Peut on être maître de soi ?
Publié le 14/01/2024
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Dissertation de philosophie d'entraînement
L'interrogation fondamentale qui traverse les siècles et anime la réflexion
philosophique, c'est celle de la maîtrise de soi.
"Peut-on être maître de soi ?"
Cette question, en apparence simple, plonge au cœur des préoccupations
existentielles de l'humanité.
Elle soulève des enjeux profonds liés à la nature
de l'individu et à sa relation avec son propre être.
Le concept de "maître de soi" revêt toutefois une dualité sémantique
fascinante, renvoyant à deux sens distincts du terme "maître" en latin, à savoir
"Dominus" et "Magister".
D'un côté, "Dominus" évoque la notion de domination,
de pouvoir sur soi, suggérant la capacité de l'individu à exercer un contrôle
absolu sur ses désirs, ses impulsions et ses choix.
De l'autre, “Magister”
souligne la dimension éducative, formative et réflexive de la maîtrise de soi,
mettant en avant le rôle de la connaissance, de la culture et de la raison dans
la gouvernance de ses propres actes.
Cette double acception du terme
"maître" invite à une réflexion approfondie sur la nature de la maîtrise de soi et
sur les conditions qui la rendent possible.
Par ailleurs, le mot soi signifie ici l’ensemble de mes sentiments, de mes
actions.
Donc, d’après le sens sémantique de cette phrase, être maître de soi, “se
maîtriser” signifierait donc commander mes actions et mes sentiments.
Mais dans la réalité, le concept de maîtrise de soi est beaucoup plus
complexe.
Mais, peut on donc réellement prétendre être maître de soi-même ? Les
réflexions de plusieurs philosophes vont nous aider pour aborder cette
question.
1 : Oui on est toujours maître de soi
Pour certains philosophes, la maîtrise de soi est une réalité à laquelle
l'individu peut prétendre.
Selon eux, l’Homme se considère libre de ses actes,
libre de choisir les actions qu’il fait.
Il choisit même quelles actions lui sont
forcées ou non, et utilise ce choix à son avantage, si son action est bonne,
l’Homme se vantera, et si elle est mauvaise, il se plaindra de ne pas avoir été
libre, d’avoir été contraint, de faire cette action afin de ne pas paraître mauvais
aux yeux des autres.
Dans la Grèce antique, Socrate et Platon, son disciple, se basent sur un
principe, ils pensaient que que l'âme est intemporelle.
L'âme aurait donc une
durée infinie, et prend la forme d’un corps pendant une durée appelée par les
Hommes, “la vie”.
Pendant ce temps, l’âme s’exprime de manière libre dans ce
corps.
Et quand ce corps meurt, l’âme se libère et continue son existence dans
l’au-delà.
Le dialogue entre Socrate et Calliclès, tel que rapporté par Platon dans
Gorgias, nous offre un point de départ intéressant, ces deux philosophes
expriment leurs avis divergents sur la manière de juger un criminel, l’un,
Calliclès pense que le criminel doit être mis à mort, il cherche surtout à punir
le corps du criminel, alors que Socrate, lui, préfère le laisser en vie afin de
laisser l’âme du criminel faire ce qu’elle veut pour qu’à la mort du corps, elle
soit jugée dans sa totalité et correctement.
Socrate, à travers ses interrogations et ses pensées, met en lumière l'idée que
la véritable maîtrise de soi ne se réduit pas à la simple satisfaction de ses
désirs impulsifs.
Au contraire, elle nécessite une connaissance de soi
profonde, une introspection et une compréhension de ses désirs et de leurs
conséquences.
Dans ce sens, Socrate affirme que la maîtrise de soi est une
forme d'excellence morale, une capacité à diriger ses actions en fonction de
principes éthiques et rationnels, au-delà des désirs immédiats.
Ainsi, il
suggère que l'homme peut devenir maître de lui-même en cultivant la vertu et
la sagesse.
Dans "La République", Platon développe une vision similaire de la maîtrise de
soi.
Il décrit l'âme humaine comme composée de trois parties : le désir, la
volonté et la raison.
Pour atteindre la maîtrise de soi, il est nécessaire de
soumettre les désirs aux directives de la raison.
Cela implique un processus
d'éducation et de formation de l'âme, où la philosophie joue un rôle crucial.
