Peut-on définir l'homme comme un "animal métaphysique" ?
Publié le 11/01/2004
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§ 3.
Métaphysique et critique kantienne
KANT : la métaphysique comme illusion
L'emploi logique de la raison implique qu'elle recherche toujours la raison dechaque raison, la condition du conditionné, et ce, en une régression à l'infini.Cependant cet emploi logique ne peut décider si le conditionné l'estrelativement ou absolument, en d'autres termes s'il existe un inconditionné.En revanche, l'usage transcendantal de la raison, voulant donner duconditionné une explication complète, postule que le conditionné ne peutavoir d'existence réelle que s'il procède d'un inconditionné qui fonde la réalité.Cet usage refuse donc la régression à l'infini.
Mais cet inconditionné nepouvant être trouvé dans le monde phénoménal de l'expérience, la raisontranscendantale le place dans un monde suprasensible, qui est celui de lamétaphysique.
Ainsi naissent les idées transcendantales d'âme, de monde etde Dieu, lesquelles entraînent paralogismes et antinomies.
Or, tandis que lavérité de la science réside dans la coïncidence entre le concept fourni parl'entendement et l'intuition fournie par la sensibilité, il ne peut y avoir, pardéfinition, aucune intuition métaphysique correspondant aux idéesmétaphysiques puisque la métaphysique prétend saisir des objets qui sonthors du monde de l'expérience.
L'usage transcendantal de la raison est doncillégitime, et la métaphysique une pure illusion.
C'est à une critique radicale que Kant soumet la métaphysique traditionnelle.
La critique kantienne a pour objet dedéterminer «le pouvoir de la raison en général considéré par rapport à toutes les connaissances auxquelles elle peuts'élever indépendamment de toute expérience».
Il en ressort que la raison ne peut atteindre l'absolu, l'inconditionné,les choses en soi, mais seulement les phénomènes et qu'elle doit se borner à déterminer les conditions a priori de laconnaissance objective.
Il ne peut donc y avoir de savoir véritable de ce que saint Thomas appelle les transphysicaet la connaissance humaine ne peut nous introduire dans un univers transcendant.Et pourtant «la métaphysique est bien réelle, sinon à titre de science, du moins à titre de disposition naturelle(metaphysica naturalis) », et c'est «poussée par ses propres besoins» que la raison humaine «s'élève irrésistiblementjusqu'à ces questions» qui s'imposent à elle.
«Une sorte de métaphysique se forme réellement chez tous leshommes, dès que leur raison peut s'élever à la spéculation ; cette métaphysique a toujours existé et existeratoujours.» Il faut donc poser cette question : «Comment la métaphysique est-elle possible à titre de dispositionnaturelle ?» C'est sur le plan moral que cette disposition invincible trouvera sa satisfaction, mais elle ne sera pasl'objet d'un savoir, elle sera celui d'une foi rationnelle, c'est-à-dire d'une croyance en la liberté, en l'immortalité del'âme et en l'existence de Dieu, sans laquelle la morale serait dépourvue de fondement.Si Kant réduit ainsi la métaphysique à la critique, c'en est fait désormais de la métaphysique comme reine dessciences, et Hegel en dresse le constat : «Ce qui, avant cette période, était connu sous le nom de métaphysique aété détruit jusqu'à la racine et éliminé de l'ensemble des sciences.
Où perçoit-on, où peut-on bien percevoir encore,des échos de l'ancienne ontologie, de la psychologie rationnelle, de la cosmologie et même de la théologie naturellede jadis? Qui s'intéresse encore à des recherches sur l'immortalité de l'âme, par exemple, sur les causes mécaniqueset finales? Les anciennes preuves de l'existence de Dieu ne sont plus citées que pour leur intérêt historique, ou envue d'édification et d'élévation de l'âme.
»Il n'est pas douteux que la critique kantienne, acceptée ou non, a été, pour les conceptions ultérieures de lamétaphysique, déterminante.
A partir d'elle, il semble qu'elle se soit scindée en deux courants.
D'un côté, comme ledit Lalande, elle apparaît comme «la notion complexe d'une science idéale qui présenterait les caractères suivants :être l'oeuvre de la raison, non de la révélation ni de l'expérience ; découvrir les règles fondamentales de la pensée,et, par suite, constituer les principes de toutes les autres sciences, soit physiques, soit morales ; fournir lefondement de la certitude que nous reconnaissons à celles-ci ; connaître le réel tel qu'il est, non les apparences, et,par suite, dire le dernier mot des choses», l'ensemble ou seulement certains de ces caractères étant retenus par lesdivers philosophes.
D'un autre côté, comme le laisse apercevoir déjà cet inventaire de la notion, la métaphysiques'est diversifiée en des réflexions portant sur les fondements de chaque discipline, essentiellement en ce quiconcerne la science et la morale.
D'où il suit qu'il s'agit moins, dans les deux cas, d'une étude autonome etspécifique que d'une sorte d'exigence et qu'on passe pour ainsi dire de la métaphysique au métaphysique.
§ 4.
Métaphysique et science
C'est, semble-t-il, chez les plus grands avants que se manifeste l'« animal métaphysique », c'est-à-dire cetteaspiration à l'absolu, qui est tout autre chose que la réflexion critique sur l'édification même de leur science, laquelleressortit à la méthodologie et à l'épistémologie.
La métaphysique est pour le savant d'abord un point de départ etconsiste dans la foi à l'intelligibilité de l'univers.
«Sans la croyance qu'il est possible de cerner la réalité avec nosconstructions théoriques, écrit Einstein, sans la croyance en l'ultime harmonie de notre monde, il ne pourrait y avoirde science.» Si toute connaissance scientifique est relative, c'est, comme l'a montré Kant, la pensée del'inconditionné qui pousse la raison à aller de cause en cause, toujours plus loin en direction de la cause première,même si celle-ci est un idéal inaccessible.
Par rapport au monde réel, au sens absolu, métaphysique, à la réalitéultime, «l'image scientifique du monde, tel qu'il découle de nos expériences, dit Max Planck, ne constitue jamaisqu'une expérience, qu'un modèle plus ou moins réussi [...].
Une vérité métaphysique se tient à l'horizon du réelexpérimental [...].
Une telle croyance en un réel absolu dans la nature constitue la condition de son travail ; elle.
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