Penser le temps
Publié le 21/02/2023
Extrait du document
«
Penser le temps : de la science classique à la science moderne.
Introduction
………….
Parce qu’elle se définit comme une quête des structures ultimes du réel, la
science classique apparaît comme une entreprise qui cherche à éradiquer le
temps dans sa description de la nature, puisque son ambition est d’énoncer
les lois qui rendent compte une fois pour toutes des phénomènes naturels.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les équations fondamentales qu’elle
formule ne tiennent nullement compte de l’irréversibilité du temps.
C’est
ainsi que de Galilée et Descartes jusqu’à Newton et Lagrange, la science
classique, au regard de la symétrie des lois qu’elle énonce, décrit un univers
idéalisé donné de toute éternité, donc insensible à ce qu’il est convenu
d’appeler depuis Eddington « la flèche du temps ».
Même la physique
quantique qui est pourtant fondée sur des postulats théoriques totalement
différents de ceux de la science classique n’échappe pas à cette règle, puisque
l’équation fondamentale de Schrödinger sur laquelle elle repose, elle aussi,
est symétrique, c’est à dire insensible à la direction du temps.
Mais au regard des nombreux bouleversements qui ont ponctué l’histoire de
la physique depuis le début du XX° siècle - la découverte du second principe
de la thermodynamique, la découverte des structures dissipatives et
l’historicité de la matière établie par les cosmologies issues de la théorie de
l’expansion de l’univers), l’irréversibilité semble désormais s’imposer
comme une dimension structurante de la réalité.
Loin d’être inessentiel, le
temps semble être la loi du réel.
Or, si l’irréversibilité du temps est la marque
d’une propriété émergente de la matière, et non l’écume d’une réalité en
dernier ressort stable, alors nous sommes dans un paradigme nouveau, c’est
à dire au seuil d’une rationalité de type nouveau, ce qui implique une reprise
critique de la quasi-totalité des postulats fondamentaux sur lesquels s’était
fondée jusque-là la science classique.
Il sera donc question ici d’envisager les
effets de cette révolution aussi bien dans les sciences qu’en philosophie.
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I - L’ontologie grecque
Ce n’est pas hasard si, dès l’antiquité, d’Héraclite et Parménide jusqu’à
Platon, la pensée grecque se soit constituée pour l’essentiel autour de la
question du temps.
Parce qu’elle a pris dès le départ une orientation
ontologique qui consistait à se demander ce qu’il en est en définitive de l’Etre,
la philosophie grecque ne pouvait manquer de rencontrer la question du
temps.
C’est pourquoi, pour se constituer, cette ontologie devait relever le
défi d’Héraclite selon lequel le réel n’est pas en soi pensable du fait du
devenir.
Si en effet tout est soumis au devenir, c'est-à-dire, précisément, au
changement et à la disparition, toute connaissance est de facto condamnée à
n’être que pure doxa, parce que le réel qu’elle croit pouvoir enfermer dans
une formule close et définitive sera devenu autre l’instant d’après, justement
du fait du temps.
Ainsi, si on a pu voir dans les larmes du vieux Héraclite
l’expression la plus aigüe du désespoir de l’homme, ce n’est pas seulement
parce qu’elles mettent à nu le destin tragique de celui-ci devant
l’inéluctabilité de la mort, mais surtout parce qu’elles rendent vain et inutile
le seul espoir qui pouvait lui rester, celui de transcender le temps et d’accéder
ainsi à l’éternité par le savoir et la pensée.
C’est ce défi que Platon va tenter de relever à sa manière.
C’est pourquoi
toute l’ontologie platonicienne peut être comprise comme une tentative
d’éviction du devenir, mais non sans reconnaître au passage que la thèse
héraclitéenne du flux universel est plausible et même sans doute vraie.
Mais
pour Platon cette centralité du devenir ne doit pas faire illusion parce qu’elle
est localisée et limitée, c'est-à-dire circonscrite dans le domaine spécifique du
sensible.
Or, lorsque Platon parle du sensible, c’est toujours pour l’opposer à
l’intelligible qui en est l’archè, le modèle.
Ce sont là les deux concepts
fondamentaux de son ontologie.
On aura donc compris pourquoi, pour venir
à bout de l’aporie héraclitéenne, Platon cherche à dédoubler le réel par son
eidos qu’il va douer de toutes les perfections, celles qui font justement défaut
au sensible : ainsi, là où le sensible sera soumis au devenir qui est la marque
suprême de l’imperfection chez les grecs, l’intelligible sera assimilé à
l’éternité même.
Quand Platon dit dans le Timée que « le temps est l’image
mobile de l’éternité » (37 d), il ne nie pas purement et simplement la réalité du
temps, il n’en fait pas non plus une pure illusion ou du non-être.
Il le localise
dans le sensible où il apparaît comme le moteur du devenir.
