Peut-on dire de la connaissance scientifique qu'elle est désintéressée ?
Publié le 18/01/2004
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Est-ce plus qu'un intérêt utilitaire ? Est-ce simplement la prudence qui recommande de ne pas tuer la poule aux oeufs d'or ou de ne pas scier la branche sur laquelle on est assis ? Mais le « on « qui y est assis et qui tombe peut-être dans l'abîme sans fond : qui est-ce ? Et quel est mon intérêt à ce qu'il soit assis ou qu'il tombe ?HusserlIl n'a pas toujours été vrai que la science comprenne son exigence de vérité rigoureusement fondée au sens de cette objectivité qui domine méthodologiquement nos sciences positives et qui, déployant son action largement au-delà d'elles, procure à un positivisme philosophique, un positivisme en tant que vision du monde, sa ressource et les moyens de s'étendre partout. Il n'a pas toujours été vrai que les questions spécifiquement humaines se voient bannies du domaine de la science et que la relation intrinsèque qu'elles entretiennent avec toutes les sciences, y compris celles dans lesquelles ce n'est pas l'homme qui fournit le thème (par exemple les sciences de la nature), ait été placée en dehors de toute considération. Tant que les choses ne se passèrent pas ainsi, la science put revendiquer une signification pour cette humanité européenne qui depuis la Renaissance se donne une forme entièrement nouvelle, et même, comme nous le savons, elle put revendiquer la direction de cette entreprise. [...] Le concept positiviste de la science à notre époque est par conséquent, historiquement considéré, un concept résiduel. Il a laissé tomber toutes les questions que l'on avait incluses dans le concept de métaphysique, entendu tantôt de façon plus stricte tantôt de façon plus large, et parmi elles toutes ces questions que l'on appelle avec assez d'obscurité les questions "ultimes et les plus hautes".
La recherche de l’intérêt et la connaissance scientifique seraient-ils si liés pour que nous en arrivions à nous poser cette question ? Habituellement, pourtant (au moins depuis Thalès et sa chute dans le puits) nous ne considérons pas les savants comme des personnes qui se soucient particulièrement de l’intérêt qu’ils peuvent tirer de leurs connaissances. Ou du moins, nous faut-il revenir sur la notion d’intérêt. Celle-ci peut se référer à l’utilité. Se soucier de l’utilité comme d’un critère primordial consisterait alors à se demander comment utiliser la connaissance scientifique avant même de l’établir. A l’inverse, une connaissance dans le seul intérêt de connaître serait plutôt désintéressée, ou n’aurait comme intérêt que de connaître pour connaître. Il est alors primordial de se demander dans quelle mesure la science peut-elle avoir un rapport à l’utile ? Si ce n’est pas le cas dans la considération de ses objets, peut-être en est-il autrement dans l’application des connaissances auxquelles elle nous donne accès.
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moyens de s'étendre partout.
Il n'a pas toujours été vrai que les questions spécifiquement humaines se voientbannies du domaine de la science et que la relation intrinsèque qu'elles entretiennent avec toutes les sciences, ycompris celles dans lesquelles ce n'est pas l'homme qui fournit le thème (par exemple les sciences de la nature), aitété placée en dehors de toute considération.
Tant que les choses ne se passèrent pas ainsi, la science putrevendiquer une signification pour cette humanité européenne qui depuis la Renaissance se donne une formeentièrement nouvelle, et même, comme nous le savons, elle put revendiquer la direction de cette entreprise.
[...] Leconcept positiviste de la science à notre époque est par conséquent, historiquement considéré, un conceptrésiduel.
Il a laissé tomber toutes les questions que l'on avait incluses dans le concept de métaphysique, entendutantôt de façon plus stricte tantôt de façon plus large, et parmi elles toutes ces questions que l'on appelle avecassez d'obscurité les questions "ultimes et les plus hautes".
Considérées de plus près, ces questions et toutes cellesque le positivisme a exclues, possèdent leur unité en ceci, qu'elles contiennent soit implicitement soit explicitementdans leur sens les problèmes de la raison, de la raison dans toutes ses figures particulières.
C'est la raison en effetqui fournit expressément leur thème aux disciplines de la connaissance (c'est-à-dire de la connaissance vraie etauthentique : de la connaissance rationnelle), à une axiologie vraie et authentique (les véritables valeurs en tantque valeurs de la raison), au comportement éthique (le bien-agir véritable, c'est-à-dire l'agir à partir de la raisonpratique).
Dans tout ceci la raison est un titre pour des idées et des idéaux "absolus" ; "éternels", "supra-temporels"; "inconditionnellement valables".
Husserl
Introduction: La recherche de l'intérêt et la connaissance scientifique seraient-ils si liés pour que nous en arrivions à nous poser cette question ? Habituellement, pourtant (au moins depuis Thalès et sa chute dans le puits) nous neconsidérons pas les savants comme des personnes qui se soucient particulièrement de l'intérêt qu'ils peuvent tirerde leurs connaissances.
Ou du moins, nous faut-il revenir sur la notion d'intérêt.
Celle-ci peut se référer à l'utilité.Se soucier de l'utilité comme d'un critère primordial consisterait alors à se demander comment utiliser laconnaissance scientifique avant même de l'établir.
A l'inverse, une connaissance dans le seul intérêt de connaîtreserait plutôt désintéressée, ou n'aurait comme intérêt que de connaître pour connaître.
Il est alors primordial de sedemander dans quelle mesure la science peut-elle avoir un rapport à l'utile ? Si ce n'est pas le cas dans laconsidération de ses objets, peut-être en est-il autrement dans l'application des connaissances auxquelles elle nousdonne accès.
I/ La connaissance n'a d'autre but que de connaître.
Comment caractériser la connaissance scientifique ? En cherchant à connaître le réel et à distinguer le vraides apparences, il semble qu'elle doive aller à l'encontre de la valeur que nous accordons le plus souvent à sesobjets d'étude.
Ainsi consiste-t-elle d'abord et avant tout en un détachement de la compréhension commune etrépandue.
Or, cette compréhension commune que nous avons des objets qui nous entourent n'est-elle pas avanttout une compréhension intéressée ? En effet, la façon commune dont nous considérons une pierre, une rivière, unmarteau, un arbre…est toujours dans un rapport d'utilité.
Comment puis-je utiliser cette pierre, cet arbre…pour unequelconque intention ou un projet.
Heidegger a d'ailleurs rétabli cette compréhension première en redéfinissantl'homme comme « être-au-monde ».
Il entend par là que l'homme n'est pas une substance isolable du monde quil'entoure et que sa première approche, sa première compréhension, des objets qui l'entourent se rapporte d'abord àlui-même et à l'utilité que ces choses peuvent avoir pour lui.
A l'inverse, la science cherche à atteindre l'objet qu'elleconçoit de façon détachée de tout intérêt de la sorte.
Ce qui lui importe est de trouver les lois qui expliquent cequ'il y a d'observable, dans le seul intérêt de connaître son objet.
Le rapport à l'utile est donc ici aboli : la science.
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