'une réponse aveugle :.
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