Peut-on faire un mauvais usage de la raison ?
Publié le 13/05/2018
Extrait du document
«
ne pas croire est devenue suspecte.
L'incroyant n'a plus droit de cité.
Il n'est plus protégé comme il devrait
l'être, « sa liberté n'est plus assurée a priori ».
Pourquoi le projet de juger et d'évaluer les croyances d'un point de vue rationnel est-il devenu aujourd'hui à ce
point suspect ? Comment, après Spinoza, Bayle, Condorcet, Renouvier, notre époque a-t-elle accouché de tels
sortilèges ? Bouveresse rappelait alors qu'il serait possible, et même nécessaire, de ne pas croire du tout :
penser, savoir, critiquer peut suffire à la tâche.
La croyance est certes une donnée humaine universelle, mais
elle n'est pas pour autant universellement acceptable.
Cette mise au point faite, on peut passer au rien.
La réflexion morale et philosophique d'Alexandre Lacroix ne
part pas du tout des mêmes présupposés.
Son livre n'est pas une attaque contre la pensée faible, le
syncrétisme religieux, ni une mise en garde contre toutes les formes de crédulité.
C'est un livre contre
tous « les chevaliers de l'absolu », les dogmatiques en herbe qui prétendent avoir résolu le problème de la
justification de l'existence.
C'est un livre qui prend simplement le scepticisme au sérieux.
Dans son acceptation
la plus classique.
Tout en distinguant attitude théorique et attitude pratique, il insiste plutôt sur la seconde.
Il
rejette le dogmatisme, dans l'ordre de la connaissance ; il remet comme on dit la raison à sa place.
Il professe
une sorte de vitalisme critique, rejette le souverain bien, se refuse d'assigner un but au bonheur, se laisse
guider par la vie.
S'appuyant sur des exemples littéraires de choix ? Nicolas Bouvier, Jean Genet -, il considère
le ballet des apparences comme la seule réalité tangible.
Dans une langue souple et aérée, l'auteur cherche une voie.
Mais il n'indique pas le chemin à suivre.
Reprenant
à son compte le questionnement ouvert par les stoïciens et les sceptiques, il situe son propos « en partant du
constat de notre ignorance radicale », du caractère insondable des moments qui composent notre existence.
Ce sont les stoïciens qui ont introduit la notion d'assentiment, elle est essentielle pour comprendre la croyance.
Mais le même mot de croyance sert à désigner l'assentiment et ce sur quoi il porte.
Dans la lignée de Sextus
Empiricus, Lacroix précise donc sa pensée au sujet de ce qui constitue le nerf des querelles antiques : la
suspension de l'assentiment chère au stoïcisme, reprise différemment par Sextus Empiricus, dont la lecture fut
déterminante dans sa trajectoire intellectuelle.
Que dit-il ? Ceci : « La suspension de l'assentiment consiste en
une méfiance à l'égard des multiples discours sur le réel, envers les théories, et non envers le réel lui-même.
»
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