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Peut-on fonder la morale sur l'intérêt particulier bien compris ?

Publié le 27/03/2004

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morale
L'intérêt personnel lui-même, bien compris, peut faire monter l'homme a. un très haut degré de perfection morale. On a considéré comme intéressées, donc comme assez terre à terre, les morales religieuses qui excitent les croyants à l'effort par la promesse d'un ciel dans lequel les âmes des justes jouiraient d'un bonheur ineffable. Et, de fait, il faut le reconnaître, les plaisirs du ciel des païens, ceux même du ciel de chrétiens vulgaires, sont bien inférieurs, et il n'y a rien de moral à les désirer. C'est que ces païens 'et ces chrétiens superficiels se font du ciel une fausse conception. Le plaisir fondamental du ciel est d'être définitivement, fixé dans le bien, comme l'indique la signification profonde du mot sanctus, de se trouver dans l'impossibilité absolue de commettre le mal. Il est facile de le comprendre, dans le désir du ciel, et le souci de notre plus grand intérêt et l'aspiration à la plus haute moralité s'unissent et se confondent. Mais l'intérêt de notre perfection elle-même est un but d'action légitime 1 et qui peut faire monter très haut vers l'idéal humain. L'ascète, qui s'exerce à dominer en soi les impulsions naturelles de la gourmandise ou de l'orgueil, et s'entraîne à établir en lui le domaine de la raison, est un modèle à présenter à l'imitation de tous. Nos modernes utilitaristes lui reprocheront sans doute un défaut essentiel, sa concentration sur lui-même, et refuseront de le proposer en exemple, tant qu'il n'aura pas pour but principal le bien des autres.
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« * ** Mais, il faut le reconnaître, cette concentration sur soi-même n'est pas sans danger et peut dévier inconsciemmentvers un orgueilleux égoïsme.

Il est bon, pour l'homme, de sortir de soi, de mettre en d'autres que lui-même le but deson activité et de ses efforts.

Que peut-on lui proposer de plus entraînant que la perspective du bien de ceux avecqui il vit, de ceux qui le prolongeront après sa mort ?Les aberrations de la passion familiale seront évitées à qui cherche le vrai bien de ceux qu'il aime, et non simplementleur plaisir.

Bien compris, le rôle de père de famille aimant amène à développer dans l'Ame des enfants une justecompréhension du but de la vie, une volonté forte qui puisse dominer les impressions égoïstes, le sens délicat desbesoins et des souffrances des autres.

De ces familles apparemment fermées sur elles-mêmes — mais ferméesuniquement pour conserver intacte la pureté de l'idéal — sortiront des individus beaucoup plus altruistes que s'ilsavaient roulé par le monde, et contemplé l'égoïsme qui mène la plupart des hommes.D'ailleurs, l'expérience le montre bien, l'esprit familial bien compris prépare l'esprit social et se confond avec lui aulieu de s'y opposer.

Habitués à s'oublier pour les leurs, les membres de familles fortement unies sont déjà entraînésau sacrifice.

Lorsque, en dehors du groupe familial, retentira un appel à l'aide, d'où peut-on raisonnablementattendre une réponse sinon de ces foyers où tous ont été formés à servir et non à se servir ?Et de même celui qui se dévoue à la tâche particulière qu'il a choisie ou pour laquelle les circonstances l'ont désigné,à moins qu'une passion stupide ne l'aveugle, n'enlève rien au bien général.

Au contraire, il travaille pour lui, dans leslimites qui lui sont marquées, et se maintient dans un état de tension vers le bien : il sera prêt à faire plus sil'occasion le demande.Les moralistes ne doivent pas oublier que l'homme est limité.

Lui demander d'avoir constamment devant les yeuxl'intérêt général et l'humanité tout entière, c'est méconnaître sa nature.

Mais qu'il concentre son désir de bien fairesur une petite partie de ce vaste champ, sans rien en exclure,, et sa vie atteindra a une haute dignité morale.. »

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