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PASCAL ET LES TROIS ORDRES

Publié le 12/07/2011

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pascal

Dans les Pensées, le fragment L.308, S.339 sur les trois ordres couronne le plan d'apologie : il unifie plusieurs thèmes apparus d'abord en ordre dispersé en une vision du monde centrée autour de la personne de Jésus-Christ.

La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair. La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents de genre. Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire et leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles, où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus non des yeux mais des esprits, c'est assez. Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux, Dieu leur suffit. Archimède sans éclat serait en même vénération. Il n'a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. O qu'il a éclaté aux esprits ! Jésus-Christ sans biens, et sans aucune production au  dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'inventions, il n'a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. O qu'il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la sagesse !

pascal

« deux compris dans la nature de l'homme, il n'y a, si l'on peut dire, qu'une distance infinie ; mais entre ces deux ordres naturels et la charité surnaturelle, il y a une distance infiniment infinie, c'est-à-dire par rapport à laquelle la première n'est qu'un néant.

C'est pourquoi l'homme ne peut par ses forces propres s'élever à la sainteté, qui relève du royaume de Dieu.

Ce gouffre semble justifier l'objection « incroyable que Dieu s'unisse à nous » (L.149, S.

182) : heureusement, si l'homme ne peut le franchir de bas en haut, Dieu tout-puissant peut l'élever par sa grâce jusqu'à la charité.

On retrouve donc dans ce fragment toute la doctrine de la grâce. ...MAIS ANALOGIE DES TROIS ORDRES Pourtant à la disproportion s'ajoute une relation figurative entre les ordres : ils sont construits sur un modèle semblable.

Chacun a ses princes, ses batailles, ses victoires et ses défaites : le lexique de la guerre, qui relève des corps, permet de désigner métaphoriquement les réalités de la recherche scientifique où le savant combat les erreurs, triomphe lorsqu'il abat un préjugé, et succombe lorsqu'il lui cède.

Ces mêmes termes permettent aussi de concevoir faiblement l'ordre de la charité dans lequel Jésus combat les démons, vainc la mort et le péché. Naturellement ces figures ne sont pas entièrement adéquates, faute de quoi elles ne préserveraient pas la différence des ordres.

Les grandeurs n'y paraissent pas de même manière : celles des princes exigent l'apparat extérieur d'une cour pour montrer la puissance ; celles des savants sont plus discrètes, mais elles comportent aussi l'orgueil de la publication extérieure (Pascal en sait quelque chose : rappelons-nous le concours de la roulette).

En revanche, la grandeur de la charité se cache sous l'humilité : Jésus-Christ vient au monde dans la plus basse des conditions.

Pourtant, à bien regarder sa vie, sa dignité n'est pas moins effective, comme le montre Y Abrégé de la vie de Jésus-Christ.

L'analogie des trois ordres a donc une double valeur pédagogique : elle permet de se faire une idée des ordres supérieurs à partir des inférieurs, mais elle exerce aussi l'esprit d'humilité lorsqu'on passe des ordres naturels à la surnature. Cette double structure soutient un poème lyrique à trois voix.

Le parallélisme des strophes souligne les analogies, tout en mettant en relief le décalage des registres rhétoriques qui répondent à chaque ordre : sur les grandeurs de chair, LES TROIS ORDRES CHEZ PASCAL Nous ne voulons pas proposer un nouveau classement des Pensées, mais pour ne pas trop morceler notre étude, nous tenterons de nous placer au centre même de l'œuvre, en étudiant une notion fondamentale de la philosophie pascalienne : la notion d'ordre.

Dans cette intention nous allons d'abord définir cette expression, puis nous montrerons les conséquences qu'il est possible d'en tirer dans divers domaines. Le mot se trouve dans les Pensées avec quatre sens principaux : a) plan, organisation des différentes parties de l'ouvrage projeté : Ordre : les hommes ont mépris pour la religion ; ils en ont haine de peur qu'elle soit vraie.

Pour guérir cela il faut commencer par...

etc.

(suit une esquisse de plan) (187); b) ensemble de lois morales : Ceux qui sont dans le dérèglement disent à ceux qui sont dans l'ordre...

etc. (383); C) organisation naturelle d'une catégorie : L'ordre de la pensée est de commencer par soi...

(146); d) espèce, catégorie : Il y a trois ordres de choses : la chair, l'esprit, la volonté...

(460) Mais voir surtout (793) [l]-: La distance infinie des corps aux esprits...

etc. C'est à l'étude de ce dernier sens, le plus original, que nous allons nous attacher. Supposons des objets rangés suivant leur nature dans .

trois tiroirs superposés et nous avons grossièrement un premier aperçu de la notion d'ordre.

L'ensemble de l'univers : hommes, choses, institutions, etc.

qui se présente à nos yeux dans un désordre apparent, s'ordonne en fait en trois plans, en trois catégories, appelés : ordre de la chair, ordre de l'esprit, ordre de la charité (ou de la volonté). Bien entendu, il ne faut pas prendre le mot chair au sens de « luxure » et confondre charnel avec impudique. Chez les moralistes et théologiens du XVIIe siècle, « chair » désigne tout ce qui est terrestre, matériel, visible aux yeux des hommes; être charnel, c'est être attaché aux biens de ce monde.

Ainsi les riches, les rois dont la puissance se mesure d'après la fortune, les troupes, les terres, sont grands dans cet ordre.. »

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