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Peut-on exprimer l'ineffable ?

Publié le 18/01/2023

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« L’ineffable Lorsqu’on regarde la définition de l’ineffable dans un dictionnaire comme le petit robert on peut y trouver : Une chose que l’on ne peut exprimer par des mots en raison de son intensité ou de sa nature : Un ineffable bonheur, qui ne peut être exprimé par des paroles.

On dit souvent que la mort, l’amour ou le divin sont ineffables.

Dans la notion d’ineffable on retrouve la notion de langage, langage qui est l’un des déterminants de l’humanité.

C’est ce ce qui nous distingue des animaux, si l’on entend par langage un langage réfléchi derrière lequel se cache une pensée construite.

Le langage est différent de la langue, il y a une distinction importante à souligner, en effet le langage se repose sur un ensemble de signifiant et de signifié, nous permettant de transmettre à autrui nos pensées, de les exprimer et de poser des mots ou des signes sur ce que l’on ressent.

Il est réductible à une sorte d’outil doté d’une finalité : il permet de communiquer.

Mais possédons nous l’entière maîtrise de cet outil ? Le langage permet-il de tout exprimer ? pourquoi certains sujets sont ineffables et d’autres non ? Peut-on exprimer l’ineffable, quel est son statut ? L’ineffable reste-t-il à jamais ineffable ? Afin de nourrir cette réflexion nous verrons quels sont les limites du langage, les mots disent-t-ils l’essence des choses ? Ensuite nous verrons que l’ineffable est en réalité une illusion due à la pratique du langage et nous finirons par voir s’il est possible de tout exprimer. Le langage permet à l’homme de communiquer, c’est sur lui que repose les sociétés, sans langage l’homme serait resté à l’état de sauvage.

En effet il nous permet de nous faire comprendre, de nous exprimer, de communiquer et de vivre en société, il est naturel à l’homme et transmet un savoir, il fait connaître la vérité et c’est ainsi que Socrate usait du langage dans l’Antiquité.

Il est un héritage précieux qui permet de construire et enrichir sa pensée.

Mais le langage exprime-t-il l’essence des choses ? Puisque l’homme vit en lien avec ses besoins, il ne voit généralement que la part utile des choses, il se concentre sur l’aspect pratique de ce qui l’ entoure et non de l’aspect spirituel et personnel.

En effet comme Bergson le souligne dans la pensée et le mouvant : « L’individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu’il ne nous est pas matériellement utile de l’apercevoir.

» Il en va de même pour le langage, on s’arrête essentiellement sur le sens premier des mots, on n’en aperçoit que la surface sans explorer tous les sens de celui-ci.

Il devient général, impersonnel et il en perd de son individualité.

On colle à un mot une étiquette, commune et générale, on l’utilise naïvement sans en saisir sa profondeur et son authenticité.

Prenons l’exemple de la tristesse, « Je suis triste d’avoir eu une mauvaise note » dans sa définition, la tristesse renvoi à la souffrance, à la sensation d’ éprouver un malaise douloureux, alors en ce sens est ce que l’élève ayant reçu une mauvaise note ressens réellement de la tristesse ? Les hommes sont persuadés que leurs paroles signifient la réalité des choses alors qu’elles n’expriment que leurs idées, c’est l’usage que l’on fait des mots qui en définit le sens que l’on veut leur donner mais ce n’est pas leurs sens véritable.

En effet l’homme qui fait la langue n’exprime pas l’essence des choses mais désigne les relations des choses aux hommes. Il est aussi intéressant de rappeler qu’il existe pour un même mot, plusieurs interprétations différentes.

En effet il est capable d’éveiller des souvenirs et des images extrêmement diverses.

Chez un même individu, la même représentation n’est pas spécifiquement lié au même sens, car de nouvelles expériences, de nouveaux souvenirs ou de nouvelles émotions ne cessent d’enrichir et de renouveler le courant de conscience.

Afin d’appuyer ce propos, prenons l’exemple du mot « dictée » suggérant alors à l’écolier le souvenir déplaisant d’un devoir pénible et contraignant, tandis que ce mot chez l’adulte éveille la douce nostalgie de l’enfance.

Pourtant l’homme garde une perception des choses fermée et restreintes alors que les objets, comme l’humain et les perceptions qu’on s’en fait change constamment de manière inexplicable. On en déduit donc que le langage peut nous tromper, nous induire en erreur sur les sensations que l’on ressent, il peut être réducteur et enfermer le sens d’un mot dans un récipient.

Cela serait comme vouloir enfermer l’océan dans une petite bouteille d’eau.

Bergson l’évoque dans le chapitre III de son ouvrage Le Rire : « Non seulement le langage nous fait croire à l’invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur la nature de la sensation éprouvée […] le mot aux contours bien arrêtés qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.

» Le langage est réducteur et restreint nos sentiments, sentiments qui sont alors ineffable puisqu’ils sont en évolution permanente et que le langage ne permet pas de le saisir dans toute sa complexité. Mais ne serait-ce pas alors la pratique que l’on fait du langage qui amènerait à l’ineffable ? En effet c’est la manière d’utiliser le langage qui peut être porteur d’ineffable.

C’est bien la récurrence et l’utilisation abusive de certains mots qui en font perdre son sens amenant ainsi l’homme à ignorer et à ne pas savoir comment exprimer ses émotions.

Hegel rajouterait que l’ineffable n’existe pas puisqu’il n’y a pas de pensée sans langage, donc c’est bien par manque de vocabulaire que naît l’ineffable : la pensée véritable s’élabore avec des mots, sans langage la pensée est imprécise et flou, puisque c’est dans le mot que nous pensons.

Prenons l’exemple du novlangue dans 1984 de George Orwel à partir du moment où la société a supprimé du vocabulaire le mot « libre », le concept même de liberté individuelle ou de liberté politique a cessé d’exister, la liberté est alors devenu ineffable : « il n’y aura plus de mot pour le dire ». L’ignorance des mots, ou leurs appauvrissement mèneraient donc à l’ineffable.

Lorsque les mots nous manques, que l’on ne sait pas comment s’exprimer, comment dire ce que l’on ressent, cela ce traduirait par un manque de vocabulaire.

Posé des mots sur ce que l’on ressent permet de mieux se comprendre, en effet la parole donne de la clarté à nos pensées, si on y a pas réfléchi, notre pensée reste floue et incomplète.

C’est le principe même du journal personnel, poser sur papier avec l’aide du langage ce que l’on ressent.

Ce qui nous paraissait alors ineffable, s’éclaire et prend du sens.

Il en va de même pour les personnes qui consultent un psychologue.

Certains vont obtenir les réponses qu’ils n’ont jamais réussi à trouver ou a dire.

Puisque le psychologue va poser des mots, des notions et des concepts sur le patient, alors celui-ci se sentira soulagé, soulagé d’avoir enfin pu rendre exprimable ce qu’il n’avait jamais réussi à exprimer. Si l’on imagine que notre esprit est parsemé de petits bourgeons représentant nos sensations, et bien le langage réunirait à la fois l’eau et le soleil pour leur permettre de grandir et s’épanouir.

C’est ainsi que l’on se familiarise avec ce que l’on ressent au fond de nous. Pour cesser de rester à la surface de nos sensations, il faut bien user du langage et en comprendre son sens afin de ne pas sombrer dans la généralité.

C’est comme s’il existait un voile entre nous et notre conscience, plus opaque pour le commun des hommes et plus clair pour l’homme savant.

Benjamin Lee Whorf dans science et linguistique évoque l’idée que : « Le monde se présente à nous comme un flux kaléidoscopique d’impressions que notre esprit doit.... »

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