Peut-on conjurer le temps ?
Publié le 04/06/2009
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Le temps, intiment lié à notre existence, échappe presque à la définition. Pascal le prend d'ailleurs pour exemple de ces termes premiers "qu'il est impossible et inutile de définir." Pour lui tous les hommes conçoivent ce que veut dire le terme temps. Toute tentative de définition comporte un terme qui signifie le temps lui-même : "ordre du devenir selon l'avant et l'après", "durée marqué par la succession des événements",... De même, Saint-Augustin dans une formule célèbre disait : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. «Mais on peut néanmoins chercher ses caractéristiques essentielles et la plus importante est bien sûr l'irréversibilité qui empêche de corriger le passé et nous pousse toujours plus vers l'avenir, donc vers la mort.
Le verbe conjurer renvoie de manière première au fait d’écarter des influences néfastes par des procédés surnaturels. Puis par extension, il désigne la volonté d’écarter un danger ou des conséquences fâcheuses par tous les moyens. Il s’agit donc ici d’identifier dans un premier temps les conséquences néfastes que peut revêtir pour nous le temps. Elles sont simples à trouver : le vieillissement avec toutes ses dégradations mentales et physiques, la perte des êtres aimés mais surtout le temps apporte inexorablement avec lui la mort de chacun. Le verbe « pouvoir « renvoie quant à lui, soit à la possibilité, la capacité de faire les choses soit à la notion morale de « ai-je le droit de le faire «. C’est le premier sens qui est ici le plus important. L’homme a-t-il la capacité d’éviter les changements liés au temps ? A-t-il les moyens d’échapper au temps ? Il semble dans un premier temps que l’évidence nous impose de dire non. Nous n’avons encore vu personne trouver le moyen de rajeunir ou de ne pas vieillir. Cependant n’est-il pas possible d’échapper au temps par la pensée ? De chercher l’éternité non pas dans le monde sensible mais dans un autre monde ? Enfin, on peut se demander si conjurer le temps, c’est nécessairement s’en échapper. Ne pouvons-nous pas plutôt faire avec le temps ?

«
entraîner des comportements défensifs( comme rester chez soi pour éviter les risques) et réduire considérablementles moyens d'être heureux ou même d'avoir du plaisir.
II S'échapper par la pensée et par l'âme
1.
Désirer savoir, c'est conjurer le temps et toucher à l'éternité Pour Platon, l'univers temporel est une copie du monde éternel des Idées.
Dans le Timée, raconte la création dumonde.
Le dieu qui en fut chargé, qui s'appelait « le démiurge », façonna la matière en contemplant les idées, quisont les modèles éternels des choses.
Elles se composent ainsi d'une forme et d'une matière, l'une intelligible, l'autresensible et connaître consiste à percevoir la première sous l'habit de la seconde.
Il créa de la même manière letemps, comme une « image mobile de l'éternité ».
Les cycles des planètes qui en donnent la mesure sont, selonPlaton, les représentations sensibles des nombres éternels qui en règlent le cours.
Le temps s'écoule en suivant leurrythme musical.
Dans cette théorie, le monde visible n'est qu'une image que créa le démiurge qui imprima dans lamatière chacune des idées qu'il contemplait.
C'est une copie, une projection sensible.
Cette conception idéaliste deschoses conduit logiquement Platon à séparer le temps et l'éternité, le devenir et l'être.
Les formes pures qui sont lesmodèles intelligibles des choses sont toujours identiques à elles-mêmes.
Elles ne changent pas : les idées sontéternelles comme la matière qui n'a pas été créée.
Le monde sensible est enfin celui du devenir et du changement,où se mêlent l'être et le néant.
Changer consiste en effet à ne plus être ce que l'on est, pour être ce que l'on n'estpas encore.
C'est ne pas être parfaitement, anéantir son être, pour faire être son néant.
Le temps qui fait changerles choses les sépare de leur être et les empêche de coïncider avec leur essenceMais il introduit la corruption.
Puisque si le monde a un début, il a aussi forcément une fin.
Ce mythe de la créationdu monde est importante puisqu'elle introduit le temps comme une dégradation de l'essence.
Le monde du devenirest une pâle copie de la perfection.
Dès lors, pour Platon l'existence humaine se doit d'essayer d'échapper au temps,d'atteindre l'éternité.
