Peuple et violence
Publié le 20/05/2023
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Notions abordées :
L’Etat
Le droit
La justice
La société
Objectif du cours : Nous interrogeons ici la politique sous le spectre de la violence.
Si l’on
conçoit que la politique a pour but d’organiser une communauté d’hommes libres (de citoyens)
vivant en harmonie, il faut alors se demander comment une telle organisation est possible,
comment elle peut éradiquer la violence qui émerge de la confrontation entre les individus
(parce qu’ils ont des idées, des croyances, des aspirations différentes et parfois contradictoires).
La dif culté de la vie en société émerge d’une certaine conception de l’individu : si l’individu est
un homme égoïste, il est naturellement hostile à la vie en société, puisqu’une société ne peut
fonctionner que par le partage (des activités, des idées), partage qui passe par une certaine
mise à distance de ses désirs égoïstes, et de sa volonté de domination.
Si l’homme ne peut vivre
en dehors de la société, en autarcie, il lui faut alors réguler la vie en commun : c’est le but de la
loi.
Introduction
On considère que la communauté politique est une organisation d'hommes qui vivent
ensemble, ce qui suppose d'instituer une forme de cohésion.
Cette institution continue,
inachevée, s'accompagne de l'idée qu'il faut quelque chose pour que les hommes tiennent
ensemble : le pouvoir politique.
Hobbes, Léviathan, Chapitre 13 : « sans un pouvoir commun qui
les tiennent en respect, les hommes sont dans cette condition que l'on nomme la guerre ».
Il
faut quelque chose pour que les hommes tiennent ensemble, ils ne s’accordent pas ensemble
spontanément.
Est-ce que penser la politique c'est penser que les hommes ne sont pas reliés
entre eux indépendamment des institutions de la cité ou de l’État, avant les institutions de la cité
ou de l’État ? Le pouvoir politique, en un sens vague, semble toujours impliquer, au moins à la
marge, quelque chose comme une contrainte : si les hommes ne tiennent pas ensemble sans,
cela veut bien dire que le pouvoir politique doit contrevenir, s'opposer à, des facteurs de
déliaison.
Un peuple n’est pas donné naturellement ou ethniquement : il se constitue en
produisant du commun.
Ce commun n’est pas donné, il est construit (autour de mythe, d’une
histoire, d’une langue, d’une culture, etc).
Mais à quelle condition peut-on assembler des
individus entre eux ? Comment un peuple se constitue-t-il ? Si l’on se réfère à une certaine vision
de la nature humaine, n’est-il pas en effet surprenant de dire que l’homme est un loup pour
l’homme, et en même temps qu’il ne peut vivre qu’en communauté ? Entrer dans une
communauté politique suppose-il d’une métamorphose qui fait passer de la violence au droit ?
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Peuple et violence
I) La violence comme réalité et limite du champ politique.
a) Aux origines de la violence
Nous pouvons comprendre la violence en société de deux façons :
Premièrement, nous pouvons la situer dans la nature humaine, dire que les hommes sont
naturellement violents, que la violence serait ancrée en tout homme.
Une précision : lorsque l’on
parle de nature humaine, on cherche à dé nir le dénominateur commun à tous les hommes, ce
qui constitue l’homme universellement.
Le problème d’une telle recherche, c’est qu’elle se
heurte à l’impossible étude de tous les hommes.
Ici, l’on a affaire à un problème pour identi er
l’objet nature humaine : où étudier cette nature humaine ? Cela supposerait d’étudier l’homme
en dehors de toute société, de toute socialisation, de toute culture.
Face à l’impossibilité d’une
telle étude, les dé nitions de la nature humaine que proposent certains philosophes sont
toujours à prendre avec précaution puisque ce sont surtout des hypothèses théoriques, des
ctions.
L’on peut alors parvenir à une compréhension intersubjective de la violence en la situant, non
pas dans la nature de l’homme, mais dans les rapports entre les hommes : la violence advient
entre les hommes.
René Girard (20è siècle) propose une théorie du désir permettant d’expliquer
l’origine de la violence.
Pour lui, le con it advient lorsque deux désirs se portent sur le même
objet.
Mais encore plus, le désir est par essence mimétique, c’est-à-dire que les hommes
désirent les mêmes choses.
Le désir est fondamentalement désir de l’autre, c’est-à-dire de ce
que l’autre désire.
Selon lui, un objet n’a pas de valeur en soi, sa valeur ne provient que de ce
qu’il est désiré par un autre.
