Peut-on dire que "tout travail travaille à faire un homme en même temps qu'une chose" ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
* L'énoncé demande de mettre en évidence la double fonction du travail. Nous avons à nous interroger sur la première partie de l'énoncé : « tout travail travaille à faire un homme. «
* Que devons-nous entendre ici par « faire un homme «.
* Le travail est de part en part une activité naturelle : « L'ouvrier ne peut rien créer sans la nature, sans le monde extérieur sensible. Elle est la matière dans laquelle son travail se réalise, au sein de laquelle il s'exerce, à partir de laquelle et au moyen de laquelle il produit. « Marx.
La conception attribuée à la notion de travail a souvent varié au cours de l'Histoire et se distingue d'une civilisation à une autre. Dans le judaïsme, le fruit du travail témoigne de l'homme, de sa persistance à combattre une terre souvent ingrate, tandis que dans les pays occidentaux du XXe siècle, la civilisation du loisir confère au travail une valeur négative. Celui-ci y est nécessairement astreignant. Il est clair que la notion de travail oscille entre ces deux tendances sur lesquelles il sera bon de s'attarder et de se demander si elles peuvent se concilier. Mais si conciliation il y a, est-ce vrai pour toute forme de travail ? Nous nous interrogerons alors sur les dangers que peut prendre la conception de cette activité et si elle, selon les termes de Mounier, travaille à faire un homme en même temps qu'une chose ?
«
• En plus des références indiquées voir : particulièrement Leroi Gourhan.
Le geste et la parole (Albin Michel).• Kojine : Introduction à la lecture de Hegel (Gallimard).
C'est une banalité d'observer que la conception du travail a souvent varié au cours de l'histoire et d'unecivilisation à l'autre.
Cependant, à travers ces variations, on retrouve toujours dans la notion de travail uneambiguïté ou une ambivalence fondamentale: le travail est en effet perçu tout à la fois comme quelque chose depositif ou de négatif.
Dans le judaïsme.
par exemple.
le travail témoigne de la grandeur de l'homme, de son effortconstant à combattre et à maîtriser une terre.
une nature souvent ingrate : par le travail, l'homme se fait créateurcomme le Dieu dont il est l'image; mais simultanément le travail est une malédiction divine.
un châtiment de ladésobéissance humaine.
De même, dans les sociétés occidentales contemporaines, le développement d'unecivilisation des loisirs marque un désir de se libérer du fardeau du travail, et pourtant celui-ci reste prôné comme unevaleur essentielle.
On comprend certes aisément la valeur négative du travail: le travail réclame un effort, il est unepeine que la nécessité d'assurer sa subsistance impose à l'homme.
Mais d'où vient qu'il reste une valeur positivealors même que les apports de la technologie permettent d'envisager que dans un proche avenir l'homme ne seraplus contraint de travailler ? Ne serait-ce pas parce qu'en réalité tout travail travaille à faire un homme en mêmetemps qu'une chose ?
La fonction première du travail est de répondre aux besoins matériels vitaux que ressentent les hommes: besoinde nourriture, de vêtements, d'abris, etc.
Le travail travaille donc à faire des «choses» susceptibles de satisfaireces besoins.
Mais la production de ces biens conduit à instaurer entre les hommes d'une part une coopération etune collaboration et d'autre part des échanges.
En effet, et Rousseau l'a bien observé, face à leurs multiples besoins et à leurs désirs croissants, les individus durent s'organiser en sociétéoù chacun s'attacha à une tâche particulière, où chacun trouva sa fonctionpropre.
Cette division du travail entraîne l'échange des biens produits, d'abordsous forme de troc, puis par la médiation de la monnaie.
Le travail apparaîtdonc comme ce qui lie les hommes, créant entre eux une interdépendance.Mais en permettant l'établissement de ces relations originales, qui ne sontautre chose que des relations sociales, le travail travaille à faire des hommesdans la mesure où l'homme n'est réellement homme qu'à l'intérieur d'unesociété.
L'homme se socialise dans le travail, et un homme non socialisé nepeut être que non humanisé.
On peut en outre considérer que le travail est,en dehors même de sa fonction socialisante.
un acte spécifiquement humainet donc qu'à travers lui chaque homme réalise son « humanité ».
Commel'écrivait Marx, l'homme joue en effet le rôle d'une « puissance naturelle » àl'égard de la nature.
Entendons par là qu'il se dresse contre cette nature, qu'ils'oppose à elle en refusant d'accepter simplement le donné naturel et ens'efforçant de modifier son milieu, que ce soit en défrichant les forêts, encultivant la terre, en faisant fondre les métaux, etc.
Ce processus detransformation de la réalité naturelle et de création d'une réalité nouvelle, «artificielle », cette « humanisation » de son entourage, n'est autre chose quele travail.
On objectera peut-être que certains animaux tels l'abeille, lecastor, etc., travaillent et modifient également la nature, et donc que letravail n'est pas spécifiquement humain.
En fait, ainsi que l'a souligné Marx, letravail humain se distingue profondément de l'activité animale en ce sens que l'homme sait, contrairement à l'animal,avant d'entreprendre son travail, quel sera le résultat final de ce dernier, ou du moins il se le représente idéalement.De plus.
l'activité animale est stéréotypée, elle est orientée vers la production d'un objet qui est toujours le même,et relève de l'instinct.
En revanche, le travail humain n'a pas d'objet prédéterminé et il exige la compréhension deslois de la nature, de la matière qu'il doit maîtriser.
Par conséquent, il exige de l'intelligence.
Le travail travaillera ainsià développer la conscience et l'intelligence humaines, mais aussi d'autres facultés comme la volonté ou l'attention.Dans le travail l'homme s'investit donc tout entier, dans le travail il se réalise en tant qu'homme.L'oeuvre accomplie témoigne de l'homme qui l'a façonnée.
Elle objective son essence, pour user de la terminologiehégélienne, mais aussi elle réagit sur lui : le travailleur n'est plus le même après son travail, puisqu'il s'y estobjectivé.
Ainsi le travail travaille-t-il bien à faire un homme.Mais ceci est-il vrai de tout travail ? Peut-on dire que tout travail fasse appel à l'ensemble de ces facultés quicaractérisent l'homme et les développe? Peut-on soutenir que l'homme se réalise, s'objective réellement dansn'importe quelle sorte de travail ..
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