Passion et psychiatrie
Publié le 28/03/2015
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La malade Aimée, sujet de la thèse de Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité (1932), choisit comme objets l'écrivain fameux P.B. et le Prince de Galles, mais ses convictions érotomanes sont associées à des thèmes délirants per-sécutifs.
Si les études psychopathologiques sur l'érotomanie se sont raréfiées, les médecins, les ecclésiastiques, les enseignants, les vedettes du spectacle ont chacun leurs érotomanes et doivent s'en garder.
Persécutés-persécuteurs, ils harcèlent les magistrats, ameutent l'opinion publique, passent aux violences physiques contre le ou les spoliateurs désignés.
C'est dans le cadre institutionnel d'une hospitalisation psychiatrique prolongée qu'un traitement médicamenteux pourra être entrepris.
Plus près de nous, les génocides commis par A. Hitler ou Pol Poth au nom de la pureté raciale ou sociale montrent que le danger constitué par ces idéalistes passionnés demeure permanent.
Contrairement aux philosophes, ils ne peuvent se contenter de spéculations intellectuelles car la société leur demande de s'engager et de distinguer la passion «normale« de ta passion «pathologique« chez des sujets paranoïaques dont le fonctionnement psychique est globalement conservé.
La passion est définie comme un «état affectif et intellectuel assez puissant pour dominer la vie de l'esprit par l'intensité de ses effets ou par la permanence de son action« (Petit Robert, 1993).
Le terme «manie«, du grec gavta, a d'abord été synonyme d'aliénation mentale ; le terme furor en était l'équivalent latin.
Puis la manie a désigné des épisodes d'exaltation euphorique alternant avec des épisodes mélancoliques (psychose maniaco-dépressive ou trouble bipolaire).
Délire, du latin de et lira, en dehors du sillon.
Le délire est défini comme une construction intellectuelle et un vécu pathologiques, incompatibles avec la réalité, entraînant une conviction inébranlable.
Lemperière, J. Guyotat (Dir.), Précis de psychiatrie clinique de l'adulte, Masson Editions, Paris 1989, 633 p.
«
La passion
tiquaient « l'intimidation » associée à des rigueurs corporelles : douche
surprise, bain froid, secousses morales potentialisées par des secousses
physiques.
Comme
le remarque Jackie Pigeaud dans un article intitulé « L'Anti
quité
et les débuts de la psychiatrie française » (3), « les passions se
situent
à la frontière de l'âme et du corps.
Sont-elles de l'âme ou du
corps, de l'âme et du corps? ...
Selon l'idée qu'on se fait de l'homme
(est-il
un ou deux?), la passion est ce qui réunit ou ce qui divise
l'homme.
C'est la passion qui pose la question urgente du dualisme ou
du monisme ».
L'intérêt pour les passions a décliné lors des multiples remaniements
nosographiques entrepris surtout en France et en Allemagne dans la
seconde moitié du x1x• siècle.
Nous retiendrons
la synthèse opérée par le psychiatre allemand Krae
pelin (1856-1926),
dont les grandes lignes sont encore valables actuel
lement.
Les psychoses sont réparties en trois groupes: la psychose maniaco
dépressive alterne dépression mélancolique
et exaltation maniaque; la
démence précoce, devenue schizophrénie (Bleuler, 1911) frappe les
sujets jeunes, post-adolescents
et disloque la pensée, l'affectivité et le
comportement ; les délires paranoïaques bien structurés se dévelop
pent à l'âge adulte.
Les troubles hystériques, phobiques, obsessionnels appartiennent au
groupe des névroses, pathologies qui bouleversent moins
la personne
et le sens de la réalité.
Cette petite parenthèse classificatoire était nécessaire pbur com
prendre le regain de faveur que la passion connaîtra parmi les psy
chiatres français à partir de
1920 et jusqu'à aujourd'hui.
A notre avis,
la fuite des idées, les conduites désordonnées du maniaque
sont peu compatibles avec une fixation passionnelle, pas plus que la
fragmentation des idées et des affects du schizophrène.
La versatilité
des
sentiments chez l'hystérique, leur facticité malgré de spectaculaires
démonstrations ne le sont pas davantage.
Bien entendu, des attitudes, des passages à l'acte empreints d'amour
ou de haine peuvent s'observer chez tous ces sujets mais ils sont plus
impulsifs que dictés par
la vivacité ou la permanence d'une réelle pas
sion.
Restent les délires
paranoïaques: ils se développent après 35-40 ans
et,
contrairement aux troubles schizophréniques, ne s'accompagnent
pas d'incapacité intellectuelle et de déficit cognitif.
Kraepelin soulignait
qu'ils
étaient compatibles avec « la conservation complète de l'ordre
dans
la pensée, le vouloir et l'action ».
Le diagnostic en est souvent
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