Pensez-vous que "c'est l'illusion et non le savoir qui rend heureux" ?
Publié le 27/02/2004
Extrait du document
Au moment où Rousseau écrit cette phrase, il se sent vraiment heureux. Il déclare : « Ici (aux Charmettes), commence le court bonheur de ma vie; ici viennent les paisibles mais rapides moments qui m'ont donné le droit de dire que j'ai vécu. «
Il écrit alors la page devenue célèbre : « Si j'étais riche «, encore intitulée : « Une Maison modèle «.
A cette heure, il constate qu'il est trop âgé pour employer le reste de sa vie à accumuler des connaissances. Il aime mieux consacrer, ce temps à s'organiser une vie heureuse.
Selon lui, une telle tâche ne requiert pas « tant de science «. Point n'est besoin de beaucoup de savoir pour y parvenir.
Il pose ainsi le problème des rapports entre le savoir et le bonheur. Reste à se demander si un savoir étendu contribue effectivement à rendre heureux celui qui le possède.
I. — INTRODUCTION.
II. — UN SAVOIR ÉTENDU EST-IL INDISPENSABLE AU BONHEUR ? A) Des gens peu instruits semblent heureux. B) Un savoir étendu ne procure pas forcément le bonheur.
III. — LE BONHEUR DANS L'IGNORANCE N'EST QUE QUIÉTUDE DE NATURE INFÉRIEURE.
IV — INFLUENCE VÉRITABLE DU SAVOIR SUR LE BONHEUR.
V. — LE BONHEUR CONÇU PAR ROUSSEAU.
VI. — CONCLUSION.
«
• Spinoza souligne la ténacité de l'illusion finaliste et anthropocentriste parlaquelle l'homme s'attribue un statut privilégié et projette sur le monde quil'entoure le schéma d'explication qui lui est le plus familier.
Pour montrer [...] que la Nature n'a aucune fin à elle prescrite etque toutes les causes finales ne sont rien que des fictions deshommes, il ne sera pas besoin de longs discours.
Je crois en effetl'avoir déjà suffisamment établi [...] par tout ce que j'ai dit quiprouve que tout dans la nature se produit avec une nécessitééternelle et une perfection suprême.
J'ajouterai cependant ceci :que cette doctrine finaliste renverse totalement la Nature.
Car elleconsidère comme effet ce qui, en réalité, est cause, et vice versa.[...] Et il ne faut pas oublier ici que les sectateurs de cettedoctrine, qui ont voulu faire montre de leur talent en assignant lesfins des choses, ont, pour soutenir leur doctrine, introduit unenouvelle façon d'argumenter : la réduction non à l'impossible,mais à l'ignorance [...].
Si, par exemple, une pierre est tombéed'un toit sur la tête de quelqu'un et l'a tué, ils démontreront [...]que la pierre est tombée pour tuer cet homme [...].
Peut-être,direz-vous, cela est-il arrivé parce que le vent soufflait et quel'homme passait par là.
Mais, insisteront-ils, pourquoi le ventsoufflait-il à ce moment ? Pourquoi l'homme passait-il par là à ce même instant ? Si vous répondezalors : le vent s'est levé parce que la mer, le jour avant, par un temps encore calme, avait commencéà s'agiter ; l'homme avait été invité par un ami ; ils insisteront de nouveau, car ils n'en finissent pasde poser des questions : pourquoi la mer était-elle agitée ? pourquoi l'homme a-t-il été invité pour telmoment ?Et ils continueront ainsi à vous interroger sans relâche sur les causes des événements, jusqu'à ce quevous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance [...].
Et ainsi arrive-t-il quequiconque cherche les vraies causes des prodiges et s'applique à connaître en savant les choses de lanature, au lieu de s'en émerveiller comme un sot, est souvent tenu pour hérétique et impie, etproclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme des interprètes de la Nature et des dieux.
Ilssavent bien que détruire l'ignorance, c'est détruire l'étonnement imbécile, c'est-à-dire leur uniquemoyen de raisonner et de sauvegarder leur autorité.
• Le problème posé par le texte
Comment comprendre les phénomènes naturels ? Spinoza analyse — et dénonce — un type d'explication nonscientifique de la nature : l'interprétation finaliste, qu'il lie à une conception religieuse du monde.
• Le raisonnement
1 – L'explication finaliste est illusoire (une « fiction des hommes »).
En effet :a.
Elle méconnaît le déterminisme universel de la nature, en vertu duquel les phénomènes sont soumis à deslois invariables.
Ce faisant, elle renverse l'ordre de la nature, puisqu'elle explique un fait naturel par son but («cause finale ») au lieu de le considérer comme la conséquence d'une ou plusieurs séries de causes antérieures.En somme, le finaliste use mal de la question « pourquoi ? » : elle signifie à ses yeux « pour quoi ? », c'est-à-dire « en vue de quoi ? ».
C'est ainsi qu'il dira que la pierre est tombée pour tuer, au lieu de penser qu'elle esttombée parce que le vent soufflait.
C'est donc parce que le finalisme ne pose pas à la nature la bonne questionqu'il se trompe dans ses réponses.
Apparaît alors le trait caractéristique de l'explication finaliste : ellecomprend les faits naturels comme s'il s'agissait d'hommes disposant d'une volonté et fixant intentionnellementdes fins à leurs actions : elle est anthropomorphiste.b.
D'où le deuxième argument contre le finalisme : il réduit l'homme à l'ignorance.
Car en considérant que lesfaits naturels sont régis par des ,intentions, l'explication finaliste remontera de « pourquoi ? » en « pourquoi ? »jusqu'à la volonté de Dieu.
Or, celle-ci est un « asile de l'ignorance » car elle permet de masquer l'ignorancedans laquelle on se trouve de la cause réelle — et naturelle — d'un fait.
L'attitude finaliste est l'inverse del'attitude scientifique, en ce que la première n'admet pas de ne pas savoir.
Quand le savant cherche avecpatience l'ordre des faits, le finaliste possède déjà la réponse : la volonté divine.
2 – Le finalisme n'est pas seulement une erreur théorique.
Le recours qu'il fait à la volonté de Dieu a un senspolitique : cultiver « l'étonnement imbécile », afin de permettre à un clergé dont le pouvoir repose surl'ignorance du peuple de sauvegarder son autorité.
En concluant ainsi, Spinoza annonce un thème majeur de laphilosophie des Lumières du siècle suivant (voir chap.
15).• Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texte1 – L'idée du déterminisme naturel.
En affirmant que « tout dans la nature se produit avec une nécessitééternelle », Spinoza est représentatif du rationalisme scientifique qui s'exprime au XVIIe siècle.
Celui-ci refusela personnification de la nature héritée de la Renaissance (« Dame Nature »).
Connaître la nature, ce n'est pasdéchiffrer ses " intentions », c'est découvrir les lois nécessaires qui la régissent.
Le finalisme est donc dénoncécomme une représentation préscientifique du monde ; le déterminisme apparaît en revanche comme un postulat.
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