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Peut-il exister des désirs naturels ?

Publié le 29/09/2013

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IntroductionFaire l’expérience du désir, c’est endurer la morsure du manque et traverser l’épreuvede l’insatisfaction : tout désir est une tension vers un objet désiré, dont la possessionnous apparaît à chaque fois comme étant absolument nécessaire—en d’autres termes,quoi qu’un désir commande, il le commandera toujours impérativement. Seulement,il va de soi que les objets sur lesquels les désirs se portent ne sont pas uniformes, ensorte que l’exigence de satisfaction ne revêt pas la même nécessité objective, quelqueégalement nécessaire qu’elle puisse sembler du point de vue subjectif : si mon désirde gloire n’est pas moins impérieux que celui de manger à ma faim, s’il peut mêmes’avérer plus impératif (le monde ne manque pas d’actrices que les exigences de lacélébrité auront contraint à rester affamées leur vie durant), il est bien évident qu’onne saurait mourir d’être un parfait inconnu, lors même que la famine peut facilementvous ôter la vie, pour peu qu’on s’y obstine.Mais alors, on peut à bon droit se demander s’il n’existe pas des désirs plus naturelsque d’autres : à l’évidence il y a des désirs dont la satisfaction, commandée par notrepropre nature, est indispensable à notre simple survie ; d’autres appétits en revanchesemblent pouvoir demeurer insatisfaits, à condition du moins que notre volonté aitassez de fermeté, et de constance. Ainsi, le désir n’est pas un terme univoque : tous lesdésirs ne sont pas naturels et nécessaire. Un tri devient alors non seulement possible,mais même souhaitable : si je ne puis donner satisfaction à tous mes appétits, mieuxvaut savoir lesquels je dois combler absolument.À supposer alors qu’on puisse distinguer les désirs entre eux suivant le type d’objet surlequel ils se portent (c’estàdiresuivant la nécessité objective de leur satisfaction), à22Sujet 1supposer même qu’il puisse y avoir des désirs contre nature, demeure toutefois intactela question de la naturalité du désir luimême: car enfin, s’il peut fort bien nousarriver de désirer quelque chose dont l’obtention n’a rien de vital, si autrement ditnous pouvons avoir des désirs qui n’ont rien de naturel, n’estcepas justement parceque nous ne sommes pas des animaux tout entier livrés aux impératifs de la survie ?La nature de l’homme, n’estcepas d’avoir des désirs autres que simplement naturels ?Mais en ce cas, peutonencore parler de nature ? Ne faudratilpas bien plutôt direque le désir est ce par quoi un être spirituel s’arrache de toute nature et se sépare sansremède de l’animalité ?I. Des désirs naturels à la naturalité du désir1. La sensation est la seule norme absolueNous sommes des êtres de désir, telle est notre nature ; mais cela ne signifie justementpas que tous les désirs soient euxmêmesnaturels : telle est la leçon qu’Épicure entendnous transmettre. Comme tous les êtres vivants en effet, nous sommes soumis àla polarité du plaisir et de la peine, qui viennent qualifier toute sensation (toute sensationest plaisante ou déplaisante, à quelque degré que ce soit) ; et comme tout êtrevivant, nous avons naturellement tendance à chercher le plaisir et à fuir le déplaisant.Tout plaisir est un bien, t...

« faudratilpas bien plutôt direque le désir est ce par quoi un être spirituel s'arrache de toute nature et se sépare sansremède de l'animalité ?I.

Des désirs naturels à la naturalité du désir1.

La sensation est la seule norme absolueNous sommes des êtres de désir, telle est notre nature ; mais cela ne signifie justementpas que tous les désirs soient euxmêmesnaturels : telle est la leçon qu'Épicure entendnous transmettre.

Comme tous les êtres vivants en effet, nous sommes soumis àla polarité du plaisir et de la peine, qui viennent qualifier toute sensation (toute sensationest plaisante ou déplaisante, à quelque degré que ce soit) ; et comme tout êtrevivant, nous avons naturellement tendance à chercher le plaisir et à fuir le déplaisant.Tout plaisir est un bien, toute douleur est un mal : la sensation, juge infaillible de cequi est agréable ou douloureux, est un guide qui ne saurait nous égarer et qu'il suffitde suivre sans s'en écarter.

De ce point de vue, les animaux sont nos modèles : ilsnous donnent à voir ce qu'est une vie orientée par la sensation immédiate du plaisantet du déplaisant ; seulement, à la différence des animaux, les hommes possèdentun esprit, et une imagination.

L'esprit les rend capable d'avoir des notions abstraites,qui doivent provenir des sensations pour être vraies.

Par l'imagination en revanche,l'homme devient capable de se projeter hors de l'instant présent, c'estàdirehors dutemps de la sensation ; de là vient qu'il peut s'égarer, et poursuivre un bien tout saufvéritable.Parce qu'il n'écoute pas seulement ce que la sensation lui dit, l'homme est capablede désirer quelque chose d'en fait déplaisant : alors que le plaisir est univoque pourÉpicure (il n'y a pas plusieurs genres de plaisirs), le désir devient avec l'homme qualitativementdifférencié.

Il y a d'un côté les désirs naturels, ceux qui ont la sensationpour principe, et qui nous font désirer ce qui est en soi désirable, à savoir le plaisir.

Etil y a les désirs qui ne sont pas naturels, parce qu'ils ne proviennent pas de la sensation,mais de l'imagination - et ceuxlàsuffisent à faire notre malheur.2.

Les désirs non naturels proviennent de l'imaginationAinsi, et contrairement à tous les animaux, l'homme est capable d'imaginer sa propremort, d'imaginer ce qu'il pourrait par après advenir de son corps, et de son âme.L'idée de son cadavre laissé en pâture aux bêtes fauves l'horrifie ; la représentation23Le sujetd'un châtiment divin outretombele plonge dans la terreur.

De ces peurs nées del'imagination proviennent à leur tour des désirs corrompus, au premier chef desquelsles passions sociales : je veux la gloire ou la célébrité, pour qu'il reste quelque chosede moi après ma mort, pour être certain également qu'on rendra à mon corps lesderniers honneurs.

C'est ainsi que la crainte de la mort rend possible une société nese fondant plus sur le. »

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