Peut-on fonder la liberté sur la raison ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
liés à l'utile : la réflexion, la justice, le courage, la sagesse.
Les maux sont liés au nuisible : l'irréflexion, l'injustice, lalâcheté, la folie.
Et puis, il y a des choses indifférentes, qui ne sont ni des biens ni des maux : la vie, la mort ; lasanté, la maladie ; la beauté, la laideur.
Elles ne servent ni ne nuisent par elles-mêmes, mais l'homme peut se servird'elles pour nuire ou pour être utile.
Elles peuvent donc apporter le malheur, ou le bonheur, selon l'usage qu'on enfait.A partir de là se développe toute la pratique de la philosophie morale stoïcienne, qui vise non pas tant à supprimer ledésir (qui est un mouvement de rapprochement, conforme à la nature), ou à supprimer l'aversion (qui est unmouvement d'éloignement, conforme à la nature), mais à déterminer correctement ce sur quoi porte ce mouvement.Désir et aversion ne doivent s'appliquer que sur ce qui dépend de nous ; sinon, nous allons désirer ce qui ne dépendpas de nous (la réputation, la richesse, le pouvoir) et haïr ce qui ne dépend pas de nous (la maladie, la mort, lapauvreté).
C'est à ce prix que l'on peut faire la conquête progressive de la liberté — le bien suprême —, du moins dela liberté intérieure, totalement affranchie des circonstances extérieures.Il y a donc un principe d'action, aisé à comprendre, et dont nous pouvons maintenant saisir toute la portée :« Renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté », principe qui est rappelé en tête de cet Entretien.Mais la leçon de philosophie, avec Épictète, est toujours très concrète, elle se nourrit d'exemples.
Celui qui estfourni, dans la suite du texte, est le suivant : « Aussi ne puis-je appeler travailleur celui dont j'entends direseulement qu'il lit ou qu'il écrit, même si l'on ajoute qu'il y passe des nuits entières.
»On peut deviner facilement quelle est la question décisive.
A quoi s'appliquent ce temps passé, ces lectures ou cesécrits ? « A quelle fin se rapporte ce labeur ? » L'action, en elle-même, n'est ni bonne ni mauvaise.
Ce qui lui donneson sens, c'est seulement sa finalité.
Et Épictète de se moquer ! Si la fin que tu poursuis est la gloire, « je t'appelleambitieux », si la fin que tu poursuis est l'argent, « je t'appelle avare, mais non pas travailleur ».A quoi faut-il donc appliquer ses lectures, ses écrits, son travail ? La réponse d'Épictète est conforme à la doctrine :« Si tu rapportes ton travail à ta faculté maîtresse, pour que ses dispositions et son activité soient conformes à lanature, alors seulement je t'appelle un travailleur.
»Autrement dit, le labeur véritable, celui auquel on doit appliquer son « esprit dès l'aurore, jour et nuit », c'estd'exercer la partie maîtresse de l'âme (hégémonikon), celle qui guide les autres, qui fait les représentations, lesconsentements, les sentiments, en bref la raison.
C'est en fonction de la raison que nous devons exercer notrefaculté de juger et de vouloir, et nous déterminer ainsi conformément à l'ordre universel.
Ainsi, et ainsi seulement,parviendrons-nous, selon l'expression de Sénèque, à la vie heureuse, ou selon la formule même d'Épictète, «à menerune vie tranquille ».Une telle conception du bonheur nous invite à nous replier sur nous-mêmes, dans une indifférence totale à l'égardde ce qui est extérieur à nous.
Elle ne saurait satisfaire notre époque tournée vers l'action plutôt que vers lacontemplation.
Inutile de préciser qu'il y a des choses qui dépendent de notre volonté et qu'on ne saurait doncrenoncer à tout.
Le bonheur n'est pas dans la rétention, ni dans une petite vie économe.
Il convient toutefois, et cesujet nous y invite, de réfléchir davantage sur les rapports entre le bonheur et le désir.
b.
La liberté est fondée sur l'acceptation de la nécessité et non sur la raison
Sur la base de cette distinction, Epictète dans son Manuel enjoint les hommes à accepter la nécessité : « S'instruire, c'est apprendre à vouloir chaque évènement tel qu'il se produit ».
C'est-à-dire que celui qui veut que les choses adviennent comme il le désire est en vérité esclave de ses passions.
La liberté véritable consiste dansl'assentiment à tout ce qui est.
Par conséquent, le fondement de la liberté n'est pas la raison, mais l'acceptation dela nécessité, ou, autrement dit, la volonté.
II.
La raison ne fonde pas la liberté mais convertit la servitude originelle de l'homme a.
L'homme est originellement esclave de causes qui le déterminent
Cependant, le rôle que fait jouer Epictète à la raison est sans doute trop modeste.
Un penseur postérieur commeSpinoza reprend certains postulats des Stoïciens pour parvenir à des conclusions sensiblement différentes.
Pourl'auteur de l' Ethique , la nature est soumise à la nécessité, rien dans le monde n'est contingent, tout obéit à la nécessité impérieuse qui régit et se confond avec le monde.
L'homme n'a pas de faculté de vouloir qui fonderait saliberté, mais seulement des volitions, des volontés particulières déterminées par des causes antérieures dont il n'apas conscience..
»
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