Peut-on exprimer ce dont on n'a pas conscience ?
Publié le 11/02/2019
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Balzac, lorsqu’il conçoit l’ensemble de sa Comédie humaine, a bien l’intention, consciente et volontaire, d'y dresser le tableau exhaustif de la société de son époque. Or, on a pu montrer que l'ensemble écrit ne remplit pas ce projet (il oublie notamment de faire figurer l’apparition de la classe ouvrière...), mais que Balzac décrit par contre avec minutie la circulation de l'argent dans la société. Ce n’est d’ailleurs qu'une de ses lectures possibles, et, si la Comédie humaine reste lisible à travers les générations successives, c’est en fait parce que chacune peut y découvrir des significations correspondant à ses propres préoccupations. Les « grands textes » de la littérature sont tous dans cette situation : dans le théâtre de Racine, on peut découvrir de la lutte des classes (lecture de Lucien Gold-mann) aussi bien que des éléments relevant d’une approche psychanalytique : Racine n’a évidemment pas pu placer de tels éléments consciemment dans ses pièces, et cela signifie donc bien que l’expression y déborde largement sa conscience d’écrivain. Au sens strict, il faut d’ailleurs reconnaître qu'il est pratiquement impossible de savoir précisément quelles étaient les intentions conscientes de Racine, de Balzac, ou de quelque autre écrivain « classique », lorsqu’il rédigeait ses textes. Il se trouve que l’inconscient de l'auteur a aussi agi dans cette rédaction, ce qui a eu pour conséquence que son écriture « exprime » beaucoup plus de choses qu'il ne pouvait le vouloir consciemment.

«
CORRIGÉ
[Introduction] Lorsque je parle, il semble normal que je prétende maîtriser ce que je
dis, et les effets que ce que je dis peut provoquer chez mon interlocuteur.
Cependant, il arrive fréquemment que je sois surpr is par les réactions de
ce dernier.
qui semble saisir autre chose que ce que j'avais l'intention de
signifier.
Mon expression peut-elle donc me trahir ? Qu'est-ce qui, en elle,
échappe à mon contrôle? Une telle échappée semble révéler que j'ex
prime plus, ou autre chose que ce dont j'ai conscience.
Il est alors impor
tant de repérer ce qui, de la sorte, m'interdit d'avoir le contrôle complet
de mon expression, ce qu i revient à s'interroger sur les différences qui
peuvent exister entre ce que je voulais (ou ne voulais pas) exprimer et ce
que perçoit l'autre, qu'il soit auditeur, interlocuteur, ou, peut-être, simple
spectateur.
(1.
Interventions de l'inconscient]
La présence humaine est dotée d'expression avant même l'intervention
du langage : mimiques, gestes, attitudes, révèlent des affects, des inten
tions.
Si celui que je prends pour un ami m'aborde avec une mine renfro
gnée, j'ai tendance à en déduire, soit qu'il a quelque souci, soit que son
amitié n'est peut-être pas aussi prononcée que je le pensais ...
Cela sup
pose toutefois que je pense que son expression faciale est volontaire.
Or,
tel n'est sans doute pas toujours le cas : un regard fuyant venant contre
dire un discours fait douter de la sincérité de ce dernier, mais il est diffi
cile de croire qu'il a été voulu.
C'est donc que l'hypoc1ite s'est trahi sans
le vouloir et sans le savoir : il a exprimé autre chose que ce dont il avait
l'intention; contrôlant son discours, il n'a pu contrôler ses mouvements
oculaires, et ces derniers sont expressifs en dépit de la conscience qu'il
veut avoir de la situation.
La théorie freudienne a repéré de très nombreuses situations dans les
quelles circule en quelque sorte un double sens : l'un, «manifeste»,
concerne la conscience et sa prétendue maîtrise; l'autre, «latent», révèle
tout autre chose, dû à la présence, dans le sujet, de pulsions, de désirs qui
renvoient à son inconscient.
Ainsi, selon Freud, quelque chose peut s'ex
primer, qui concerne mon intériorité la plus profonde (et la plus igno rée
de moi-même), à travers mes gestes, mes postures, mes tics, mes habi
tudes : pendant que je parle, pendant donc que je crois être maître de ce
que j'expr im e, mon corps tient un autre discours, mais muet- et ce dis
cours s'offre à l'interprétation de celui qui me fait face.
C'est bien entendu lorsque l'expression s'effectue alors même que la.
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