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Peut-on apprendre à juger de la beauté ?

Publié le 08/12/2005

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Il affirme immédiatement : « si vous vous demandez comment un enfant apprend « beau », « magnifique », etc., vous trouvez qu'il les apprend en gros comme des interjections. » Le mot beau est utilisé de la même manière que lorsque nous disons « aie ! » quand nous nous sommes fait mal. Il se substitue à un geste. Pour prendre un autre exemple, face un « beau » paysage, nous pouvons indifféremment sourire ou ouvrir de grands yeux béats, ou dire « ouah ! », ou encore dire « c'est beau ! ». Dans tous les cas, nous manifestons notre approbation. Ce qui donc importe, ce sont les circonstances dans lesquelles le mot « beau » est utilisé. Par conséquent, la beauté n'est en aucune manière une affaire de jugement. Lorsque nous disons « c'est beau ! » nous ne jugeons pas d'une qualité objective de quelque chose mais nous manifestons notre approbation dans une certaine situation. Le beau, dans cette perspective, n'est pas un état de chose.

Pour qu'il soit possible d'apprendre à juger le beau, il faut déjà que le beau soit une affaire de jugement, ce qui n'a rien d'évident. Un jugement vrai, autant que possible, rend compte d'un état de chose. Le problème qui se pose est donc celui de savoir si la beauté est un état de chose, ou plutôt quelque chose qui relève de notre « état d'âme «.

I – La beauté est-elle un état de chose ?

Par ailleurs, que le beau soit objectif ou non, nous jugeons que telle ou telle chose est belle ou non : c'est là un fait. Autrement dit, notre jugement peut très bien ne pas être fondé, mais pourtant il est bien réel. Il y a donc quelque chose comme des critères subjectifs ou objectifs qui nous poussent à juger.

II – Comment jugeons-nous du beau ?

 

« très bien ne pas donner son approbation en affirmant à l'inverse que l'oeuvre est ratée ou laide.

Or ce n'est pas cequi se passe.

Au contraire, le critique va susciter une discussion en faisant référence à un ensemble de critèresobjectifs de l'oeuvre qui lui permettrons de fonder son jugement.

Il dira par exemple que telle peinture est belleparce que les proportions des corps y sont respectées à la perfection, parce que la palette de couleur participe àmerveille de l'ambiance générale de la scène représentée et convient à celle-ci, etc.D'une manière générale, le jugement esthétique se fonde sur un ensemble de règles.

Il faut préciser ce concept clef: la règle n'est jamais absolue, elle n'a pas valeur de loi.

Si c'était le cas, toutes les oeuvres d'arts dites bellesrespecteraient les mêmes règles.

On pourrait donc imaginer une oeuvre absolument belle : celle qui collerait le plusaux règles.

Au contraire les règles sont historiques et institutionnelles, ce qui signifie qu'elles sont déterminées parune société donnée à un moment donné.

Le critique d'art fait partie de ceux qui justement, font autorité, c'est-à-dire, ceux qui ont le pouvoir d'instituer des règles.

L'artiste lui-même, par sa renommée, institue des règles.

On seréfère à lui.En disant : « c'est beau ! », qu'il s'agisse d'une oeuvre d'art ou d'un paysage, nous ne faisons pas que donner notreapprobation mais nous fournissons à autrui les règles qui leur permettrons de donner leur approbation.

Autrementdit, nous ne jugeons pas un état de chose ou une qualité, mais jugeons des circonstances dans lesquelles il estlégitime de dire qu'une chose est belle.

Apprendre à juger du beau, ce n'est rien d'autre que comprendre dans quellesituation il est légitime de dire : « c'est beau ».

C'est encore apprendre les règles qui président à l'utilisation duterme « beau ».

Transition :Nous avons dit d'une part que ces règles étaient tout sauf immuables, d'autre part qu'il était possible de lesapprendre.

Apprendre à juger le beau est donc autre chose qu'apprendre un théorème de mathématique.

