Perdre conscience est-ce cesser d'exister ?
Publié le 27/02/2008
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continueraient sans le savoir à exister._ En vérité, l'existence du sujet ne se confond pas avec la conscience.
En effet écrit Leibniz dans sa préface auxNouveaux essais sur l'entendement humain « il y a tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est à dire des changements dans l'âme dont nous ne nous apercevons pas ».
Ainsi ilexisterait une infinité de degrés entre le degré zéro de la conscience que pourrait avoir une plante par exemple et ledegré suprême atteint par l'homme au meilleur de sa forme intellectuelle.
Ces perceptions inconscienteséchapperaient la plupart du temps au sujet, et ce dernier ne les percevrait que lorsque elles atteignent un certaindegré jusqu'à devenir claires et distinctes.
Ainsi le bruit de la mer ou de la scie n'est audible que par la sommationd'une infinité de perceptions aux quelles nous ne prenons pas garde : par elle-même chaque vague paraît ne faireaucun bruit, mais c'est la petite perception que fait chaque vague en s'étirant sur le rivage qui contribue à susciteren moi cette grande perception dont j'ai conscience lorsque je me promène sur le rivage et que j'appelle avecLeibniz « le mugissement de la mer ».
Ainsi les petites perceptions nous montrent non seulement que l'on peutperdre conscience sans cesser d'exister, mais encore que la conscience n'est pas essentielle à l'existence humainedans la mesure où la conscience surgit de l'inconscient._ L'existence humaine peut même être définie par une suprématie d'inconscient sur le conscient.
Dans laMétapsychologie , au chapitre « l'inconscient », Freud fonde l'hypothèse d'un inconscient dynamique à partir d'un constat de résistance opposée à certains contenus psychiques irréductibles au conscient.
En effet l'existence del'inconscient est déduit par l'impossibilité d'expliciter ces contenus psychiques par la conscience : « les données dela conscience sont extrêmement lacunaires ».
Les rêves sont l'exemple privilégié de la psychanalyse dans la mesureoù l'on ne peut expliquer leur existence et leur déroulement sans l'inconscient : dans les rêves, les pulsionslibidinales du ça provoquent des images, des fantasmes sans que le Surmoi ne puisse les censurer.
A l'état d'éveilconscient, les lapsus ou les actes manqués confirment que notre existence, loin de cesser avec la conscience, sedéroule en grande partie dans des méandres que nous ne contrôlons pas et dont nous n'avons souvent pas lamoindre idée : « tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons àprétendre qu'il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques »Parconséquent, la conscience n'est pas essentielle à l'existence humaine dans la mesure où elle ne la constitue pasentièrement, mais seulement en partie.Néanmoins, si la cure psychanalytique entreprend d'éliminer la cause inconsciente des symptômes en les faisantremonter à la conscience, c'est peut être que la conscience permet une maîtrise de soi qui en fait l'idéal de sonexistence III C'est par la conscience que l'homme existe _ En quoi la conscience serait-essentielle à l'existence humaine si elle ne la constitue pas toute entière ? C'est quec'est par la conscience que l'on peut distinguer l'existence de la vie.
Les animaux vivent dans la mesure où ilspossèdent un corps et une perception qui leur permet la prédation et la reproduction, mais ils n'existent pas ; carseul les hommes à la lettre existent.
C'est par la conscience qu'ils ont d'eux-mêmes et pas seulement du monde queles hommes vivent non pas la vie en général, mais leur propre vie : leur conscience leur permet de s'appartenir àeux-même dans la mesure où ils peuvent décider ce qu'ils veulent faire avant d'agir.
Autrement dit la conscience estsynonyme de choix, c'est à dire de liberté.
Ainsi, dans sa conférence « La conscience et la vie » au sein du recueill'Energie spirituelle, Bergson explique que les caractéristiques de la conscience sont la mémoire et l'anticipation.
Par la mémoire, nous retenons ce qui n'est plus dans la but de la faire servir au présent, et par l'anticipation, nous nousorientons vers l'avenir.
La conscience a donc pour fonction de retenir ce qui n'est plus et d'anticiper ce qui n'est pasencore si bien qu'on peut dire d'elle qu'elle est « un pont jeté entre le passé et l'avenir »Mais à quoi sert ce pont ouce trait d'union qu'est la conscience ? « Si conscience signifie mémoire et anticipation, c'est que conscience estsynonyme de choix ».
Ainsi c'est par la conscience que l'homme choisit sa vie, c'est par elle qu'il est libre._ La conscience permet la liberté.
Nous comprenons alors mieux la distinction vivre et exister.
Les animaux vivent ence que leur action ne fait que répondre à un ensemble de stimuli extérieurs ; il leur est impossible de délibérer sur cequ'ils vont faire ou ce qu'ils veulent faire : rivés à l'instant, leur instinct les condamne à ne jamais choisir.
Et c'estdonc leur absence de conscience qui leur interdit la liberté.
A l'inverse, la conscience permet aux hommes l'exercicede la délibération, qui à son tour leur garantit la possibilité de se déprendre de l'immédiat, de s'arracher à lamatérialité.
L'existence humaine se fonde donc sur cette capacité de dés adhésion qui rend l'homme maître de lui-même et de son destin.
Ainsi si la conscience va de pair avec notre liberté, le plus haut degré de notre consciencedevrait correspondre au plus haut degré de liberté.
C'est ce que montre Bergson en donnant l'exemple de la criseintérieure.
Dans la crise, nous portons notre conscience à sa plus grande intensité car nous hésitons entre deux ouplusieurs partis à prendre sans savoir ce qu'il faut faire.
La crise témoigne alors de cette liberté de l'existencehumaine qui se crée elle-même, indépendamment de toute extériorité.
Conquérir une plus grande lucidité, c'est àdire davantage de conscience, c'est conquérir autant de degrés de liberté._Perdre des degrés de conscience, c'est en ce sens cesser plus ou moins d'exister en recommençant à vivre, Ainsilorsque nous perdons conscience, nous perdons notre existence spécifiquement humaine pour retomber dans une vieanimale où nous ne choisissons plus rien.
Il existe à ce titre une dialectique entre la conscience et l'habitude qui esttout à fait symptomatique de notre problème.
Dans l'habitude que nous prenons d'apprendre notre leçon oud'accomplir un geste de danse, il s'agit par la répétition de la connaître de mieux en mieux jusqu'à la connaître parcœur ou de le danser jusqu'à n'y plus penser.
Qu'arrive t-il en effet par exemple lorsque une de nos actions cessed'être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s'en retire.
Plus l'habitude rend mon action plusefficace, plus ma conscience s'efface qui fondait l'exercice de ma liberté.
Pourtant à l'origine de l'habitude, il y a mapropre conscience qui choisit librement de la contracter, jusqu'à se faire elle-même disparaître.
Par conséquent, ence cas, mais en ce cas seulement, on peut dire que la perte de conscience induite par l'habitude ne fait pas cessermon existence humaine dans la mesure où elle procède d'un choix..
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