PEUT-ON DISTINGUER EN L'HOMME LA NATURE ET LA CULTURE ?
Publié le 28/03/2004
Extrait du document
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CETTE OPPOSITION EST-ELLE SI SIMPLE ?
Il serait naïf de croire que nous pourrions retrouver la Nature lorsque nous nous promenons dans les bois ou à lacampagne.
Cette nature que nous parcourons a été transformée par la volonté des hommes, des coutumes, destraditions, depuis au moins le Néolithique.
Les sols sont labourés par l'agriculture, les forêts replantées ouentretenues, l'ordre et la structure des champs, des prés, des bois sont l'expression d'une volonté humaine.
Lescampagnes d'Auvergne, de Bourgogne ou de Normandie sont modelées par des cultures différentes.
Il n'y a plus de «petits coins de nature », sauf peut-être pour les publicitaires en manque d'images (culturelles), ou pour certainsvacanciers en manque (culturel) d'authenticité.
L'homme fait-il exception ? Peut-on retrouver en lui un ensemble dedonnées naturelles, vierges de toutes déformations culturelles ? Le naturel renvoie à l'inné, le culturel, à l'acquis.L'inné (du latin in natus, né dans) est constitué par l'ensemble des aptitudes que l'homme possède en naissant.L'acquis recouvre tous les savoirs et les compétences transmis par l'éducation.
L'inné est du côté de la nature(l'hérédité), il se retrouve chez tous les hommes, il est de l'ordre de l'universel ; l'acquis du côté de la culture (lasociété), il est de l'ordre du particulier.
Pourtant dans les faits, il est difficile de déterminer précisément les partsrespectives de l'inné et de l'acquis dans un comportement humain.
Dès notre naissance, la société nous éduque.Nous apprenons à parler, à nous tenir à table, à nous repérer dans l'espace privé (cuisine, salle à manger, salle debains...) et dans l'espace public (école, mairie, église...), à nous situer dans le temps (calendrier, emploi du temps,fêtes...), nous apprenons des gestes, des actes, des attitudes (saluer, travailler, nous habiller, manger...).
Cetteassimilation, commencée dès la naissance, n'est ni vraiment volontaire, ni vraiment consciente.
Souvent la culturese fait «seconde nature».
Nous croyons avoir naturellement besoin de manger vers midi, alors qu'il s'agit d'unehabitude sociale.
Le résultat, c'est l'habitude, la coutume, la fausse évidence de certaines manières d'être qui noussemblent tout à fait « naturelles » parce que nous n'en avons pas connu d'autres.
Aussi faut-il prendre garde à nepas confondre le spontané et le naturel.
UNE EXIGENCE ET UN PROBLÈME : LA NOTION DE NATURE HUMAINE
Le mot nature ne désigne pas seulement e monde physique.
Il renvoie également à l'ensemble des caractères quipermettent de définir une chose ou un phénomène.
En ce sens, il est synonyme d'essence : ce qui caractérise laréalité profonde et immuable d'un être.
Ainsi une montre, par définition ou par essence, est un cadran qui indiquel'heure.
Il existe une multitude de montres singulières, mais elles ont toutes cette propriété commune de donnerl'heure.
De la même façon, on parlera de «nature humaine» chaque fois qu'on prétendra désigner les caractèresfondamentaux de tous les hommes, sans exception, sans distinction de cultures, races, d'époques.
Mais ce que l'onpeut faire pour une montre, peut-on le faire pour un homme ? Peut-on le cerner dans une essence ? L'extrêmediversité des modes de vie, des croyances et des apparences physiques sont telles que les hommes semblent n'avoir- en en commun.
Comment, dans ces conditions, parler encore d'une essence universelle de l'homme ?Ici, la reconnaissance du relativisme (à chaque peuple, ses «évidences») peut sembler salutaire : n'érigeons pas nosréactions spontanées en valeurs universelles.
Pourtant, le relativisme comporte de réels dangers.
Sous prétexte desdifférences observées, n'est-il pas arrivé que l'on refuse le statut d'homme à des êtres humains ? Ainsi, on aprétendu que les Indiens d'Amérique n'avaient pas d'âme, ce qui autorisait à les utiliser comme esclaves.
D'un autrecôté, certaines pratiques culturelles (l'esclavage, l'inégalité de l'homme et de la femme, la pratique de l'excision surles jeunes filles...) ne sont-elles pas condamnables au nom de valeurs universelles qui imposent le respect de lapersonne humaine ? Peut-être y a-t-il une manière légitime de nier l'idée de nature humaine.
On peut refuser cetteidée au nom de la liberté humaine.
En effet, à supposer que la nature soit l'origine de l'homme (les gènes, l'hérédité),peut-on admettre qu'elle lui dicte ses choix en matière d'habillement, de métier, de résidence, de goûts ou deplaisirs ? Le patrimoine génétique humain ne détermine aucun homme à parler une langue ou à adopter un mode devie plutôt qu'un autre.
L'homme ne naît pas achevé; il n'est pas dès la naissance tout ce qu'il doit être : c'est unêtre en devenir.
On ne naît pas Français ou Persan, cadre ou ouvrier, ni même à proprement parler homme oufemme, on le devient.
Définir l'homme à partir d'une nature ou d'une essence, n'est-ce pas oublier que ce qu'il y ad'humain en nous, c'est précisément que nous avons à nous construire dans une histoire ?.
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