Mais parce qu’il
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est une image, c'est-à-dire une réalisation empirique brouillée et imparfaite
de son modèle qui est l’éternité, le temps n’a pas en lui-même sa propre clé
d’intelligibilité.
On ne peut donc le penser jusqu’au bout qu’en le référant à ce
qu’il imite imparfaitement, c’est à dire l’éternité.
Pour une telle ontologie, le
devenir ne peut être qu’un mal puisqu’il est principe d’écart, d’éloignement
et de distanciation par rapport à l’Etre.
On voit donc bien comment l’aporie
héraclitéenne est résolue : pour ne pas le soumettre au diktat implacable du
devenir, il faut domicilier l’Etre ailleurs, dans le monde intelligible où il se
tient, immobile, hors du temps.
Nous savons que c’est cette philosophie qui structure non seulement la
tournure d’esprit des grecs mais aussi celle de toute l’antiquité.
Nous la
retrouvons sous une variante quelque peu différente dans un autre contexte,
celui de la chrétienté, plus précisément chez Saint Augustin, via Plotin.
Mais
pour Plotin, il y’a une réalité continue du temps qui, cependant, n’est pas
quelque chose de matériel.
Si, selon la fameuse thèse défendue dans la
troisième Ennéade l’univers matériel « court sans cesse vers l’avenir » (III, 7, §4,
29) c’est parce que, imparfait et inachevé, il aspire à la plénitude de la
perfection, raison pour laquelle il ne peut rester le même.
Ce qui lui manque
est donc son télos, autrement dit l’éternité vers lequel il se dirige.
Mais ce qui
fait l’expérience de ce manque ontologique ce n’est pas tant le monde
matériel que l’âme qui l’habite, cette anima mundi dont Plotin dit qu’elle
procède de l’Intelligence qui à son tour procède de l’Un, selon la célèbre thèse
de la procession des êtres.
Le temps est donc l’effet de la course de cette âme
du monde qui, découvrant son incomplétude, tend vers l’unité avec son
principe.
Or ce qui est valable pour l’âme du monde l’est aussi pour l’âme
humaine.
C’est pourquoi, d’après Plotin, en élevant notre âme à la hauteur
de l’âme du monde et vers celle de l’Intelligence dont elle procède, nous
échappons aux effets dévastateurs de la « roue » du temps et accédons ainsi à
la béatitude qui est l’éternité même.
On comprend donc par-là que le temps
soit l’expression de l’écart (diastasis : distentio) qui existe lorsque notre âme
est séparée de l’Un dont Plotin dit qu’il est ineffable et éternel, principe de
toutes choses.
Saint Augustin est l’héritier chrétien de ce néo-platonisme.
Pour lui, c’est
parce que l’âme est séparée de son principe qui est Dieu du fait du péché
originel qu’elle est déchue et qu’elle fait l’expérience du manque qui est
justement celle du temps.
On peut en déduire que le temps n’a donc pas
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d’existence objective.
La phénoménologie de la conscience intime du temps
que saint d’Augustin met ainsi en œuvre, bien avant celle de Husserl, est la
première tentative systématique de réduction du temps du monde au temps
de la conscience.
Lorsque, dans le fameux Livre XI des Confessions il se
demande ce qu’est le temps, il répond aussitôt : « Si personne ne me le demande,
je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus.
Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne se passait, il n’y aurait pas de
temps passé ; que si rien n’arrivait, il n’y aurait pas de temps à venir ; que si rien
n’était, il n’y aurait pas de temps présent.
Comment donc ces deux temps, le passé et
l’avenir, sont-ils puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant
au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait
pas du temps, il serait de l’éternité.
Donc si le présent, pour être du temps, doit
rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut
être qu’en cessant d’être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps
est, c’est qu’il tend à n’être plus.
» (Confessions, L XI, chap.
XIV, GF, 1964, trad.
franç.
J.
Trabucco)
On le sait, la signification de ce célèbre constat dubitatif d’Augustin c’est que
le temps est à la fois une évidence et un mystère.
Au moment même où il
apparaît comme l’expérience la plus commune et la plus immédiatement
claire pour chacun parce qu’inextricablement liée à notre humanité, il ne
semble pouvoir cependant exister que dans sa propre négation puisqu’il ne
se donne qu’en disparaissant.
La difficulté à laquelle on est ici confronté c’est
que l’on ne peut pas donner un statut conceptuel clair à une réalité dont le
mode d’être est justement de cesser d’être.
Car le temps est fuyant, et tout ce
que l’on arrive à en saisir n’est que l’expérience de la succession d’une infinité
d’instants qui, dans le mouvement même par lequel ils adviennent à la
conscience, basculent tous, aussitôt, dans le néant du passé.
