Pascal, Pensées, fragments 113, 114, 200, éd. L.Lafuma, Seuil
Publié le 28/10/2011
Extrait du document
Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. Je n’aurai point d’avantage en possédant des terres. Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutis comme un point ; par la pensée je le comprends.
La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable ; l’arbre ne se connaît pas misérable.
C’est donc être misérable que de se connaître misérable, mais c’est être grand que de connaître qu’on est misérable.
L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il nous faut relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser ; voilà le principe de la morale.
Pascal, Pensées, fragments 113, 114, 200, éd. L.Lafuma, Seuil, p.513 ; 528
«
Quel est le fondement de la morale ? Voilà une question à laquelle bien des
auteurs se sont confrontés, sans que la réponse soit définitivement tranchée.
Pascal,
auteur français du dix-septième siècle, est l’un de ceux-là.
Les fragments 113, 114 et
200 de ses Pensées (dans l’édition de Lafuma), que nous allons ici étudier en détail,
apportent quelques éléments de réponse au problème suivant : puisque la nature
humaine est double, à la fois divine et matérielle, sur lequel de ces deux aspects
devons-nous nous appuyer pour construire nos comportements dans le but de nous
élever et de sans cesse devenir meilleurs ? Pascal soutient que « Ce n’est point de
l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée.
»
(l.1), et nous transmet ce point de vue en comparant tout d’abord l’homme à
l’univers au travers du rapport de la pensée à la matière, décrivant par la suite la
nature humaine qu’il affirme contradictoire avant de conclure par une déduction du
principe sur lequel fonder notre morale : la pensée.
Tout d’abord, Pascal soutient que la comparaison de l’homme à l’univers
peut se faire à un autre niveau, dans une comparaison de la pensée à la matière
tangible.
Pascal soutient en premier lieu que « ce n’est pas de l’espace que je dois
cherche ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée » (l.1).
Cette affirmation,
qui peut paraître péremptoire au premier abord, est en réalité la véritable thèse que
soutiendra l’auteur tout au long de son développement (bien que les différentes
parties soient en réalités des fragments différents et n’aient été assemblés dans cet
ordre que par la volonté d’autres que Pascal, la cohésion du texte permet ici, semble-
t-il, d’utiliser le terme de développement ) ; la reprise en fin de texte du contenu de
cette phrase, que nous analyserons par la suite, nous le montre.
Mais pourquoi cette
affirmation dès le début du raisonnement ? En fait, cette phrase nous révèle dans le
même temps le problème que Pascal cherche à résoudre : puisque l’homme est à la
fois matériel et spirituel, sur lequel de ces deux ordres devons-nous fonder nos
comportements, nos actes, notre morale ? Où chercher la dignité de l’homme, son
devoir-être qui lui permet d’aller au-delà de son essence ? Pour l’interpréter dans le
sens pascalien, où l’homme doit-il chercher son salut ? Si ce problème apparaît, c’est
que les deux tendances se retrouvent et s’affrontent dans le monde dans lequel
vivent les hommes.
Ainsi la même affirmation révèle à la fois le problème
fondamental que soulève Pascal et sa réponse à ce problème.
Etudions donc,
maintenant que nous avons isolé le problème, la thèse de Pascal.
Il y prétend que
l’ « espace », métonymie à la fois pour la réalité matérielle et pour la nature
corporelle de l’homme, ne se prête pas aux exigences de la morale, ce qui est
renforcé par la négativité du « ce n’est point ».
Cette morale tant sujette à discussion
se devrait plutôt de provenir du « règlement de [la] pensée ».
Analysons plus en
détail cette partie de la phrase.
L’opposition marquée par le « mais » et la valeur
impérative du « c’est » indiquent bien que le règlement de la pensée s’oppose en
tout point à la réalité matérielle, à la corporalité de l’être humain ; et en effet, la
pensée consiste précisément en une capacité de mise à distance du corps grâce à.
»
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