Peut-on donner à la recherche du bonheur une signification morale ?
Publié le 27/02/2008
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Les dix commandements s'imposent à nous comme des règles respectables. Mais se conformer aux règles morales, est-ce agir en vue du « Bien « ou de son "bien"? Autrement dit, « Peut-on donner à la recherche du bonheur une signification morale ? «
Faire de la morale le moyen le plus approprié pour atteindre le bonheur, c’est définir la morale comme un ensemble de règles au service de son bien propre. Dès lors, une sagesse pratique qui entend concilier vertu et bonheur devra se soumettre aux exigences du groupe qu’elle régule. A contrario, si la morale repose sur des principes universels, des impératifs valant pour tous et non sur des règles relatives à un sujet, se pose alors le problème des définitions du bien et du mal ? Ces valeurs ne sont-elles que des relatifs face auxquelles le bonheur serait un absolu. En effet, rechercher son bonheur n'est-ce pas faire prévaloir indument son intérêt propre sur le Bien commun ? Toute recherche du bonheur n'est-elle pas en son fond même immorale ?
«
B.
Le problème est alors de savoir quelle est l'instance légitime pour établir ces jugements de valeurAgir moralement — et donc librement — en vue du bien, implique que l'on sache ce qu'est le bien.
Or si le bien estcommandé par un ordre social, qu'est-ce qui peut garantir la légitimité d'un tel jugement de valeur? Quelle estfinalement la valeur de ces valeurs?Pourquoi telle action serait-elle un bien dans une certaine communauté et un mal dans une autre? Pourquoi parexemple, des sacrifices humains seraient-ils considérés comme un bien par certaines communautés religieuses à uneépoque donnée, et un mal par d'autres ? Comment savoir où est le bien et où est le mal ? C.
La morale peut devenir un instrument de dominationLes valeurs de bien et de mal sont, selon Nietzsche, inventées par la classe sociale dominante afin d'opprimer laclasse dominée.
En particulier, l'autorité religieuse insuffle un sentiment de culpabilité en attribuant à l'homme unlibre-arbitre.
L'homme est alors responsable de ses actes et à ce titre, il est l'auteur des maux qui l'oppriment.La responsabilisation de l'homme permet, d'après Nietzsche dans Le Crépuscule des Idoles , de l'aliéner pour le punir et d'exercer sur lui un pouvoir.
C'est donc par une cause psychologique — l'instinct cruel de punir — que cet auteurexplique l'origine de ses valeurs.
Elles seraient inventées pour appuyer la fausse légitimité de ceux qui prétendentporter un jugement moral.
Par exemple, même l'altruisme ne serait motivé que par un sentiment de haine de soipropre à celui qui se sent inférieur: le ressentiment.
[Conclusion et transition]Par conséquent, si la morale permet de juger du bien et du mal des actions humaines, elle peut se transformer encondamnation illégitime lorsque la connaissance de ses valeurs s'érige en dogme, sous l'apparence d'un juge mentobjectif.
Elle peut devenir alors l'instrument d'une domination et donc s'opposer au bonheur même des hommes.
Maissi la morale ne conduit pas nécessairement au bien, dans quelle mesure peut-on parler de « bon » comportement? III.
La morale n'est pas ce qui vise le bien mais ce qui commande l'action bonne, en ce sens, elle neconduit pas au bonheur mais en rend digne (Kant)Si le principe d'une action morale est le bien, il n'en résulte pas nécessaire ment du bonheur.
En quoi une actionpeut-elle être qualifiée de bonne ? A.
Une action n'est morale que si elle est désintéresséeUne même action peut être qualifiée de morale ou d'immorale.
Par exemple, le marchand qui rend la monnaie enrestituant un trop perçu le fera par honnêteté s'il estime que c'est son devoir moral, mais il pourra également le fairepar intérêt vis-à-vis de sa clientèle qu'il ne veut pas perdre.
Il agit donc selon Kant, dans le premier cas par devoir»et seulement en « conformité avec le devoir » dans le second.Dans les deux cas, l'action du marchand est la même mais ce qui rend l'action morale réside dans l'intentiondésintéressée du marchand.
Le bien n'est alors pas ce qui est visé, c'est-à-dire son intérêt, mais ce qui lecommande, c'est-à-dire son devoir.
B.
La morale est alors une théorie de l'obligation qui s'énonce sous forme d'impératif catégorique dont larationalité fonde la légitimitéL'action n'est morale que dans la mesure où elle est issue d'une volonté absolument bonne.
Il s'agit d'une volonté quin'est qu'obéissance aux lois que la raison lui dicte, sans qu'aucune inclination sensible et intéressée n'y soit mêlée:elle est celle d'une volonté absolument autonome.Ce qui fonde la légitimité de la loi morale est justement son origine rationnelle: elle ne peut que répondre à desexigences d'universalité.
La loi morale s'énonce alors sous forme d'impératif catégorique : il faut se conduire de tellesorte que je puisse vouloir que ma maxime devienne une loi universelle ».
Universalisée, mon action ne risque pas derépondre à des motifs subjectifs d'intérêt ou de satisfaction.
Son objectivité est ainsi garantie.
C.
La morale ainsi ne se présente plus comme la garantie du bonheur mais ce qui en rend digneKant sort ainsi du problème d'une non-coïncidence entre la vertu et le bonheur en montrant que le bien n'est pas ceque vise l'action morale mais au contraire, ce qui la commande.
L'idée d'une justice divine prend alors la forme nonpas d'une réalité mais d'un idéal régulateur de l'action morale.
La religion, qui pour Nietzsche aurait inventé la moralepour asseoir son pou voir, se trouve ici au contraire une aide précieuse, la force pour surmonter ses instincts, sesdésirs qui peuvent être en contradiction avec la volonté.
Les idées de salut ou de paradis par exemple permettentde donner à l'homme l'espoir de concilier bonheur et vertu.Ainsi la morale, en tant que théorie de l'obligation, n'est pas l'art de trouver le bonheur mais ce qui en rend digne.
ConclusionSi on définit la morale comme l'art d'être heureux, alors l'ensemble des règles d'une bonne action permettentd'atteindre le bonheur, notamment, celui qui s'inscrit dans une harmonie sociale.
Cependant, ce bonheur resteattaché aux traditions ou aux moeurs issues de la société auxquels il se réfère.
À ce titre, la morale n'a pas devaleur universelle et peut devenir l'instrument d'une domination.
En ce sens, elle s'oppose au bonheur des plusfaibles.Seule la morale, définie comme théorie de l'obligation, permet d'établir le bien comme un principe universel, unevaleur morale légitime.
Mais alors ce bien ne sera plus le bonheur que je construit mais ce qui me construit en mecommandant : il n'y a nulle garantie d'atteindre le bonheur mais la possibilité de s'en rendre digne.Le bien en tant que valeur est en effet une exigence et non un objet que l'on pourrait posséder..
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