« Penser, a-t-on dit, c'est se retenir d'agir. » Comment faut-il concevoir les rapports de la pensée et de l'ac¬tion ?
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
Pourquoi cet arrêt et comment la pensée s'y insère-t-elle ?
Si nous nous retenons d'agir, c'est que notre action se
heurte à des difficultés que les automatismes et les habitudes
ne suffisent pas à résoudre.
Nous serions naturellement portés
à continuer notre
travail, espérant surmonter l'obstacle par un
plus grand déploiement de forces ou par tâtonnement; mais
le bon sens éduqué par l'expérience nous suggère d'examiner
la situation, afin de trouver la manière la plus économique et
la plus sûre de faire ce pas difficile.
Alors nous nous retenons
d'agir
et c'est la pensée qui se substitue à l'action.
Ainsi la pensée serait provoquée par les ratés de l'action
et elle n'aurait d'autre rôle que de résoudre les problèmes pra
tiques posés par
l'action.
B.
Discussion.
- Il est assez vraisemblable que les pri
mitifs ne pensent guère que pour songer aux moyens de sub
venir à leurs besoins.
Le civilisé lui-même est puissamment
stimulé à la réflexion par les exigences de l'action, surtout si
on englobe sous ce terme nos rapports avec nos semblables
dans une société où s'affrontent des opinions diverses.
Nous
serions portés à agir
et à parler suivant des préjugés que nous
prendrions pour des évidences indiscutables ; mais nous nous
heurtons à
la contradiction des autres.
La réaction naturelle et
comme instinctive est alors de faire front à l'adversaire et de
s'obstiner dans ses principes.
Mais le bon sens éduqué par
l'expérience nous insinue qu'il serait plus sage de suspendre
la discussion, de nous retenir de parler et d'agir pour examiner
le
problème.
Ainsi, on ne saurait le méconnaître, les difficultés
de l'action nous amènent à penser.
Mais
il y a un autre heurt que celui de l'action pratique
pour déclencher
l'activité de l'esprit: le sentiment de ne pas
comprendre, provoqué par
la simple observation du réel.
On
peut même appliquer à la pensée ce qu'Aristote a dit de la
science, qu'elle commence avec l'étonnement.
En effet, plus que les difficultés de l'action, les difficultés
de la compréhension qui constituent l'étonnement, provoquent
la pensée véritable, laquelle consiste à comprendre l'essence
des choses.
La réflexion pratique, qui ne vise qu'à obtenir un
résultat immédiat, reste à leur surface : elle constitue une
expérimentation
mentale plus qu'une recherche rationnelle.
Aussi ce n'est pas toute pensée, mais une forme inférieure de
pensée qui consiste à se
retenir d'agir en vue de réfléchir aux
moyens d'atteindre
plus facilement le résultat désiré..
»
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