Comment faire ? Vouloir échapper au temps, c'est désirer savoir.
Si la vérité est hors dumonde, on ne peut la connaître qu'en le quittant.
Le désir d'éternité est finalement ce qui pousse chaque être à setranscender, pour rejoindre son essence et s'accomplir.
C'est en ce sens que Platon écrit dans le Phédon que« philosopher, c'est apprendre à mourir.
» 2.
La chrétienté pense conjurer le temps grâce à la foi On peut aussi vouloir conjurer le temps en espérant trouver en Dieu le salut et la vie éternelle.
Saint-Augustin disaitainsi dans Somme théologique que prier, c'était agir pour que l'ordre de la grâce se substitue à celui de la nature et donc du temps.
Pour le christianisme mais aussi pour toutes les religions qui attribuent la création du monde à unDieu et à un temps précis, le monde est voué à disparaître, à être détruit.
Ce qui a un début a aussi nécessairementune fin : ce qui a commencé doit nécessairement finir.
Certes le temps nous l'avons vu est voué à passer et àretourner au néant.
Mais pour Saint-Augustin, cela n'interdit pas tout espoir.
Il est possible que le temps s'ouvre surl'éternité, qui elle de par sa définition, demeure et dure toujours.
C'est le parti de la foi qui pense que Dieu sauverales hommes mais c'est aussi l'idée de la vie éternelle après la mort.Pascal montre aussi que vouloir conjurer le temps n'a pas de valeur en dehors de l'attente d'une vie future.
L'athéeaussi cherche cette vie nous dit l'auteur mais la différence capitale qui le distingue du croyant, c'est que le croyantgarantit son espoir d'une vie future en croyant en Dieu.
Le souci de la transcendance est donc cette possibilité deconjurer le temps.
Pascal dans ses Pensées fait un pari sur Dieu.
Il préfère y croire parce que s'il existe, il a tout à gagner, le paradis éternel et que s'il n'existe pas, il n'aurait rien à perdre en y croyant.Les religions sont donc un moyen de conjurer le temps en l'ouvrant sur une éternité, après la mort. 3.
Vivre au présent Le temps passe et nous entraîne avec lui.
Comment alors trouver le repos dans ce tourbillon incessant ? Beaucoupde philosophes préconisent une vie dans l'instant.
L'éternité est mois la durée qui dure, la soustraction au temps quel'existence au présent.
Comme le disait Saint-Augustin, l'homme ne profite pas du seul temps qui lui est donné : leprésent.
La temporalité même est un fardeau pour l'homme : tirailler entre les remords du passé intouchable et lesinquiétudes du futur incertain, entre la nostalgie et l'impatience.
Le conseil qui est sûrement le plus souvent donnéest « profite de l'instant ».
Savourer en effet le présent, essayer de restreindre son horizon, n'est-ce pas là lesecret du bonheur ?Marc Aurèle dans ses Pensées à moi-même réfléchit au temps de manière stoïcienne.
Son but est de montrer qu'il ne faut redouter ni le passage du temps ni la mort.
Il écrit ainsi « Dusses-tu vivre trois mille ans, et même autant defois dix mille, souviens-toi toujours que personne ne perd d'autre existence que celle qu'il vit, et qu'on ne vit quecelle qu'on perd.
Ainsi la plus courte et la plus longue reviennent au même.
Car le présent est égal pour tous.
» PourMarc-Aurèle, dans la mort, nous ne perdons que ce que nous possédons.
Or, nous ne possédons que l'instantprésent et c'est simplement de cet instant que nous sommes privés dans la mort.
Le seul temps qui soit en notrepouvoir est bien le temps présent.
De fait, pour conjurer le temps, notre unique préoccupation doit être de vivre auprésent.Pascal souligne justement à quel point l'homme est en permanence tenté d'échapper au présent, soit qu'il évoque unpassé paraissant plus satisfaisant, soit qu'il craigne ou désire à l'inverse ce qui peut arriver dans le futur.
Celasignale pour Pascal une fuite, une incapacité à accepter notre condition, marquée par la misère de la mort.
Il écritainsi que le plus grand malheur de l'homme, c'est justement son incapacité à rester seul mais aussi à être dans leprésent.
Ce dernier est le plus grand bien que nous avons et nous le gâchons sans cesse en pensant à hier ou àdemain..
»
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