Peut-on légitimement instituer une langue universelle ?
Publié le 23/03/2015
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Dissertations 49
I - Le rêve d'une langue nouvelle
a) C'est dans le cadre d'une recherche sur la pensée que Leibniz a
travaillé sur un art comminatoire
(l'ars combinatoria) qui se veut être l'ins
trument d'une grande ambition : établir l'alphabet des pensées humaines.
Cela ne va pas sans une certaine tonalité adamique : Leibniz est persuadé
de l'existence d'un monde intelligible, et en ce sens, la langue universelle
qu'il veut établir renvoie à la fois à la nostalgie d'une communication trans
parente et à une exigence logique
et systématique.
Revendiquant cette
double légitimité, Leibniz se propose donc bel et bien la production d'une
langue universelle : s'il s'agit de réformer les langues, c'est pour réformer
les pensées.
b) Descartes avait répondu d'avance, en quelque sorte, à ce projet, en
examinant, quarante ans auparavant, un projet de langue universelle dans
une
Lettre à Mersenne.
Tout en reconnaissant, en droit, la possibilité de ce
projet et l'opportunité de qu'il sous-tend
(«je dis que cette langue est pos
sible, et qu'on peut trouver la Science de qui elle dépend
» ), il est en
revanche catégorique sur la possibilité qu'il y
a, dans les faits, de
l'instituer :
« N'espérez pas de la voir jamais en usage ; cela présuppose de
grands changements en l'ordre des choses, et il faudrait que tout le Monde
fût un paradis terrestre, ce qui n'est bon à proposer que dans le pays des
romans».
La tonalité du sarcasme cartésien est claire : instituer une langue
universelle relève de l'utopie, c'est-à-dire d'une aspiration à la suppression
du temps (on lira en écho le début du texte
n° 3 de Merleau-Ponty).
Les
faits ne sont pas ce qu'ils sont par hasard : ils sont dépositaires d'une durée
et d'un usage.
c) Même si elle ne va effectivement pas sans utopie, l'idée d'une langue
universelle et de son institution paraît revêtir une certaine légitimité morale
au-delà des difficultés de sa mise en usage.
Repensons à l'espéranto, et à ce
qui fut sans doute la tentative la plus sérieuse pour instituer une langue
universelle.
Le contexte de cette tentative est celui de la sortie de la
première guerre mondiale et du
«plus jamais ça ! ».
Faire parler à tous la
même langue, c'était, dans l'esprit des promoteurs de cette tentative, faire
fraterniser des peuples prisonniers de leurs différences culturelles, et donc
conjurer les conflits..
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