L'individu peut ainsi devenir maître de lui-même en cultivant la rationalité et en
s'engageant dans un travail intellectuel et moral constant.
Dans cette perspective, la maîtrise de soi peut être interprétée comme un
processus d'autonomie morale, d'auto-éducation et de développement de la
vertu.
L'individu peut s'efforcer de devenir "Dominus" de lui-même en utilisant
sa raison pour diriger ses actes, contrôler ses désirs et surmonter les
émotions perturbatrices.
Les Stoïciens eux, représentés par Sénèque et Marc-Aurèle, approfondissent
cette vision de la maîtrise de soi en mettant l'accent sur la capacité de
l'individu à surmonter les émotions et les passions.
Sénèque, par exemple, insiste sur la nécessité de la "philosophie de vie", où la
sagesse et la réflexion sont des outils pour exercer un contrôle sur ses
émotions, ses impulsions et ses réactions aux événements extérieurs.
Marc-
Aurèle, dans "Pensées pour moi-même," encourage une attitude stoïcienne
face aux adversités de la vie, invitant à l'acceptation des circonstances et au
développement d'une volonté inébranlable.
Selon lui, nous sommes maîtres de
l’interprétation que l’on donne aux actions qui nous atteignent, on ne peut pas
contrôler ce qu’on ressent, on ne peut pas non plus contrôler nos actions ni
celles des autres.
Mais cette maîtrise de l’impact de nos pensées sur nos
actions serait donc l’interprétation de Marc-Aurèle de la maîtrise de soi.
2 : Pourtant, la maîtrise de soi comporte des défis
Si l'idée d'être maître de soi-même peut sembler séduisante, elle se
heurte inévitablement à des défis profonds, des entraves qui mettent en doute
la possibilité d'une maîtrise absolue, au sens de "Dominus".
C’est ce que
pensent les philosophes plus modernes.
Descartes, dans son ouvrage "Les Passions de l'âme", offre une analyse
approfondie des émotions et des passions qui gouvernent le comportement
humain.
Pour Descartes, il existe 6 passions principales, et des passions
particulières, les passions principales sont l’admiration, la haine, la joie, le
désir, la tristesse, et l’amour.
Les passions particulières sont elles une
combinaison des 6 passions précédentes.
Et les passions sont souvent
incontrôlables, surgissant de l'âme sans que la volonté puisse les réfréner
totalement.
Cette conception des passions remet en question l'idée d'une
maîtrise totale de soi, puisqu'elles semblent nous dominer malgré nos efforts
pour les contrôler.
Spinoza, de son côté, dans L'Éthique 2, explique dans la propositions 11 que
“Le premier fondement de l’être de l’âme humaine n’est autre chose que l’idée
d’une chose singulière et qui existe en acte.” Donc selon Spinoza, l’âme pense,
et cette pensée n’existe que grâce à l’existence d’une pensée passée qui elle
même découle d’une autre pensée, comme à la manière de la pensée
Spinoziste de l’action, une action découle d’une infinité d’action extérieures et
intérieures qui sont passées.
Mais on remarque donc un problème dans cette proposition, une action ne
peut pas être libre car elle a été influencée par l’action antérieure, tout comme
la pensée…
Donc l’Homme n’aurait donc aucune pensée libre et aucune action libre, ce qui
rend impossible le concept de maîtrise de soi, car comment maîtriser,
contrôler une action ou une pensée qui n’est pas libre.
Spinoza avance aussi que la maîtrise de soi ne consiste pas à réprimer les
passions, mais à les comprendre et à les intégrer rationnellement dans notre
vie.
Selon lui, la véritable maîtrise de soi réside dans la connaissance de soi et la
compréhension de nos désirs et émotions.
Il écrit : "L'homme qui se connaît,
sait ce qu'il peut, et par suite il sait ce qu'il veut."
Ainsi, la maîtrise de soi devient un processus d'autonomie et de
compréhension plutôt qu'un simple contrôle des pulsions.
Néanmoins, même en adoptant cette approche spinoziste, il est difficile de
prétendre que la maîtrise de soi est sans limites.
Les pulsions, les désirs, et
les émotions sont extrêmement puissants et complexes, et il arrive qu’ils
échappent à notre compréhension et à notre contrôle ce qui rend la maîtrise
de soi complexe.
Freud, lui,....
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