Peut-on construire toutes les sciences sur le modèle de la géométrie ?
Publié le 11/12/2005
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• La géométrie est tout d'abord l'étude mathématique de l'espace et de la disposition des figures et des volumes. Mais c'est également, dans un sens plus large, l'étude des positions : toute structure peut être étudiée géométriquement, et c'est en cela qu'on peut parler d'un « modèle de la géométrie «.
• Il faudra donc analyser ce qu'est ce modèle : démarche géométrique, mais également organisation rigoureuse et mathématique du monde.
• C'est cette dimension mathématique et rigoureuse qui permet de voir dans la géométrie un modèle pour la science. Il ne faut pas pour autant exclure d'autres dimensions de la démarche scientifique : n'y a-t-il pas une intuition scientifique ? la science ne se base-t-elle pas plutôt sur l'observation du réel et sur l'expérimentation ?
• Les premiers termes du sujet, « toutes les sciences «, invitent également à faire une distinction entre différentes sciences, certaines répondant peut-être plus que d'autres à ce modèle géométrique. Ainsi, on peut dire que les mathématiques se constituent sur ce modèle, mais est-ce le cas de la biologie, de la chimie etc. ? On pourra également s'interroger sur les sciences humaines.
«
• De plus, cette organisation rigoureuse et évidente des connaissance que pratique la géométrie ne correspond pasà toute science.
Si les mathématiques répondent à ce modèle, procédant par enchaînement de déductions à partirde fait avérés ou certains, la plupart des autres sciences se basent au contraire sur les faits qui résistent à lapensée et échappent à la compréhension immédiate.
• La recherche scientifique n'est possible justement que parce qu'il n'y a pas, dans le réel, le même caractèred'évidence que dans la géométrie.
Ce sont les anomalies, les incohérences, ce qui dans la nature ne respecte pas lesystème théorique qui par exemple peuvent relancer la biologie.
C'est à partir de ces divergences par rapport aumodèle géométrique que les sciences prennent leur essor.
• C'est justement sur leur rapport au réel que les sciences et la géométrie diffèrent.
En effet, la géométrie dessine une modélisation du réel, tandis que les sciences tentent d'en rendre compte le plus justement possible.
Pour lessciences, il s'agit de connaître et de comprendre le réel avant de le conceptualiser.
III – Le rapport au réel
1) L'observation et l'expérience
• Cette différence de rapport au réel se traduit dans la démarche propre aux sciences non mathématiques, unedémarche qui repose sur l'observation et l'expérience.
Alors que la géométrie part d'axiomes pour construire uneréalité, les sciences partent du réel pour émettre des hypothèses sur cette réalité.
Cette primauté du réel estd'autant plus importante que les sciences peuvent avoir pour but non seulement de comprendre la réalité mais aussid'agir sur lui.
• De l'observation, qui donne naissance à la réflexion scientifique, à l'expérience, qui permet à la fois d'élaborer et devérifier les hypothèses scientifiques, le contact avec le réel est permanent.
Il n'est pas recréé, modélisé, par lathéorie, mais conçu comme le support de la réflexion scientifique.
• Cette primauté du réel a une autre conséquence : la théorie scientifique n'a pas le même caractère de vérité quele théorème géométrique.
Toute vérité scientifique, comme le montre Popper, peut être remise en cause,« falsifiable », peut par la suite s'avérer fausse puisque de nouvelles connaissances peuvent la démentir.
Aucontraire, la vérité géométrique est éternelle, puisqu'elle est vérité par rapport à la cohérence d'un système et nonpar rapport au réel.
Pour mieux le comprendre, prenons un exemple.
Au XVII° siècle, un maître puisatier de Florence constate qu'il estimpossible de faire monter l'eau du puits au moyen d'une pompe aspirante à une hauteur supérieure à 10,33 m au-dessus de la surface de l'eau.
Galilée, instruit par Torricelli de cette observation, pose l'hypothèse que cettehauteur d'eau est inversement proportionnelle à la densité de ce liquide qu'est l'eau.
Torricelli se propose de vérifiercette hypothèse par l'expérience suivante : on retournera dans un cristallisoir un long tube contenant du mercure(qui a la particularité d'être beaucoup plus dense que l'eau) et on mesurera à quelle hauteur se stabilise ce liquide.Par un calcul simple, à partir de l'hypothèse de Galilée et connaissant la densité respective de l'eau et du mercure,on peut prévoir que le mercure se stabilisera à une hauteur d'environ 76 cm.
Aux yeux de Popper, nous sommes bienici dans le domaine de la science car il y a bien falsifiabilité de l'hypothèse.
En effet, si la hauteur de mercureconstatée est très différente de celle qu'on attend, on est assuré que l'hypothèse de Galilée est fausse.
Si, enrevanche, la hauteur de mercure est bien de 76 cm (ce qui fut le cas) alors l'hypothèse est probablement vraie.
Lesthéories scientifiques ont un caractère hypothétique.
On peut infirmer une thèse mais jamais la confirmertotalement.
« Nous ne savons pas, nous pouvons seulement conjecturer ».
L'attitude scientifique est donc uneattitude critique qui ne cherche pas des vérifications mais tout au contraire des tests qui peuvent réfuter la théoriemais non l'établir définitivement.
L'histoire des sciences physiques est celle de leur révolution permanente.
Les théories n'ont qu'une valeur provisoire.
Des faits « polémiques » surgissent qui les contredisent, qui obligent à des révisions.
Tout succèsscientifique ouvre plus de questions qu'il n'en clôt.
Faut-il pour autant sombrer dans le scepticisme et affirmer qu'iln'y a rien qui vaille vraiment ? Comment distinguer, dès lors, la véritable science de la métaphysique ou des pseudo-sciences comme l'alchimie ou l'astrologie ? Et que penser des sciences humaines ? La psychanalyse, la théorie del'histoire de Marx peuvent-elles prétendre légitimement à la scientificité ? Popper , dans « Logique de la découverte scientifique » propose un critère de démarcation, capable d'établir, de manière concluante, la nature ou le statut scientifique d'une théorie.
Il écrit : « C'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation.
En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisseêtre choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'ilpuisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de lascience empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience.
»
A l'époque de Popper , on affirmait généralement que ce qui distinguait la science des autres disciplines, c'était le caractère empirique de sa méthode.
Autrement dit, en multipliant les observations et les expériences, lesavant en tirait, en vertu du fameux principe d'induction, des lois qu'il considérait comme nécessaires etuniversellement valides.
Partant de là, les néopositivistes soutenaient que tout ce qui n'est pas vérifiable est« métaphysique » et doit être éliminé de la science.
Or, comme le souligne Popper , l'induction, qui consiste à inférer une règle universelle à partir d'une multitude de cas particuliers et donc des théories à partir d'énoncés singuliers.
»
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