Il n'y a paspour cela de manuel scolaire.

Qu'est ce alors que cet apprentissage où il semble que rien n'est appris ? A-t-il mêmequelque chose comme un contenu ? III – En quel sens parler d'un apprentissage ? Affirmer que juger du beau relève d'un apprentissage est problématique : on pourrait toujours répondre quequelqu'un qui ne connaît absolument rien à la peinture est pourtant bien en mesure d'affirmer que telle toile estbelle.

Mais il faut justement garder à l'esprit le statut bien particulier des règles : elles n'ont en aucune manièrebesoin d'être consignées comme telles dans un recueil qui pourrait s'intituler « règles circonstancielles de l'utilisationdu mot « beau » ».

Lorsque nous disons qu'elles sont socialement déterminées, cela ne signifie pas qu'elles le sontde manière consciente ou écrites.

Elles ne sont en réalité jamais prononcées.

Elles relèvent de l'usage au même titreque les règles de courtoisie (qui elles aussi varient historiquement et géographiquement).

Elles s'apprennent doncpar leur utilisation même et sont intégrées de manière inconsciente.

Pour poursuivre le parallèle, quelqu'un dont nousdisons qu'il est courtois ne se demande jamais s'il doit ou non tenir la porte à quelqu'un, de quelle manière il doits'adresser à telle ou telle personne.

Il le sait inconsciemment et son savoir est acquis par la pratique.Pesons les conséquences pour notre problème : apprendre à juger du beau, c'est intégrer par l'usage l'utilisationadéquate du terme « beau ».

En affirmant cela, nous admettons que notre sensibilité s'éduque par l'usage.

Le faitque quelque chose me plaise ne dépend en ce sens pas uniquement de moi mais est le fruit d'une pratique.Concrètement, par exemple, je peux apprendre à trouver beau tel style de musique que je détestais auparavant enme familiarisant avec lui.

De la même manière, je peux apprendre à trouver quelqu'un beau qui pourtant necorrespond pas aux critères de beauté.

En disant dans ce cas de cette personne qu'elle est belle, je m'oppose auxrègles instituées socialement, et à la fois, je participe à la réélaboration de ces règles.

C'est pourquoi le jugement debeauté conserve un caractère personnel.

Il ne s'agit pas, pour apprendre à juger du beau, de se conformer à ce quetout le monde dit, mais simplement de soi-même juger.

En jugeant je participe chaque fois à l'élaboration de la règleen tant qu'acteur d'une société.

Conclusion : Notre analyse a montré qu'un apprentissage du jugement concernant le beau est possible : cet apprentissage a lesens d'une participation.

Puisque chacun possède la possibilité de juger et en use, chacun participe à l'élaboration, àplus ou moins grande échelle, de la règle sociale d'utilisation du mot « beau ».

En jugeant contre tout le monde quela fleur est d'une absolue laideur, je participe à la réélaboration de la règle qui communément juge qu'elle est belle.

Ilest également et à l'inverse tout à fait possible d'imaginer une société dans laquelle la fleur est jugée laide.

Quoiqu'il en soit, apprendre à juger n'est rien d'autre qu'exercer soit même un jugement, ce qui revient à se positionnerpar rapport aux règles déjà existantes (par exemple pour ou contre), c'est-à-dire à donner son approbation ou sadésapprobation.

Quelqu'un dont on dit qu'il a du goût sait précisément et de manière intuitive quand quelque choseest dit beau.

Cela signifie par exemple pour l'amateur d'art qu'il connaît et comprend l'art, tel qu'on le connaît etqu'on l'a compris.

Mais un autre jugement est toujours possible.

Il peut même s'imposer et devenir la règlemajoritaire.

C'est la raison pour laquelle le beau n'est jamais une entité fixée mais est constamment « en instance dejugement », et ce parce qu'il ne relève d'aucun état de chose, d'aucune qualité dont il serait possible de jugerobjectivement.. »

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