C’est cette convoitise qui attise le con it puisque plusieurs individus
en viennent à désirer la même chose.
Une façon de régler le problème est la lutte physique
pour l’appropriation du même objet.
L’on voit ainsi le risque de la vie en société : une lutte pour
l’appropriation.
b) La théorie hobbesienne de l’Etat
Dans la philosophie politique moderne, telle qu'elle se développe jusqu'à la n du XVIIè siècle,
le gouvernement des hommes n'est plus pensé comme la continuation spontanée des
communautés élémentaires, mais comme un état arti ciel procédant d'une rupture radicale
avec l'état de nature.
Hobbes fournit la première théorie achevée de cette opposition, et en xe
le sens fondamental.
Dans le Léviathan, le concept d'état de nature, identi é à la « guerre de chacun contre chacun »,
ne décrit pas la condition originelle de l'homme.
« On pensera peut-être, écrit Hobbes, qu'un tel
temps n'a jamais existé, ni un état de guerre tel que celui-ci.
Je crois en effet qu'il n'en a jamais
été ainsi, d'une manière générale, dans le monde entier ».
Ce qui est recherché, c'est bien plutôt
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La pluralité ne conduit-elle qu’à la cacophonie, au désordre au sein duquel ce sont les plus forts
qui tirent leur épingle du jeu ? Le droit fait-il l’économie de la violence ?
Or, l'homme à l'état de nature est un individu jaloux de sa distinction.
La rivalité, la mé ance et
la erté, qui manifestent un souci extrême du pro t, de la sécurité et de la réputation
personnels, sont les passions nécessaires de tout un chacun.
Ce qui s'explique par l'égalité
physique et spirituelle foncière des hommes entre eux.
Il en découle une égalité dans l'espoir
que tous nourrissent d'atteindre leurs ns, et de proche en proche la concurrence, l'inimitié et la
guerre, car « il n'existe pour nul homme aucun moyen de se garantir qui soit aussi
raisonnable que le fait de prendre les devants, autrement dit, de se rendre maître, par la
violence ou par la ruse, de la personne de tous les hommes pour lesquels cela est
possible ».
La « nature » désignant ainsi la diversité des intérêts individuels et leur opposition, plutôt que
l'unité et la sociabilité essentielles du genre humain, la vie civile ne se dé nit plus comme
l'accomplissement de ce qui la précède, mais comme sa négation et son dépassement.
Pour
Hobbes, la société n'est pas la mise en forme d'une disposition fondamentale au vivreensemble, mais la mise en ordre volontaire d'une con ictualité toujours sur le point de
reprendre le dessus.
L'enjeu philosophique de cette redé nition du couple nature-société est la
justi cation d'une conception nouvelle du pouvoir politique légitime.
Pour Hobbes, celui-ci n'est
ni l'expression du droit divin, ni le cadre naturel de la vie communautaire, mais le produit de la
volonté des individus, qui savent que le règne du « droit de nature » (la liberté, pour chacun, de
faire tout ce qui est approprié à la préservation de sa vie) est voué à s’autodétruire, et qu’il est
de leur intérêt commun de se soumettre à des règles rationnelles élémentaires, ces deux «lois
de nature» fondamentales que sont la recherche de la paix et le consentement, « quand les
autres y consentent aussi, à se dessaisir, dans toute la mesure où l'on pensera que cela est
nécessaire à la paix et à sa propre défense, du droit qu'on a sur toute chose » ; ce qui implique
« qu'on se contente d'autant de liberté à l'égard des autres qu'on en concéderait aux autres à
l'égard de soi-même ».
L'État légitime est donc celui dont tout un chacun reconnaît
immédiatement la nécessité, laquelle est de constituer la puissance commune capable de faire
face à l'insécurité qui résulte immanquablement du caractère pluriel de la condition humaine.
La
seule et véritable raison de l'existence de l'État réside dans le fait que l'homme n'est pas
spontanément un être collectif, mais un être individuel, dont les intérêts particuliers ne
coïncident pas d'eux-mêmes avec l'intérêt général.
Cette conception prend en compte l'être
sociopolitique de l'homme, avant d'en dire le devoir-être.
Plutôt que de partir de l'essence et
des ns du genre humain, ou même de la personne morale et de ses droits, elle accorde toute
son importance à la réalité du rapport des forces, et en déduit une évidence sur laquelle peu de
philosophes s'étaient penchés : que l'État est une puissance de dissuasion permanente, dont le
rôle fondamental est de juguler la violence privée et de permettre aux citoyens de vivre et d'agir....
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