Peut-on faire l'histoire du temps présent ?
Publié le 11/05/2012
Extrait du document
ANALYSE DU SUJET
Il convient de définir ici « histoire» et « présent » de façon à ce que nous puissions nous poser effectivement un problème. Or si nous définissons l'histoire par la relation (explicative ou non) de ce qui est passé, de ce qui n’est plus nous ne pouvons développer aucune problématique et le traitement du sujet tourne court dès l'abord : ce qui n'est plus ne saurait être présent à rigoureusement parler.
Par contre si nous définissons l'histoire comme Marc Bloch ( «Apologie pour l'histoire ou métier d'historien », p. 3) à savoir « science des hommes dans le temps » une problématique peut se développer, des questions ayant quelque sens apparaître.
ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
• Pourquoi les méthodes éprouvées dans la recherche et l’élaboration du passé ne pourraient-elles servir à une histoire du présent (si l’on entend évidemment par présent non l'instant s’évanouissant entre passé et futur, mais une certaine « durée »).
• Ne pourrait-on objecter que l’historien a besoin de la sérénité que donne un certain « recul » sur l’événement ?
Mais ce serait lui interdire aussi des pans entiers du passé dans la mesure où ce passé peut encore susciter les passions et les prises de parti.
Ainsi des difficultés qui pouvaient paraître spécifiques à l’élaboration d’une histoire du présent ne le seraient pas...
• Ne pourrait-on même ajouter, à cet égard, que plus d’un historien s’employant à l’étude privilégiée d’une époque donnée s’est passionné pour tel ou tel protagoniste, tel ou tel « camp » ?
• Refuser la possibilité d’une histoire du présent en raison des risques de passion qu’il comporte, n’est-ce pas se méprendre sur le processus d’objectivation en histoire (qui n’exclut peut-être pas — car est-ce possible ? — toute passion, toute subjectivité) ?
• Ne pourrait-on même poser que c’est le « choc » des passions qui (rapporté à l’exigence de preuves) est l’un des moteurs les plus puissants, de ce processus d’objectivation ?
«
se veut connaissance de ce dernier, si reculé soit-il~ et il semble exiger pour se
constituer un certain délai par rapport aux événements.
• Ce délai a pour objectif d'effectuer d'abord un choix dans ce qui a eu lieu: il s'agit.
en histoire.
non de reconstituer intégralement un ensemble d'événements
(tâche d'ailleurs impossible), mais bien
de ne retenir de cet ensemble que les évé
nements de poids ou significatifs~ c'est-à-dire ceux qui ne peuvent être jugés
tels qu'après coup.
à distance.
parce que leurs conséquences sont apparues.
• En second lieu.
l'étude historique suppose une recherche de causalité: raconter
par simple juxtaposition
ne suffit pas.
il faut expliquer pourquoi telle décision a
été prise.
quels sont
les facteurs déterminants qui ont provoqué un conflit.
etc.
Cette quête
d'un (ou de plusieurs) déterminisme(s) suppose, non une stricte répéti
tion
des phénomènes~ et c'est bien pourquoi l'histoire ne peut pas être tout à fait
une science comme les autres ~ mais au minimum la considération d'une durée
suffisante pour qu'une relation
de cause à effet puisse être intellectuellement
construite.
Le récit historique cherche, non une énumération de faits, mais leur
intelligibilité.
• A priori.
le contemporain semble interdire aussi bien la sélection du significatif
que
le repérage de la causalité.
Relativement à ce qui a lieu maintenant, l'esprit est
toujours
dans la position de Fabrice à Waterloo: ce qui compte (ce qui apparaîtra
plus tard comme ayant compté) peut
lui échapper tandis qu'il risque d'être aveu
glé par des phénomènes qui ne sont que des détails sans grande portée, des anec
dotes
sans réel avenir.
• Il n'en reste pas moins que le contemporain se présente comme exigeant en quelque sorte à la fois sa mise en mémoire et son éclaircissement.
Et c'est bien en
s'intéressant à des événements, soit contemporains.
soit d'un passé très proche,
que l'histoire a pris naissance, sous
l'aspect de l'enquête (puisque c'est son pre
mier sens) telle que
la concevait Hérodote.
Au Moyen Age, la rédaction des
Chroniques (qui précisément ne sont pas encore, à strictement parler, un récit his
torique) a bien pour fonction de fixer par écrit la diversité de ce qui a lieu: on y
consigne
des événements hétérogènes dès lors que, d'une façon ou d'une autre, ils
paraissent tous dignes de ne pas être oubliés.
• Il est clair que l'actualité, aujourd'hui.
risque d'apparaître comme un univers
d'une extrême confusion.
Plus s'accumulent à son sujet les informations dispo
nibles, plus
on peut constater à la fois la diversité des domaines qu'elle inclut
(politique.
militaire.
social, culturel, religieux, jusqu'aux faits divers tout à fait
locaux)
et leur caractère énigmatique.
Le lecteur d'un journal ne peut trouver
quelque sens à
ce sur quoi il est informé que sïl est déjà doté d'un
minimal sur les périodes (plus ou moins longues selon les secteurs) antérieures:
apprendre
tel jour qu'un combat a lieu à tel endroit de la planète serait rigoureuse
ment insignifiant pour
qui ignorerait tout du contexte politique ou militaire dans
lequel
ce combat s'inscrit.
• Ce qui est toujours.
»
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