Or, ainsi que
Saint Augustin le montre, si le passé n’est plus et que le futur n’est pas
encore, le présent non plus ne pourrait logiquement être quelque chose de
consistant, non pas parce qu’il disparaît en devenant du pas
sé, mais surtout parce qu’il ne se donne comme présent qu’en se soutenant
des deux néants que sont le passé et le futur.
Il semble donc que tout ce qu’on
peut dire du temps c’est qu’il se réduit à du présent, lequel, d’ailleurs, n’a
qu’une existence très brève parce qu’il n’est au fond qu’une limite entre le
futur et le passé.
Tout au plus pourrait-on dire qu’il est un repère, c’est à dire
une limite pour la conscience entre le passé et le futur.
Ce constat suffit-il
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cependant pour nier absolument la réalité du temps ? Cela ne reviendrait-il
pas à nier purement et simplement la consistance même du réel, et celle de
l’expérience humaine, qui sont de toute façon inconcevables sans le temps ?
Aussi Augustin ne tombe-t-il pas dans ce piège puisqu’il pense que dans le
fond il y a quelque chose de consistant qui subsiste, et qui, seul, est vraiment
réel, c’est le présent.
C’est pourquoi il écrit : « Ce qui m’apparaît maintenant avec
la clarté de l’évidence, c’est que ni l’avenir ni le passé n’existent.
Ce n’est pas user de
termes propres que de dire : ‘‘ il y a trois temps, le passé, le présent et le futur’’.
Peutêtre dirait-on plus justement : ‘‘ il y’a trois temps : le présent du passé, le présent
du présent, le présent du futur’’.
Car ces trois temps existent dans notre esprit, et
je ne les vois point ailleurs.
Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du
présent, c’est l’attention ; le présent de l’avenir, c’est l’attente.
» (Confessions
Liv.
XI, chap.
XX)
En d’autres termes, il n’y a qu’un seul temps, le présent, mais il se donne
selon trois modalités, en se réfractant différemment dans la conscience selon
les directions du passé et du futur.
Ainsi, le passé et le futur n’existent qu’en
tant qu’ils sont donnés à l’âme au présent.
Mais puisque l’âme ne se les figure
jamais qu’au présent, alors il faut dire en toute rigueur que seul le présent
existe.
C’est parce que l’âme a la possibilité de tendre vers le passé et le futur
que ces deux temps existent.
Autrement dit, s’il n’y avait aucune conscience
au monde, passé et futur n’existeraient pas non plus.
Il est donc clair que
pour Augustin le temps n’existe que dans la mesure où il est relatif à l’âme :
il est distentio animi.
Or, que le présent seul existe, voilà qui est la négation la plus radicale du
devenir.
On voit donc bien que ce primat du présent sur le devenir rattache
Augustin à une vieille tradition idéaliste qui remonte à Parménide, en
passant par Platon et Plotin, et pour laquelle la réalité du temps
cosmologique n’est, en dernière instance, que pure apparence.
On peut voir
dès lors que ce que tous ces penseurs ont en commun, c’est une certaine
aversion pour le devenir qu’ils considèrent comme principe de dispersion
pour l’Etre, un mal qu’il faut conjurer à tout prix, l’éternité seule étant la
garantie de la vérité mais aussi l’horizon où la sagesse peut se déployer.
II – La physique classique et la négation du temps
On aurait pu penser qu’en réhabilitant le sensible qui acquiert ainsi la dignité
d’un objet théorique, la physique classique qui naît au XVII allait du même
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coup réhabiliter le devenir.
En effet, l’édifice aristotélicien qui s’effondre au
XVII siècle, était fondé sur la distinction entre le monde supralunaire, celui de
la régularité et de l’éternité des orbes célestes, et le monde sublunaire qui est
celui de la contingence et de l’accidentel où tout est voué à la corruption du
fait du devenir.
On aurait pu penser qu’avec l’unification du Ciel et de la
Terre grâce à la découverte de la loi de la gravitation universelle par Newton,
la science allait rompre avec la conception éternitaire de l’Etre qui avait
jusque-là dominé les esprits et revenir enfin sur terre.
Mais, paradoxalement,
en unifiant Ciel et Terre, ce n’est pas le devenir qui impose sa loi au Ciel, c’est
l’éternité du Ciel, figurée par l’éternité des lois mathématiques, qui étend son
emprise sur terre et devient ainsi la norme pour étudier les phénomènes
physiques.
La mathématisation de la nature dont il est ici question est celle qui commence
avec Galilée.
Elle est en fait une géométrisation de l’espace qui a consisté à
remplacer l’espace hétérogène et sensible qui est à notre échelle par l’espace
homogène et indifférencié de la géométrie euclidienne.
