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Peut-on dire à propos de l'art: c'est beau mais cela ne me plait pas ?

Publié le 06/01/2005

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, § 9). Le jugement: "c'est beau" prétend à l'universalité. En effet, le jugement qui déclare une chose agréable est subjectif, relatif à la personnalité de chacun. J'admets fort bien que le goût des sens puisse varier d'une personne à l'autre. Pour l'un la couleur violette est douce et aimable, pour l'autre elle est morte et éteinte. L'un aime le son du violon, l'autre préfère celui du piano. En ce qui concerne l'agréable, je tolère que le goût d'autrui puisse différer du mien. Il en va autrement du beau. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire: "cet objet est beau pour moi". Si je qualifie une chose belle, c'est précisément pour signifier que quiconque la juge esthétiquement devrait la trouver belle.

« Ne serait-il pas ridicule qu'un homme, qui se piquerait de quelque goût,crût avoir tout décidé en disant qu'un objet (comme, par exemple, cetédifice, cet habit, ce concert, ce poème soumis à notre jugement) estbeau pour lui ? Car il ne doit pas appeler beau ce qui ne plaît qu'à lui.Beaucoup de choses peuvent avoir pour moi de l'attrait et del'agrément, personne ne s'en inquiète ; mais lorsque je donne unechose pour belle, j'attribue aux autres la même satisfaction ; je ne jugepas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de labeauté comme si c'était une qualité des choses.

Aussi dis-je que lachose est belle, et, si je m'attends à trouver les autres d'accord avecmoi dans ce jugement de satisfaction, ce n'est pas que j'ai plusieursfois reconnu cet accord, mais c'est que je crois pouvoir l'exiger d'eux.Kant. • Pour Kant, le jugement du goût, qui énonce si une chose est belle ou non,n'est pas un jugement de connaissance.

Il n'est donc pas logique maisesthétique, c'est-à-dire que « son principe déterminant ne peut être quesubjectif » (Critique du jugement, § 1) .

Cet élément subjectif qui déterminele jugement du goût, c'est une satisfaction.

Mais cette satisfaction estdésintéressée.

En effet, lorsqu'on me demande si je trouve telle chose belle, «ce qu'on veut savoir c'est seulement si la seule représentation de l'objet estaccompagnée en moi de plaisir quelle que soit mon indifférence pour l'existence de l'objet de cette représentation » (id., § 2).

En d'autres termes, je puis juger qu'une chose est.

bellesans désirer la posséder ou même en la condamnant : je puis dire qu'un palais est beau sans désirer aucunement yhabiter ou en estimant que sa construction ayant coûté beaucoup de souffrance au peuple, il eût mieux valu ne pasle bâtir.

La satisfaction qui accompagne le jugement du goût est donc bien « un plaisir pur et désintéressé » (id.). • Par là le beau se distingue du bon et de l'agréable, lesquels sont liés à un intérêt.

(Kant s'oppose ainsi à latradition gréco-latine qui ramenait le bon au bien, comme chez Platon, et/ou à l'agréable (édu) et à l'utile(ôphelimon), comme chez Aristote.

L'agréable est en effet « ce qui plaît au sens dans la sensation » (id., § 3) tandisque le bon est « ce qui, Au moyen de la raison, plaît par simple concept ».

Dans le bon, « il y a toujours le conceptd'un but, le rapport de la raison à unvouloir (tout au moins possible) ; par suite une satisfaction causée par l'existence d'un objet ou d'une action, c'est-à-dire quelque intérêt » (id., § 4).

Ainsi donc, l'agréable et le bon sont liés à la faculté de désirer alors que « lejugement du goût est simplement contempla¬tif » (id., § 5) . • En résumé « on nomme agréable ce qui donne du plaisir ; beau ce qui plaît simplement ; bon ce qui est estimé(approuvé), c'est-à-dire ce à quoi l'on attribue une valeur objective » (id.).

Mais seule la satisfaction procurée parle beau est « désintéressée et libre car ici aucun intérêt ni des sens, ni de la raison ne nous oblige à donner notreassentiment » (id.).

Nous pouvons donc donner une première définition du beau de la manière suivante : « Le goûtest la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toutedésintéressée.

On appelle beau l'objet de cette satisfaction.

» (id.). • Mais dès lors il apparaît que la satisfaction causée par le beau ne peut être qu'universelle tout au moins en droitsinon en fait, puisque tout intérêt en est absent.

« Car l'objet qui donne une satisfaction dont on a consciencequ'elle est exempte d'intérêt, ne peut être jugée que comme contenant un motif de satisfaction pour tous (id., § 6).Nous pouvons donc donner une seconde définition du beau : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept »(id., § 9). Le jugement: "c'est beau" prétend à l'universalité. En effet, le jugement qui déclare une chose agréable est subjectif, relatif à la personnalité de chacun.

J'admets fortbien que le goût des sens puisse varier d'une personne à l'autre.

Pour l'un la couleur violette est douce et aimable,pour l'autre elle est morte et éteinte.

L'un aime le son du violon, l'autre préfère celui du piano.

En ce qui concernel'agréable, je tolère que le goût d'autrui puisse différer du mien.

Il en va autrement du beau.

Il ne viendrait à l'espritde personne de dire: "cet objet est beau pour moi".

Si je qualifie une chose belle, c'est précisément pour signifierque quiconque la juge esthétiquement devrait la trouver belle.

En pareil cas, le principe: "à chacun selon son goût"ne vaut rien et jamais.

Je vais même jusqu'à dénier le goût à celui qui juge autrement que moi.

Mon jugement: "c'estbeau" prétend donc à l'universalité.

D'où la question: sur quoi se fonde une telle prétention ? Autrement dit, puis-jeconvaincre autrui de la beauté d'une oeuvre par concepts ? La beauté s'explique-t-elle ? « Est beau ce qui plaît universellement sans concept ». Ø « Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la première définition.

En effet nous avons vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de laconvoitise, de la crainte, du désir, du confort ...

bref de tous les intérêts particuliers.

Ce plaisir éprouvé n'estdonc pas celui d'un sujet enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau », comme si la beauté était dans l'objet.

Il peut légitimement s'attendre à ce que tout autre éprouve la mêmesatisfaction.. »

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