Peut-il être légitime de punir ?
Publié le 29/01/2004
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«
VI.
D'où l'apologue célèbre de Kant dans les Principes Métaphysiques du Droit.Si la société civile venait à se dissoudre du consentement de tous sesmembres, comme si par exemple un peuple habitant une île se décidait à laquitter et à se disperser, le dernier meurtrier détenu dans une prison devraitêtre mis à mort avant cette dissolution ! Le sens de l'apologue, c'est que lasociété doit punir même si cette punition n'a plus d'utilité.
Punir le coupablepour servir d'exemple aux autres est immoral, c'est traiter la personne ducoupable comme un simple moyen.
Selon Kant, il faut punir parce que la fauteexige - au point de vue moral - une sanction.
Le droit de punir devient ainsi ledevoir de punir.
VII.
Platon disait : pour le juge punir est un devoir, pour le coupable être puniest en quelque sorte un droit ; c'est la formule exposée dans le Gorgias.
Lecoupable a droit au juge comme le malade au médecin (Hegel dans sesPrincipes de Philosophie du Droit reprendra les formules du « droit à la punition» considéré comme un droit du coupable lui-même).
"La vengeance se distingue de la punition en ce que l'une est une réparationobtenue par un acte de la partie lésée, tandis que l'autre est l'oeuvre d'unjuge.
C'est pourquoi il faut que la réparation soit effectuée à titre de punition,car, dans la vengeance, la passion joue son rôle et le droit se trouve ainsitroublé.
De plus, la vengeance n'a pas la forme du droit, mais celle del'arbitraire, car la partie lésée agit toujours par sentiment ou selon un mobile subjectif.
Aussi bien le droit qui prendla forme de la vengeance constitue à son tour une nouvelle offense, n'est senti que comme conduite individuelle etprovoque, inexpiablement, à l'infini, de nouvelles vengeances." HEGEL
VIII.
Il y aurait entre la faute et la punition une sorte d'équivalence rationnelle, d'harmonie nécessaire (Leibniz disaitqu'une sanction adaptée à la faute satisfait l'esprit comme une belle architecture ou comme une symphonie trèsharmonieuse).
La nécessité de l'expiation serait même inscrite dans les profondeurs de l'organisme (le sentiment deculpabilité provoquant, selon les psychanalystes, une autopunition sous forme de maladie, asthme, ulcère àl'estomac, etc.).Toutefois la théorie de l'expiation paraît discutable à certains.
En quoi une souffrance rachèterait-elle une faute ? Sic'est ma volonté qui est coupable, en quoi la sanction qui frappe ma sensibilité répare-t-elle la faute ?
X.
C'est pourquoi on s'oriente plutôt aujourd'hui vers une conception de la sanction rééducatrice.
L'idée que lecoupable est un malade, tout au moins un désadapté, paraît une idée féconde, riche en germes de progrès.
Lasociété s'oriente donc vers les pratiques de rééducation psychologique (inspirées de la psychanalyse) et surtoutsociale (par exemple apprendre un métier au condamné afin de préparer sa réinsertion dans la vie sociale).
CITATIONS:
« On ne peut déterminer rationnellement [...] si, pour être conforme à la justice, il faut, pour un délit, infliger [...]une peine de prison de un an ou de trois cent soixante-quatre jours ou encore de un an et un, deux ou trois jours.Pourtant, [...] une semaine ou un jour de prison en trop ou en moins sont déjà une injustice.
» Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1821.
« Vous avez entendu qu'il a été dit : oeil pour oeil, et dent pour dent.
Et moi je vous dis de ne pas résister à celuiqui vous fait du mal.
Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre.
» Nouveau Testament, Evangile selon Matthieu.
« Le châtiment a pour but de rendre meilleur celui qui châtie.
» Nietzsche, Le Gai Savoir, 1883.
« Si peine et récompense disparaissaient, du même coup disparaîtraient les motifs les plus puissants quidétournent de certaines actions et poussent à certaines autres; l'intérêt de l'humanité en exige la perpétuation.
»Nietzsche, Humain, trop humain, 1878.
« Le bagne, les travaux forcés ne relèvent pas le criminel; ils le punissent tout bonnement et garantissent lasociété contre les attentats qu'il pourrait encore commettre.
» Dostoïevski, Souvenirs de la maison des morts, 1862..
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