Mais il faut dire que
ce que l’on a ainsi convenu d’appeler « la coupure galiléenne » ne peut être
compris que si on le réfère à l’héliocentrisme de Copernic et à la résurgence
du platonisme à partir de la Renaissance, dans la lutte qui se mène alors
contre l’emprise de l’aristotélisme et du géocentrisme du Stagirite sur les
esprits, et dont on voit les effets chez Nicolas de Cues, Giordano Bruno,
Kepler et tant d’autres.
On remarquera qu’il ne s’agit pas ici d’un platonisme
qui se soucie d’exactitude historique, puisque ce qui compte pour le XVII°
siècle qui joue ainsi Platon contre Aristote, c’est de se doter des armes
intellectuelles susceptibles de fonder la nouvelle cosmologie qui se met en
place.
De quoi s’agit-il ? Telle que l’époque va en hériter, cette controverse à
propos de la théorie des Idées peut se résumer ainsi : peut-on mathématiser le
réel ? En d’autres termes, peut-il y avoir adéquation et conformité entre le réel
empirique, inégal et accidenté d’une part, et les formes parfaites, immobiles et
éternelles que sont les figures géométriques d’autre part ? Pour Aristote, comme
chacun sait, il y’a un jeu, un écart infranchissable entre l’idéal et le sensible
puisqu’ils relèvent tous les deux de deux ordres de réalité irréductiblement
hétérogènes, ce qui veut dire que l’empirique sera toujours rebelle à toute
forme de rationalisation a priori qui irait chercher ses catégories hors du réel.
Ce qui revient à dire que le sensible est en lui-même rationnel, et que l’on n’a
pas besoin de le dédoubler par un monde intelligible.
Pour Platon, en
revanche, puisque le sensible n’a pas d’existence autonome et séparée parce
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qu’il est une exemplification de l’idéal qui en est le modèle archétypal, il n’y
a pas de césure définitive entre les deux, mais plutôt une certaine continuité
ontologique.
En d’autres termes, l’intelligible doit être la clé pour
comprendre le sensible.
En se rangeant aux thèses platoniciennes contre
Aristote, Galilée ouvre la voie à l’ère de la physique mathématique.
C’est
ainsi que dans l’Essayeur il écrit : « la nature est comme un livre en lequel nous
pouvons lire, mais à condition d’en connaître l’alphabet qui est écrit en lettres
mathématiques.
»
Que le livre de la nature soit écrit en lettres mathématiques signifie qu’audelà des irrégularités et des inégalités du réel, l’esprit qui s’applique aux
mathématiques doit être en mesure de découvrir un ordre éternel qui régit les
phénomènes par-delà leur contingence et leur mobilité apparentes.
Par les
lois qu’elle énonce, la physique est donc en mesure de dévoiler une structure
mathématique du monde qui ne laisse aucune place au devenir.
Par cette
connaissance que nous procurent les mathématiques, il s’agit ultimement,
comme le dira avec force Spinoza, d’adopter sur le monde une position qui
nous permet de le considérer sub specie aeternitatis, c'est-à-dire en quelque
sorte du point de vue de Dieu : « Il est de la nature de la raison de percevoir les
choses comme possédant une certaine sorte d’éternité.
» (Ethique, L.
II, prop.
LXIV).
La philosophie de Spinoza est celle qui a le mieux exprimé cette ontologie
essentialiste et éternitaire de la science classique.
Pour Spinoza, en effet, ce
qui seul est intelligible à la raison est l’ordre éternel et nécessaire de la nature,
c’est à dire l’idée adéquate de la chose telle qu’elle est présente dans
l’entendement divin, exactement comme si, par la connaissance adéquate, il
était donné à l’homme de transcender sa finitude, c'est-à-dire son immersion
dans le temps, pour accéder ainsi à l’éternité du divin.
Pour Spinoza, si dans
sa parfaite nécessité, la nature se confond avec Dieu, (Deus sive natura), alors
tous les évènements qui s’y produisent sont absolument nécessaires parce
qu’ils sont justiciables d’une explication rationnelle capable de les rattacher
à une cause naturelle.
Dès lors, si nous parvenons à nous hisser à la hauteur
du point de vue divin, non seulement nous comprendrons que la contingence
et le hasard sont liés à l’insuffisance de notre connaissance, mais en plus nous
saurons situer chaque événement, même le plus insignifiant, dans la
nécessité éternelle, ce qui seul pourra nous procurer la vraie béatitude, c’està-dire la sagesse même.
Grâce à cette ontologie spinoziste, nous comprenons
mieux quel était le véritable projet de la science classique : découvrir la façon
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dont Dieu a pensé en créant le monde.
C’est ce que disent Les Nouveaux essais sur
l’entendement humain, où Leibniz écrit : « …dans la moindre des substances, des
yeux aussi perçants que ceux de Dieu pourraient lire toute la suite des choses de
l’univers.
Celles qui sont, celles qui furent et celles qui se produiront dans l’avenir.
» (Paris, GF, 1966, p.39).
»
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