PEUT-ON LÉGITIMEMENT INSTITUER UNE LANGUE UNIVERSELLE ?
Publié le 19/03/2014
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PEUT-ON LÉGITIMEMENT INSTITUER
UNE LANGUE UNIVERSELLE ?
Introduire un sujet de dissertation, c'est mettre à jour la contra-diction qui fait le fond du problème. Il s'agit d'abord de partir de l'opinion ou de la thèse couramment admise, puis de soulever des objections et enfin de terminer par la question du sujet. Nous vous proposons un exemple.
La Bible nous raconte qu'un jour les hommes entrepri-rent de construire une tour qui leur permettrait d'atteindre le ciel et donc de rivaliser avec leur créateur. Dieu les empê¬cha de réaliser ce projet en confondant leur langage et en les dispersant sur toute la surface de la terre. L'opinion qui affirme que la diversité des langues est source d'incommu¬nicabilité
«
1
maticale dans l'impératif .
L'ordre est bien un dire qui vise à
agir sur autrui.
Et dans Quand dire, c'est faire, le philosophe
anglais Austin affirme que produire certaines énonciations,
c'est une action.
Aux énoncés simplement
« constatifs »qui
ne visent qu'à décrire un événement qui peut être vrai ou
faux (exemple : « il fait beau » ), Austin oppose l es énoncés
qu'il appelle
«performatifs » qui ne décrivent, ne rappor
tent, ne constatent absolument rien, ne sont
ni vrais ni faux
et sont tels que
« l'énonciation de la phrase est l'exécution
d'une
action (ou une partie de cette exécution) ».Quand, par
exemple, je dis à
la mairie ou à l'église « oui, je le veux »
(c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légi
time),
« je ne fais pas le reportage d'un mariage : je me
marie ».
Le pouvoir des mots ne réside pas
dans les
mots eux-m ême s
Le sociologue Bourdieu affirme que la croyance en un
pouvoir des mots est naïve .
L'erreur est de considérer le
langage comme «un objet autonome », en faisant abstraction
des usages du langage, donc
« des conditions sociales d'utili
sation des mots ».
Certes, un discours politique ou scienti
fique
peut avoir une valeur intrinsèque.
Mais le même dis
cours, prononcé dans des circons tances différentes
ou par
des personnes n'ayant pas
la même reconnaissance sociale,
n'aura pas
le même impact.
Le pouvoir des mots ne réside
donc pas dans
les mots eux-mêmes, mais provient des
conditions sociales qui leur confèrent légitimité et autorité.
Cela signifie que la parole est toujours prise dans un rituel
social qui lui donne son efficacité.
Ainsi l'autorité n'advient
au langage que du dehors.
C'est ce qui est fortement sym
bolisé par
le skeptron, le bâton, qui, chez Homère, est
l'attribut du roi, des hérauts, des messagers, de tous
les per
sonnages qui, par nature
ou par occasion, sont revêtus d'au
torité.
« On passe le skeptron, dit Bourdieu, à l'orateur
avant qu'il commence son discours et pour lui permettre de
parler avec autorité.
» •
59.
»
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